Julian Assange est, de nouveau, victime de lui-même. Son autobiographie vient d'être publiée sans son aval. Le fondateur de Wikileaks. Elle permet pourtant de connaître et de mieux comprendre son passé et ses idées.
J’ai appris aujourd’hui en lisant The Independant que mon éditeur, Canongate, a secrètement distribué une première version non autorisée de 70.000 mots de ce qui devait être mon autobiographie".
Cette première phrase du communiqué diffusé hier par Julian Assange, le fondateur et patron de Wikileaks, explique le titre pour le moins surprenant du livre sorti hier dans les librairies britanniques : "Julian Assange, l'autobiographie non autorisée".
Une autobiographie "non autorisée", c'est une première mondiale que l’un des plus célèbres accusés du monde aurait sans doute bien voulu éviter. Il assure avoir voulu repousser la publication du livre pour compléter et revoir ce qui n’était qu’un premier jet, afin, notamment, de préserver l’identité de certaines personnes citées, mais aussi pour se protéger contre une possible attaque judiciaire du gouvernement américain. De plus, Assange estime que le livre est trop centré sur lui-même et n'explique pas assez le sens de son combat politique.
"Je protège l'intimité des gens", pas des Etats
Le retrait de l’éditeur américain Knopf de ce projet ainsi que la volonté du coauteur, l’écrivain écossais Andrew O’Hagan, de ne pas le cosigner, n'ont fait qu'amplifier le malaise. Seule certitude, ce désaccord éditorial ne manquera pas de donner du grain à moudre à ses détracteurs qui l'accusent d'être atteint d'une paranoïa aiguë.
Malgré ces interrogations et la présence probable "d’erreurs et d’imprécisions" selon Julian Assange lui-même, le contenu du livre s’avère intéressant. L’Australien y parle de sa jeunesse, de son entrée dans le monde des Hackers (où il prit le nom de Mendax) et de ses motivations.
Je suis pour toujours décrit comme l’homme qui pense que tous les secrets sont mauvais, mais je pense plutôt l’inverse. Nous nous battions, en tant que cyberpunks, pour protéger l’intimité des gens. Ce à quoi je m’opposais, et continue à m’opposer, c'est l’utilisation du secret pour les institutions pour se protéger contre la vérité du mal qu’elles ont fait."
Il condamne violemment l’idée que les hackers soient des criminels intégrant les sites des banques internationales pour des profits personnels.
Aucun de mes amis et moi n’avons jamais fait le moindre mal à quiconque ou provoqué le moindre dommage (…) Au début des années 90, le gouvernement américain tenta d’expliquer qu’une disquette contenant un code devait être considérée comme une arme".
Il explique longuement la naissance de Wikileaks et ses motivations:
Je ne suis pas un penseur politique original et n’ai jamais prétendu l’être, mais je connais la technologie, je comprends la structure des gouvernements et j’étais prêt à les jeter, quand c’était possible, dans un bain d’acide et à les faire bouillir jusqu’à l’os."
Wikileaks, "agence d'information du peuple"
Il a lancé le site WikiLeaks.org le 4 octobre 2006.
Avec modestie, je pense que nous sommes devenus la première agence d’information du peuple. (..) Nous voulions que les gens aient l’occasion de comprendre exactement ce qu’il se passait sous leur nez et que cela puait."
Premier fait d'armes, il publie le manuel de fonctionnement de la prison Guantanamo rédigé à l’attention des gardiens. Le document est rapidement repris par le magazine Wired puis par le New York Times et le Washington Post. Wikileaks apparaît alors sur la scène internationale.
La diffusion, le 5 avril 2010, de la vidéo militaire de l’assassinat d’Irakiens et d’un journaliste de Reuters, puis la publication des télégrammes diplomatiques du Pentagone fait finalement de lui l’ennemi numéro 1 de Washington, avec le soutien tacite des journalistes.
"J'ai honte pour mes collègues journalistes"
Tout au long de son livre, Julian Assange s’en prend longuement aux journalistes, dont il ne comprend pas au départ leurs réactions, ou plutôt leur manque de réaction.
Après avoir envoyé un document de l’armée américaine sur l’attaque de la ville de Fallujah, en Afghanistan, à "des gens (qui) ont écrit sur Fallujah au cours des trois dernières années et qui n’avaient jamais eu un document de l’armée américaine comme celui-là et qui n'ont pas sauté dessus" il est "pas seulement étonné" par "ses collègues journalistes" mais il a, alors, " honte d’eux".
Ce sentiment revient souvent, et notamment à l’attention des médias américains :
Nous devions découvrir plus tard à quel point les rédacteurs en chef américains sont proches de la vérité officielle du gouvernement. Ils font semblant d’agir pieusement (..) mais en fait, ils compromettent leur indépendance journalistique à chaque tournant. "
De fait, ses relations avec le New York Times et le quotidien anglais The Guardian deviendront pour le moins turbulentes, après qu’ils aient tenté, selon ses dires, de le doubler et de ne pas respecter les accords de confidentialité signés avec lui sur les télégrammes américains.
Ils finiront par l’attaquer violemment dans leurs colonnes lorsqu'il sera accusé de viol par la justice britannique. Depuis son procès il y a neuf mois, il est en résidence surveillée dans une confortable demeure dans la campagne anglaise.
Il plaide évidemment non coupable:
Je n’ai pas violé ces femmes et n’imagine pas quoi que ce soit qui a pu arriver entre nous qui ait pu le leur faire croire (..) Je suis peut-être un porc machiste, mais je ne suis pas un violeur. (..) Elles ont eu des relations sexuelles avec moi de manière volontaire et étaient heureuses de se promener avec moi ensuite. C’est tout."
Le verdict de son appel auprès de la haute cour de justice contre la demande d’extradition lancée par la Suède, qui s’est tenu courant juillet, devrait être rendu prochainement.