Un resto connu sur une jolie place accessible dans le centre de la capitale portugaise : la primaire socialiste s’est choisie un lieu convivial pour inciter les citoyens expatriés "qui se reconnaissent dans les valeurs de la gauche" à se rendre aux urnes "citoyennes".
Place das Flores. Un joli jardin bordé de quelques restaurants, dont le Nova Mesa, au cœur de Lisbonne près du Bairro Alto, mais aussi de l’Assemblée Nationale portugaise. C’est ici, au Nova Mesa que les Français de Lisbonne peuvent voter pour les primaires socialistes.
Cédric Leclerc (photo), le propriétaire, a accepté que le scrutin citoyen s’y déroule, comme en France, dimanche 9 octobre. Une élection dans un resto ? "Pourquoi pas ? Je crois moi qu’il faut multiplier ce genre d’initiative. Ça nous fait vraiment plaisir de participer à ce rendez-vous démocratique, à cette première primaire ouverte à tous" répond Cédric Leclerc, visiblement amusé par mon étonnement.
A 50 ans, Cédric a déjà passé la moitié de sa vie à Lisbonne. Une carrière débutée en tant que VSNA (service national civil), poursuivie comme patron d’une entreprise informatique et finalement comme restaurateur. "Cela ne m’a pas du tout surpris que le PS me demander si ça pouvait se faire ici. Mon resto a déjà servi de cadre à des événements comme le soutien aux victimes du tremblement de terre d’Haïti. Je connais beaucoup de monde et on connait mon resto : c’est un point de ralliement facile. Et ainsi je participe à l’élan démocratique".
Ne craint-il pas de voir son nom et son établissement définitivement accolés au parti socialiste? "Moi ce qui m’intéresse c’est la démarche citoyenne. Plutôt que de faire ça au lycée français, un dimanche, c’est dans un resto. On gagne en convivialité. Cela permettra peut être à quelques personnes de découvrir ma carte, celle du restaurant et non pas celles du PS! Mais ce n’est pas ma motivation, il y a d’autres manières de se faire de la publicité" commente Cédric Leclerc.
Il reconnait qu’il souhaite la victoire de la gauche en 2012, mais souligne surtout son désir d’alternance. Il recevra une compensation de 100 euros, afin de payer le personnel en extra ce dimanche.
Autre atout de ce restaurant, la Place das Flores est à deux pas des quartiers ou résident bon nombre d'expatriés français.
Un vrai casse tête
A 35 ans Arnaud Leroy (photo) est au PS depuis six ans seulement, et vit à Lisbonne depuis cinq ans. Ce juriste spécialisé en droit de la mer et l’environnement s’est jeté à corps perdu dans la bataille politique, et sera le candidat PS à la députation en 2012 pour la circonscription des français de la péninsule ibérique.
"En avril 2011, nous n’avions pas de réponse du Ministère français des Affaires étrangères, censé nous aider à organiser la primaire. Nous avions une date butoir début mai pour pouvoir organiser le scrutin. L’autorisation d’utiliser des locaux français comme le lycée ou l’institut français est venue un peu tard. J’avais déjà le plan B du restaurant. Quand j’ai proposé à Cédric, il a accepté immédiatement", explique Arnaud, finalement soulagé de ne pas avoir à gérer des problèmes de présence de personnel administratifs et de sécurité un dimanche dans des locaux officiels.
Un isoloir avec un rideau de douche
Au passage, Arnaud Leroy découvre qu’à l’étranger, les services administratifs ne disposent pas de leurs propres urnes. "Il faut vous en louer une, et bricoler avec un rideau de douche" s’est-il entendu dire en Espagne. Finalement des accords avec les partis socialistes locaux à Barcelone et en Andorre par exemple, ont résolu les problèmes logistiques. A Lisbonne, le consulat a prêté une urne et deux isoloirs.
Le plus difficile pour la toute petite section PS de Lisbonne- une vingtaine de membres- est de pouvoir garantir la présence le 9 et le 16 octobre d’une équipe d’une dizaine de volontaires. Il faut 4 personnes en permanence pour tenir le bureau de vote de 9 heures à 19 heures, puis assurer le dépouillement.
"C’est bien beau la démocratie, mais il faut la faire tourner. Là il faut de la bonne volonté, et du sérieux. Nous avons un cahier des charges très strict à respecter pour garantir un bon déroulement du scrutin" explique Arnaud.
"200 votants, ce serait un vrai succès"
Au Portugal, 15 000 personnes sont enregistrées sur les listes consulaires, dont 9000 à Lisbonne, 5000 à Porto (Nord) et 1000 à Faro (sud). Toutes ne sont pas inscrites sur les listes électorales à l’ambassade (le nombre d’inscrits ne peut être communiqué).
Et le taux de participation aux élections est faible à l’instar de ce qui se passe dans les communautés françaises un peu partout dans le monde. En 2007, pour l’élection présidentielle, cette participation était de l’ordre de 40 % contre 83 % en métropole.
Pour la petite histoire, à Lisbonne, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy avaient obtenu l’égalité parfaite des voix. La candidate PS l’avait même emporté avec les suffrages des français de Porto. Pour la primaire citoyenne, Arnaud Leroy espère une centaine de votants "200, ce serait un vrai succès".
La démocratie est servie de 9h à 19h
"Vous voyez, ici on ne fait pas comme tout le monde" s’amuse un Français qui déguste un Carpaccio de magret parfumé au sésame. "Et puis voter dans un resto, c’est l’amitié luso-française et l’internationale de la gastronomie qui y gagnent" ajoute ce "citoyen lambda très déterminé à participer" comme il se définit lui-même avec un large sourire.
Quant au Patron de Nova mesa, il réfléchit à un menu spécial pour le 9 octobre Il ne s’agit peut être pas de changer la carte toute entière, mais de proposer un plat un peu plus "franciu" comme on dit au Portugal en parlant de la France et des Français. En temps normal, la cuisine « fusion » (Portugal, France, Asie, Maghreb) est mitonnée par un cuisinier népalais.
Quoiqu’il en soit la démocratie sera servie de 9 heures à 19 heures dimanche 9 octobre, avec un second service éventuel le 16 octobre.
Crédit photo: ML DARCY