Une encyclopédie pour Angela Merkel ! Les jeunes portugais veulent réapprendre l’histoire à la chancelière après ses déclarations sur la perte de souveraineté des pays qui ne respecteraient pas les critères de Maastricht.
La démarche est pleine d'humour, mais le ton frondeur, franchement indigné.
Malgré les mesures d’austérité et la précarité du travail [nous sommes] prêts à faire un effort pour acheter l’encyclopédie de l’histoire du 20ème siècle et l’envoyer à Merkel (…) Nous lançons un défi à la Chancelière pour qu'elle scrute l’histoire récente de son pays et comprenne les conséquences que ce genre de déclarations belliqueuses ont eu par le passé."
explique le mouvement du 12 mars (M12M), ce collectif né après la manifestation qui avait réuni près de 300 000 personnes dans les rues de Lisbonne et Porto au printemps dernier.
A l'image des Grecs, les jeunes Portugais sont las d'être présentés comme des feignants dépensiers, responsables de tous les maux de la zone euro. Ils craignent surtout pour leur souveraineté nationale. L'hypothèse d'une "mise sous tutelle" des "mauvais élèves" émise très clairement par le premier ministre néerlandais, Mark Rutte, mais aussi par la ministre du travail allemande et Angela Merkel, inquiète et agace.
La Chancelière allemande, au cours d'une allocution sur la chaîne publique allemande ARD, le 25 septembre, a menacé les Etats qui violeraient les critères de Maastricht:
[ils] devront abdiquer d'une partie de leur souveraineté,"
a rapporté le Jornal de negocios. Le menace est encore plus précise: "Si un pays de la zone euro ne respecte pas les critères de stabilité, il devra être poursuivi devant la Cour de justice européenne [CJE]".
Le même jour, dans une interview au Tagesspiegel, la ministre du Travail Ursual von der Leyden, expliquait déjà qu'une "entité centrale européenne doit intervenir si un pays membre ne colle pas aux règles communes''.
Un texte, adopté mercredi 28 septembre par les députés européens, prévoit justement un durcissement du Pacte de stabilité avec des sanctions financières colossales – automatiques et préventives – pour les mauvais élèves incapables de tenir leurs déficits. De quoi faire oublier l'idée d'un recours à la CJE ? Probable, d'autant qu'une telle mesure impliquerait de réformer les textes européens.
Le esprits s'échauffent
Mais les Portugais sont usés de devoir encore et toujours faire des efforts et en colère face à l'intervention croissante des bailleurs de fonds étrangers dans leur politique intérieure.
Dix jours après la manifestation monstre qui a signé la naissance du M12M, le premier ministre socialiste José Socrates présentait sa démission. Depuis, l'action du nouveau gouvernement de droite consiste en une litanie de mesures d'austérité. Car le Portugal, étranglé par sa dette, s'est engagé à respecter le mémorandum signé avec la "troïka" [BCE, FMI et Commission européenne] de l’aide internationale en contrepartie d’une enveloppe de 78 milliards d’euros.
Cette politique de rigueur mine le moral des Portugais. Alors, les esprits s'échauffent, au risque de comparaisons hasardeuses:
Depuis les attaques des nazis, jamais un gouvernement n'a proféré une telle menace, une telle atteinte à l'indépendance et au droit et à l'égalité formelle des Etats consacrées par le droit international,"
poursuivent, vindicatifs, les Indignés portugais. Avant de conclure: "Nous ne voulons pas que l'histoire se répète".
C’est un phénomène d’héritage génétique cette forme de pensée ? Est-on en train de construire une nouvelle carte géographique dans la mesure où après l’euro ce sera la fin de Schengen ? Angela Merkel veut-elle placer ses ministres à l’assemblée portugaise ?"
s’interroge furieuse, Adelina Barradas de Oliveira, juge et bloggeuse.
Les dettes de l'Allemagne
La révélation du déficit dissimulé par Madère (île atlantique au statut de région autonome) a encore relancé la polémique, les pays d'Europe du Nord y voyant une nouvelle illustration du laisser-aller des "sudistes" – le désormais célèbre "Club Med". Retour de bâton: l'hostilité vis-à-vis de l'Allemagne gagne du terrain. Et le mouvement du 12 mars affiche sa solidarité avec la Grèce, elle-aussi mise à mal par les cures d'austérité à répétition et les exigences de ses créanciers.
Les manifestants vont ainsi jusqu'à faire référence aux milliards que Berlin devrait toujours à Athènes en réparation des dommages causés par les nazis et en raison du prêt d’occupation forcé, payé aux Allemands par la Grèce en 1942.
Il faudrait commencer par annuler l'abandon par la Grèce de la dette allemande au lendemain de la 2ème guerre mondiale."
pouvait-on lire sur la page facebook du M12M. Si les estimations varient considérablement selon le mode de calcul, Jacques Delpha, économiste et membre du Conseil d'analyse économique (CAE) avance le chiffre de 575 milliards d'euros. En décembre 2010, le Secrétaire d’État aux finances grec, Philippos Sahinidis, évoquait la somme de 162 milliards.
Le 15 octobre les jeunes et moins jeunes du M12M ont appelé à un nouveau rassemblement, pour participer au grand mouvement international des Indignés: défilé, déclaration au Parlement et veillée sont au programme. Et les jeunes d'adopter un ton martial, par la voix d'un communiqué:
nous ne nous rendrons pas !"