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Portugal : la maternité, valeur refuge contre la crise

lundi, 26 septembre, 2011 - 16:54

Un atelier de design à Alfama (sud de Lisbonne) se taille un franc succès en réalisant le moule en plâtre des ventres ronds des femmes enceintes. Souvenir "pour la vie" ou ancrage dans un présent difficile, les motivations des futures mamans sont complexes.

Carmen Filipe n'en revendique pas la maternité : elle n’a pas inventé les "ventres de plâtre", ils existent dans différents pays notamment aux États-Unis et en Amérique du sud. En revanche, sa marque "Baby4ever" lancée en 2009 et qui  s’inspire de cette idée est un vrai succès qu’elle revendique fièrement.

Plus que des moulages des ventres des femmes enceintes, nous proposons un concept de design, un objet souvenir en accord avec les désirs des futures mamans et de leur entourage"

explique Carmen à myEurop.

Si Carmen s’inspire de la technique simple du papier et de la colle blanche très utilisée dans des pays comme le Mexique ou le Vénézuela, elle a introduit une notion de "durabilité" qui séduit et rassure. Les moules qu’elle réalise dans son atelier ne sont pas de simples empreintes du corps.

Travaillés, décorés, illustrés ils sont conçus comme des objets de décoration à part entière, destinés à être montrés dans la salle à manger ou la chambre d’enfants.

Ce sont des sculptures. Notre atelier consolide le moule avec de  la fibre de verre, ce qui garantit la pérennité du ventre en plâtre. Les clientes peuvent ainsi garder un souvenir de cet état particulier de la grossesse, éphémère par définition. Au Portugal la tradition veut que l’on garde dans une boîte tout ce qui a trait à l’enfant : cheveux, dents, cordon ombilical, journal du jour de la naissance et échographies. On conserve les premiers chaussons dans des bains d’argent. Alors pourquoi pas le ventre de grossesse ?"

interroge Carmen Filipe

L’idée peut paraitre saugrenue. Mais la directrice de "Baby4ever" a les pieds sur terre : elle a mis au service de la concrétisation de son rêve d’artiste ses bonnes connaissances du marketing, acquises dans le but initial de travailler dans l’entreprise de son père. Elle cherche, avant tout, à comprendre ce que veulent vraiment les femmes qui viennent faire la démarche.

Et ça marche ! Aujourd’hui " Baby4ever " dispose de 10 centres agréés d’élaboration des moules. Ils sont ensuite envoyés à Almada pour être traités et décorés selon les souhaits des clientes. Carmen Filipe veut maintenant être présente dans les dix- huit capitales de district (région) du Portugal.

Du produit à l’objet d’art

"J’avais envie d’un souvenir, de garder une trace de ma grossesse. Mon mari s’est enthousiasmé: nous avons fait faire deux moules! L’un deviendra une lampe dans le séjour et l’autre un cadre pour la chambre d’enfants " raconte Carina,  désormais toute jeune maman.

Nombre de clientes de Carmen cèdent au phénomène de mode, alors que d'autres clientes veulent se récompenser d’avoir porté un enfant durant 9 mois.

Les prix des moulages varient entre 80 et 140/160 euros. Tout dépend de la décoration retenue pour l’objet final. Un prix "juste" considère Carmen Filipe quand on sait qu’il faut 8 heures de travail pour réaliser une empreinte. L’argent, dans ce cas précis, ne compte pas vraiment.

Ana Margarida a offert un moulage à sa fille Joana, maman à 15 ans.

Nous ne sommes pas riches, mais c’est une manière de montrer à ma fille que nous la soutenons, que nous l’entourons. C’est un moment unique. Et une situation difficile. Le ventre de plâtre, c’est une manière de dire 'on est tous ensemble dans cette histoire'. Alors ça justifie le prix"

Culte de la maternité

La directrice de l’atelier "Baby4ever" le reconnait, l’atelier bénéficie du besoin de sécurité que les gens ressentent pour cause de crise. La maternité devient une valeur refuge et sa célébration, un hommage pérenne en ces temps incertains. Malgré des fins de mois difficiles, dans un contexte de crise économique sévère le retour vers les valeurs traditionnelles  se vérifie à nouveau. Toutes les femmes ne partagent pas l’exaltation du rôle de reproduction des femmes.

Je trouve l’idée un peu morbide. Et j’ai du mal à me dire que je vais croiser mon ventre tous les jours dans mon salon. C’est un paroxysme que je peux comprendre, mais qui cache à mon sens le repli sur soi, et une démarche nombriliste"

critique Celia, avocate, maman d’une petite fille de deux ans.

Indépendamment de la question esthétique, et du choix personnel qui prévaut dans ce cas précis, certains s’interrogent sur le retour du culte de la maternité, et des discours sur les valeurs traditionnelles du courage et de la famille.

Sur fond de culpabilisation d’une population à qui l’on demande de payer les pots cassés de la dette publique. Une inquiétude justifiée lorsque l’on sait que sous prétexte de réductions de dépenses, le gouvernement  a annoncé la fin du remboursement de la pilule contraceptive.

Confronté à de très vives réactions de tous bords, critiqué pour une mesure dont l’impact sur les finances publiques est dérisoire, le gouvernement a reculé et fait avoir que la mesure était seulement "à l’étude". 


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