Incapable de citer le nom du candidat favori pour prendre la tête du Labour écossais, Ed Miliband, le patron des travaillistes anglais, se voit taxé d’indifférence. Pire, il inquiète, alors que le référendum sur l’indépendance du pays pourrait se tenir dans les prochains mois.
Ce devait être une semaine placée sous le signe du renouveau pour le Labour britannique. A l'occasion de sa convention annuelle, à Liverpool, dans le Nord de l'Angleterre, les Travaillistes entendaient prouver que la page des années Gordon Brown était définitivement tournée.
Tout avait bien débuté, avec le médiatique discours du jeune Rory Weal, 16 ans et nouvelle égérie de la gauche anglaise. L'annonce du rajeunissement du "shadow cabinet", renforcé par de nombreux trentenaires, continuait d'apporter un souffle nouveau à ce Labour usé par 13 ans de pouvoir. Mais la semaine s’acheva sur une gaffe du (jeune) patron, Ed Miliband, faisant renaître d'anciennes critiques auxquelles les Travaillistes étaient depuis longtemps habitués.
Trou de mémoire
Interrogé par BBC Scotland, jeudi, sur le processus de désignation d’un nouveau leader pour le Labour écossais, le cadet des frères Miliband n'a en effet pas été capable de citer le nom d'un des trois candidats. Après s'être déjà montré hésitant sur les noms des deux premiers.
Je pense que nous avons trois gros frappeurs. Il y a Tom Harris. Euh, il y a Johann Lamont, euh, et un troisième candidat qui va également se mettre en avant."
Le hic: ce troisième candidat, Ken Macintosh, n’est autre que le favori pour prendre la tête du Labour écossais. Ce que n’a pas manqué de lui faire remarquer le journaliste.
C’est le favori et vous ne pouvez pas le nommer."
Et Miliband de se reprendre dans une pirouette un peu gauche:
Non, écoutez, Ken Macintosh va être un excellent candidat."
Fin de l’interview.
Pas vexé, le principal intéressé, Ken Macintosh, a tenté de désamorcer cette bourde par l’humour:
Je ne pense pas que quiconque devrait y voir quoi que ce soit. La plupart du temps je ne peux même pas me souvenir du nom de mes propres enfants."
Mais la séquence demeure désastreuse pour l’image du Labour en Écosse.
Indifférence
Déjà, les trois candidats étaient sources de railleries du fait de leur manque de notoriété. Avec son intervention, Ed Miliband a involontairement appuyé là où le bât blessait, alors que la question qui lui était posée concernait justement leur visibilité limitée.
[M. Miliband] a réussi à nommer deux candidats de plus que le reste de la population."
s’est gaussé Alex Salmond, le Premier ministre écossais, membre du Scottish National Party (SNP).
Mais pour de nombreux commentateurs, la sortie d’Ed Miliband est symptomatique du désintérêt patent du Labour sur la question écossaise et sur l’état de l’Union du Royaume-Uni.
Il y a une triste habitude parmi certains politiciens de Westminster de ricaner de Holyrood [palais des rois d’Écosse, en face duquel est situé le Parlement écossais] et de ses habitants, et une tendance en Angleterre à ignorer les événements se déroulant au Nord. Cette complaisance est un réel danger pour l’Union."
s’est ainsi offusqué un journaliste écossais.
Vers un referendum sur l'indépendance
Et les faits ne sont pas pour lui donner tort.
Deux poids-lourds du Labour – et membres du shadow cabinet –, Jim Murphy et Douglas Alexander, avaient ainsi refusé tout catapultage en Ecosse pour concourir en lieu et place des "gros frappeurs" de M. Miliband. De plus, le pays des Highlands apparaît petit à petit comme un terrain de jeu pour "has been" écossais du Labour.
Un manque de considération qui inquiète, alors que se profile un référendum sur la sécession de l’Écosse du Royaume-Uni.
Si le très nationaliste Alex Salmond, malgré son éclatant succès électoral aux législatives écossaises de mai dernier, n’a pas encore fait passer de texte pour convoquer un référendum, plus personne ne doute que les électeurs seront bientôt amenés à prendre une décision sur le sujet.
La crainte d’une possible indépendance incite dès lors Londres à faire preuve d’attention envers son voisin écossais. Et si Ed Miliband a indiqué refuser de faire campagne commune avec David Cameron sur le sujet, il défend néanmoins la même ligne que le Premier ministre conservateur.
Nous [anglais et écossais] avons partagé des institutions, depuis le système de santé, la BBC et les forces armées jusqu’à une histoire commune. Je pense que nous avons un lien commun."
a-t-il ainsi déclaré jeudi, au cours de la même interview à BBC Scotland.
Une déclaration forte et intelligible, propre à joliement clôturer la semaine du Labour. Il ne restait alors qu'une minute d'entretien…