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Taxe financière: les contradictions britanniques

mercredi, 28 septembre, 2011 - 16:27

La proposition de la Commission européenne visant à taxer les transactions financières rencontre l’assentiment de la France et de l’Allemagne. Mais le Royaume-Uni, troisième poids lourd de l’UE, traîne toujours des pieds. Pourtant, Londres taxe déjà les transactions financières. Sans faire fuir les capitaux.

José Manuel Barroso passe à l’offensive:

Au cours des trois dernières années, les Etats membres ont accordé des aides et fourni des garanties au secteur financier à hauteur de 4 600 milliards d'euros. Il est temps que le secteur financier apporte sa contribution à la société",

a affirmé le président de la Commission européenne, lors de son discours sur l'état de l'Union au Parlement européen, mercredi 28 septembre à Strasbourg. La Commission adoptait ainsi officiellement une proposition de taxe sur les transactions financières (TTF) à l’échelle de l’Union européenne. Le conseil des ministres européens devra en débattre dans les prochains mois, pour une éventuelle application à l'horizon 2014.

Le niveau proposé de la taxe est modeste: 0,1% sur les actions et les obligations, et 0,01% sur les autres produits financiers. Les institutions financières, banques, Bourses et fournisseurs de services financiers, seraient chargés de la collecte de la taxe auprès de leurs clients, et de son paiement.

Londres taxe depuis 1986

La vieille idée de l’économiste américain James Tobin serait-elle en passe de se concrétiser sur le Vieux continent ? Rien n’est moins sûr. Si la France et l’Allemagne soutiennent le projet, ce n’est pas le cas du Royaume-Uni. Pourquoi ?

Cela n’a aucun sens si les marchés détalent du jour au lendemain pour Singapour ou New-York",

a déclaré George Osborne, le chancelier de l’Echiquier britannique.

Une remarque pleine de bon sens. Sauf que le Royaume-Uni taxe en réalité les transactions financières, et ce depuis 1986 ! Acquitté par l’acheteur, qu’il soit résident fiscal britannique ou non, le "Stamp Duty Reserve Tax" (SDRT) s’applique sur l’achat d’actions mises sur le marché secondaire [autrement-dit pas sur les actions nouvellement émises] au taux de 0,5%.

Les inquiétudes formulées par George Osborne trouvent leur réponse dans une étude sur la possibilité de mise en œuvre d’une TTF en France, menée par le cabinet "99 Partners Advisory" pour Unitaid [une plate-forme de centralisation d’achats de médicaments à destination des pays en développement, financée par une taxe sur les billets d’avion] et publiée en septembre.

Pas d'effets négatifs

Les auteurs de cette étude concluent que

La taxe n’a pas d’effet significatif sur le prix des actions britanniques.

Non seulement cette taxe n'a pas fait fuir les investisseurs de la City, mais la bourse de Londres "est le marché où est recensé le plus grand nombre de nouvelles sociétés listées [inscrites] en 2010, plus de 3 fois supérieures au nombre constaté sur NYSE Euronext (les bourses de Paris, Amsterdam, Bruxelles et Lisbonne réunies)".

En 2009, la taxe britannique a tout de même rapporté la bagatelle de 2,9 milliards de livres, soit 0,7% des revenus fiscaux du royaume.

Une taxe de 0,15% prévue en Italie

Les réticences de Londres à la création d’une nouvelle TTF à l’échelle de l’UE seraient-elles dues à la volonté de ne pas cumuler deux taxes sur son territoire? Ou ont-elles à voir avec le fait que la City représente plus de la moitié des transactions financières européennes? Les recettes d'une TTF européenne proviendraient donc majoritairement de Londres:

Cette taxe n'est pas à l'échelle de l'Union mais une taxe sur la City de Londres. Une TTF doit être une solution de la zone euro pour un problème de la zone euro… Le succès de la City ne sera pas sacrifiée à une mesure infondée visant à soutenir la zone euro."

, a déclaré Kay Swinburne, députée européenne et porte-parole du parti Conservateur britannique sur les affaires économiques et monétaires. En clair: les Britanniques souhaitent garder les recettes de leur TTF chez eux. On se dirige donc probablement vers cette solution que suggérait déjà le ministre allemand des finances Wolfgang Schaüble mi-septembre: l'application de la TTF aux seuls pays de la zone euro.

Mais la date pour l'instant retenue, 2014, pourrait sembler trop lointaine pour des économies au bord du gouffre. L'Italie a ainsi pris une initiative dans son coin en incluant, dans le budget d’austérité approuvé jeudi 30 septembre en conseil des ministres, une TTF nationale de 0,15%.




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