La ville de Maastricht vient d’interdire l’accès de ses "coffee shops" aux étrangers non frontaliers - principalement français et italiens - et se prépare à les expulser hors du centre-ville. Le gouvernement néerlandais veut renforcer contrôles et répression. Mais le parlement vient de faire appel à des experts favorables à une légalisation expérimentale.
Depuis le premier octobre, les coffee shops de Maastricht ne sont plus accessibles qu’aux personnes résidant aux Pays-Bas, en Belgique ou en Allemagne.
Si Maastricht est surtout connue à l’étranger pour sa politique libertaire à l’égard de la drogue, elle est perçue aux Pays-Bas comme une ville moyenne et prospère avec ses 18 millions de touristes par an.
Parmi ces derniers, un groupe spécifique: les touristes de la fumette. On les estime officiellement à 4,6 millions par an. Une bonne affaire pour Maastricht, qui évalue, bon an mal an, à 250 millions d’euros les dépenses des adeptes du cannabis.
Mais ces touristes d’un genre particulier posent un problème de cohabitation aux habitants du centre-ville dont les boutiques luxueuses attirent un nombre croissant de consommateurs au pouvoir d’achat élevé.
Interdit aux Français
Depuis le 1er octobre, seuls les résidents des Pays-Bas et des pays voisins, la Belgique et l'Allemagne, peuvent s’approvisionner dans les coffee shops de Maastricht. Les propriétaires de coffee shops estiment que 30 % au moins de leurs clients étaient français ou italiens et que cette interdiction les vise plus particulièrement.
Les Français et les Italiens viennent le plus souvent en voiture. Arrêtées au retour à la frontière belge, elles contiennent souvent près de 100 kilos d’herbe, de speed ou de cocaïne. Bien plus que les malheureux cinq grammes de cannabis tolérés par les autorités néerlandaises…
Cette interdiction ne diminuera probablement pas le nombre de “drugrunners”, ces vendeurs illégaux qui proposent la dope à moitié prix aux amateurs, le long de la Meuse et qui n’hésitent pas à menacer les touristes en goguette.
La prohibition de toute vente aux citoyens hollandais, allemands et belges, risque donc d’être un coup d'épée dans l’eau. Sans compter qu’elle pourrait non seulement contrevenir à la liberté de circulation, mais aussi constituer une discrimination par la nationalité peu compatible avec les Traités européens.
Politique de "dispersion"
Mais la municipalité de Maastricht ne se contente pas d'interdire la vente de cannabis aux étrangers. Elle vient également de décider le 27 septembre de contraindre progressivement les coffee shops à quitter le centre-ville. En 2005, les élus municipaux avaient déjà tenté de les déplacer le long de la frontière belge, à seulement quelques kilomètres. Projet finalement abandonné face à la levée de boucliers belge.
Aujourd’hui, la "dispersion" est circonscrite aux abords de Maastricht. C’est ainsi que trois des coffee shops de la ville – le "Missouri", le "Smoky" et le "Mississippi" – devront déménager. Mais cela ne se fera pas avant 2013. Quatre autres établissements devraient quitter le centre-ville dans les années suivantes, soit la moitié des quatorze coffee shops actuels.
Des règles transgressées
Contrairement à ce que croient souvent les visiteurs étrangers, la culture, la possession et la vente de la drogue ne sont pas légales aux Pays-Bas, mais tolérées à certaines conditions:
- Ne pas faire de publicité
- Ne pas vendre de drogues dures
- Ne pas engendrer de nuisances
- Interdire l’accès aux moins de 18 ans
- Limiter la vente à 5 grammes par personne et les stocks de produits à 500 grammes par établissement.
Inutile de dire que ces règles sont transgressées tous les jours. Pas un coffee shop qui n’ait sa publicité sur Internet, y compris sur des annuaires anglais spécialisés, ou qui ne possèdent pas un stock de loin supérieur aux limites admises.
Et le ministre de la justice, Ivo Opstelten, vient d’ajouter une condition supplémentaire pour les propriétaires ou les gérants de ces établissements : qu’ils créent une association – de type loi 1901 – et que les clients deviennent membres de ces "clubs" un peu particuliers…
Pour Jan Brouwer, professeur de droit de l’université de Groningue, cette décision est absurde.
La vente de la drogue n’est pas légale, elle n’est que tolérée. Une telle association constituée en vue de consommer un produit illégal deviendrait de facto une association de malfaiteurs. Et la liste des membres constituerait donc un registre de criminels… Cette politique est donc juridiquement inadmissible".
Légaliser ou criminaliser
Les partisans de la libéralisation de la drogue dénoncent une
politique de tolérance devenue irréaliste. Le gouvernement veut plus de répression, mais sans résoudre les problèmes alors que l'on n’a jamais tenté la régularisation, même à titre expérimental."
Pour Marc Josemans, représentant la VOCM lors du "Tribunal du Cannabis" qui s’est tenu le 16 mai dernier au café Dudok, en face du parlement néerlandais à La Haye, avec cette proposition d’affiliation des coffee shop à des associations,
l’administration montre, encore une fois, qu’elle favorise les organisations criminelles. Mais ces organisations ne paient pas de taxes, n’entament pas de dialogue avec les autorités et ne se laissent intimider par aucune frontière. Elles sont, en bref, incontrôlables".
Il propose pour sa part, une politique de régulation du marché, avec des licences pour les professionnels du secteur et une libéralisation expérimentale à l’échelle nationale.
Les partisans de la dépénalisation et les professionnels du secteur seront-ils entendus ? Lundi 3 octobre, le parlement néerlandais entendait des experts au sujet de ce "wietpas", mais aussi en vue de définir une "politique de la drogue" cohérente. Enfin!