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La Grande-Bretagne, royaume des enfants pauvres

jeudi, 13 octobre, 2011 - 15:35

Non, ce n'est pas du Dickens. Avec un taux de chômage record, une pauvreté qui touchera 47% des enfants en 2020, selon le très sérieux Institut d’études fiscales, la situation au Royaume-Uni est vraiment dramatique.

Adam regarde les chemises, une par une. "Celle-là n’est pas râpée du tout, le tissu n’est pas distendu, elle fera l’affaire". Trois autres reposent déjà dans son panier.

J’achète désormais toutes mes chemises d’occasion car mon budget est plus que limité et je dois quand même en changer régulièrement,

assure ce Londonien de 24 ans en stage depuis trois mois dans une agence de publicité digitale. "En revanche, je n’achète que des jeans neufs mais du coup j’en ai peu". Ces quatre nouvelles acquisitions lui ont coûté 22 livres (25 euros).

Installé en face du métro Highbury & Islington, le magasin de cette association caritative ne désemplit pas. "Il attire de plus en plus de personnes de milieux sociaux différents, assure une habituée.

La crise touche indéniablement toutes sortes de population, et notamment des jeunes qui n’auraient auparavant même jamais regardé la vitrine".

Des robes et des jupes aux couleurs et aux motifs démodés sont effectivement exposées. Leur faible tarif confirme bien que ce magasin ne vend pas des habits vintage, très à la mode à Londres, mais bien des vêtements d’occasion donnés à l’association caritative par leurs précédents propriétaires.

Les 16-24 touchés de plein fouet

La crise semble, en effet, provoquer beaucoup de dégâts dans la société britannique. Après la destruction de 178 000 emplois en un seul trimestre, 2,57 millions de Britanniques étaient sans travail à la fin août, soit 8,1% de la population active. C’est le plus haut taux de chômage depuis octobre 1994.

Parallèlement, 36,9% de la population active, soit 18,55 millions de Britanniques, ne travaille pas et n'est pas à la recherche d’un emploi. Entre août 2009 et août 2011, le taux d’emploi est passé de 58,4% à 57,9% de la population active. Et les jeunes sont principalement touchés: 991 000 des 16-24 ans recherchent un emploi.

Plus que la crise, les choix gouvernementaux sont critiqués par les centres de recherche indépendants et les associations caritatives. Ils expliquent ces très mauvais résultats par la volonté du gouvernement de réduire le nombre d’employés du secteur public (-130.000 personnes depuis juin 2010), alors que le nombre d’employés dans le secteur privé n’a augmenté dans le même temps que de 20 000 personnes.

Malgré ces chiffres, le gouvernement ne changera vraisemblablement pas sa politique d’austérité car ses principaux responsables ont réaffirmé leur volonté de se tenir à leur plan initial,

estime Scott Corfe, économiste confirmé au Centre pour la recherche économique et commerciale. "La fierté politicienne lie donc les mains des décideurs".

Loyers exhorbitants

Les difficultés des Britanniques sont accrues par l’explosion des loyers. La société caritative Shelter, spécialisée dans la question du logement, estime dans un rapport publié ce jeudi que les loyers sont devenus inabordables pour les familles moyennes ayant des revenus dans 55% des municipalités du pays. Ils y représentent en effet plus d’un tiers du revenu moyen des foyers.

A Londres, le loyer moyen de 1 360 livres (1 560 euros) par mois pour un appartement de deux chambres représente plus de 50% du revenu moyen des foyers. Ainsi, 38% des familles avec enfant ont dû réduire leur dépense en alimentation pour pouvoir payer leur loyer. Le manque de logements sociaux expliquerait ces statistiques exorbitantes.

Un quart des foyers s’endettent pour la santé de leurs enfants

Le coût de la santé au Royaume-Uni peut attendre des proportions problématiques pour les ménages les plus défavorisés. Selon une étude menée par Daycare Trust et Save the Children, 58% des parents déclarent avoir réduit leurs dépenses en habillement, chauffage et autre factures, afin d’assurer la bonne santé de leurs enfants. Encore plus alarmant: près d'un quart des personnes interrogées se sont endettées pour faire face aux dépenses de santé de leurs bambins.

Ce sondage intervient alors que le Parlement britannique examine la réforme de la santé (NHS : National Health Service) voulue par le Premier ministre David Cameron, qui prévoit une "réduction des gaspillages". De quoi rassurer les familles…

Et l’avenir ne s’annonce pas rose. Suite à la politique de réduction des aides sociales et de gel des salaires, l’Institut d’études fiscales (Institute for Fiscal Studies) estime que 47% des enfants se retrouveront, si la politique sociale reste inchangée, en 2020 dans une situation de pauvreté relative ou absolue, c’est-à-dire vivant dans un foyer aux revenus inférieurs à 60% du revenu moyen annuel. Et dés 2013, ce sont 3,1 millions d'enfants qui vivront dans la pauvreté.

Les autorités s’étaient fixé en 2010 un objectif de "seulement" 15%.

Les ministres semblent refuser de voir que leur politique risque d’être la pire en termes d’effets sur la pauvreté depuis une génération,

se désespère Alison Garnham, la directrice du Groupe d’action sur la pauvreté infantile. Le ministère du Travail et de la retraite se défend

Nos réformes auront un effet dynamique sur certaines des familles les plus pauvres, encourageront les gens à chercher un travail, beaucoup d’entre eux pour la première fois, et amélioreront les chances de vie des enfants à un âge précoce.

Encore faudrait-il pour cela que des emplois soient disponibles.




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