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Palestine: l’Europe fait état de ses divisions à l’ONU

mercredi, 21 septembre, 2011 - 16:26

A l'ONU comme ailleurs, les Européens sont divisés. Sur la reconnaissance de la Palestine, l’Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie et la République tchèque se rangent aux côtés des Etats-Unis pour tenter d’éviter un vote. Quant à la France et la plupart des autres pays européens, ils préconisent d'ajouter une marche avant l'étape finale, celle d’un "Etat non membre" .

A la veille du dépôt de la candidature palestinienne à l'Organisation des Nations Unies (ONU), prévu ce vendredi 23 septembre, les observateurs sont pour le moins perplexes. L'heure est aux grandes manœuvres diplomatiques.

Les Etats-Unis tentent par tous les moyens d’éviter un vote au Conseil de sécurité qui les obligerait à opposer leur véto à la demande d'adhésion de l'Etat palestinien. Mais le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, est déterminé. L'initiative à l'ONU constitue un prélude au retour à la table des négociations. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu dénonce, lui, une "initiative unilatérale", affirmant qu'un Etat palestinien ne peut être créé que dans le cadre d'un accord de paix avec Israël.

Quant à l’Union européenne, elle se retrouve en porte à faux et divisée, étant officiellement favorable à la solution de deux Etats pour mettre fin au conflit entre Israël et les Palestiniens. Cette position implique, en principe, que les Palestiniens méritent un soutien pour leur demande de reconnaissance comme membre à part entière de l'ONU.

Manœuvre dilatoire

Or l’Allemagne, les Pays-Bas, l'Italie et la République tchèque, se sont ouvertement déclarés contre, tandis que la France, et la plupart des autres pays européens, tentent une manœuvre dilatoire visant à faire accepter par l'Autorité palestinienne un statut intermédiaire avant la reconnaissance formelle de son Etat.

Lors d'une réunion informelle des ministres européens des Affaires étrangères en Pologne, les 3 et 4 septembre derniers, Alain Juppé a exhorté ses collègues de se ranger derrière une seule position pour éviter "un échec tant pour Israël que pour l'Autorité palestinienne et pour pousser les Etats-Unis à faire le choix de rester isolé dans sa position pro-israélienne". Mais son homologue allemand, Guido Westerwelle, a rétorqué que son pays avait "une responsabilité particulière envers Israël" en raison de la persécution des Juifs par le régime nazi.

Contradictions européennes

Il n’empêche que l'Allemagne, comme les autres pays de l’Union, a soutenu depuis les accords d'Oslo de 1993 la création d'un Etat palestinien en l’aidant financièrement et techniquement. Enfin, en 1999, à la fin de la période transitoire définie par ces accords, l’Union européenne s'est déclarée prête à reconnaître un tel Etat au moment opportun. L'Union qui, par ailleurs, est le plus grand donateur pour les Palestiniens, a reconnu en mai dernier que

l’Autorité palestinienne fonctionne déjà comme un Etat dans tous les domaines clés".

Mais pour Alain Juppé, il serait "catastrophique" que les Palestiniens bien que soutenus par une large majorité de pays à l'ONU, soient confrontés au veto américain au Conseil de sécurité. La France et d'autres pays européens, comme la Belgique, ont donc tenté de convaincre Mahmoud Abbas de demander, plutôt qu’une adhésion à part entière en tant que nouvel Etat souverain, un statut plus élevé que celui de simple observateur à l'Assemblée générale. A l’instar du statut de Vatican, "Etat non membre" de l'ONU.

L’OLP avait acquis, au nom de la Palestine, ce statut d’observateur en 1974 et depuis 1998, les représentants palestiniens ont le droit de participer à des conférences sur le Moyen-Orient, y compris dans les débats au Conseil de sécurité. Mais les Palestiniens ont rejeté jusqu'ici cette solution et le président Mahmoud Abbas a confirmé qu'il allait demander la reconnaissance.

Quitte ou double d'Abbas

Selon Didier Billon, directeur des publications à l'Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), 

Mahmoud Abbas estime que toutes les solutions ont été tentées, notamment en septembre 2010 avec la relance du processus de paix. Mais quelques semaines plus tard, tout était terminé avec le refus de Benjamin Netanyahu de prolonger le moratoire sur la colonisation. Et ce, malgré la demande de Barack Obama. Depuis, rien n'a bougé. Mahmoud Abbas a réussi à convaincre les autres dirigeants palestiniens qu'aller au Conseil de sécurité était nécessaire pour sortir de l'impasse.

Une résolution pour la reconnaissance d’un Etat palestinien doit d'abord être approuvée par le Conseil de sécurité. Elle nécessite ensuite l’approbation des deux tiers des membres de l'Assemblée générale, ce qui semble acquis. Au Conseil de sécurité, qui comporte quinze membres, si neuf pays donnent leur accord, la voie sera ouverte pour que la Palestine devienne un Etat. A moins, évidemment, que la représentante américaine ne lève la main pour opposer son veto. Or Washington a annoncé son opposition, pour l'heure, à la reconnaissance.

C'est pourtant un reniement pour Barack Obama, quoi qu'il en dise. Lors de son discours du Caire, il y a deux ans, il avait suscité un énorme espoir dans le monde arabe en affirmant qu'il souhaitait assister en septembre 2011 à l'avènement à l'ONU d'un Etat palestinien.

 

Changement de méthode

Nicolas Sarkozy a proposé, lors de son discours devant l’Assemblée générale de l’ONU mercredi 21 septembre, "un changement de méthode" : on accepte le statut intermédiaire aujourd’hui avec la garantie d’un "accord définitif" de paix en un an l’objectif ultime étant "la reconnaissance mutuelle de deux Etats nations pour deux peuples, établis sur la base des lignes de 1967 avec des échanges de territoires agréés et équivalents".

La formule est celle déjà retenue par Barack Obama en mai dernier. Nicolas Sarkozy a également mis en garde les Palestiniens et les Etats-Unis contre un bras de fer au Conseil de sécurité, prévenant qu'un veto américain contre la démarche palestinienne "risquerait de déclencher un cycle de violence au Proche-Orient".

Les Palestiniens restent de marbre. Leur négociateur, Nabil Chaath, a déclaré qu’ils vont "donner du temps" au Conseil de sécurité pour statuer sur leur demande d'admission à l'ONU d'un Etat de Palestine avant d'explorer d'autres voies. Alain Juppé a estimé, pour sa part, qu'un vote au Conseil de sécurité n'interviendrait probablement pas avant plusieurs semaines, ajoutant que ce délai pourrait être "mis à profit pour développer une stratégie".


 

Actualisé le 22 septembre avec les propos de Nicolas Sarkozy


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