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Journée de l’indignation: Paula, la pasionaria portugaise

jeudi, 13 octobre, 2011 - 10:55

A l’origine de la grande protestation du 12 mars dernier qui a réuni 300 000 personnes à Lisbonne et Porto, Paula Gil appelle les Portugais à se rassembler à nouveau le 15 octobre - à l'occasion de la Journée mondiale de l'indignation. Ses convictions n’ont pas faibli : il faut s’unir pour se faire entendre.

Le mot de pasionaria la fait sourire. Paula Gil se veut avant tout une jeune femme de son temps, consciente et impliquée dans le débat politique. A 27 ans, Paula a vu son destin basculer après l’énorme manifestation du 12 mars à Lisbonne et Porto. Elle est avec trois amis à l’origine du mouvement entamé sur Facebook.

Le jour de la protestation, Paula s’est retrouvée en tête d’un cortège de 200 000 personnes à Lisbonne. Un élan extraordinaire et totalement imprévu, le premier à faire entrer en Europe l’esprit du "printemps Arabe".

Pourtant Paula et ses amis rejettent – du moins dans la forme – la comparaison avec les révolutions du monde arabe:

Ici ce n’est pas une dictature. Et c’est parce que nous sommes dans une démocratie que l’on peut se rassembler aussi facilement",

expliquent les jeunes contestataires.

Anti-star

Paula, petite brune à la coiffure Louise Brook, est discrète. Elle semble à première vue peu désireuse d’être projetée sous les feux de la rampe. Cependant, son calme et sa détermination, son apparence fragile en font une invitée modèle sur les plateaux de télévision. Paula c’est l’anti-star, à mille lieux d’un glamour à paillettes bourré de stéréotypes.

Ce n’est pas toujours évident de garder son calme face à certaines questions, mais j’ai appris que les journalistes sont la meilleure manière de nous aider à faire passer le message",

reconnait la jeune femme, qui, peu à peu, a accepté d’endosser le rôle de porte-parole du M12M, le mouvement du 12 mars, crée après la grande manif du printemps.

"Une génération sur le carreau"

Lorsque l’on veut rencontrer Paula, sur le lieu d’un happening ou lors de la préparation d’une manifestation, il faut la chercher du côté de la logistique, assise dans un coin, dans un anonymat réconfortant. Démasquée, elle répond avec enthousiasme à la sollicitation d’une interview. Son discours est imperturbable:

Nous devons prendre conscience, nous unir. L’Etat ne peut pas se faire sans nous, contre nous. La société tout entière doit évoluer pour ne pas laisser toute une génération sur le carreau".

Paula qui a étudié la politique et les relations internationales à l’Université, se définit elle-même comme quelqu’un de banal, dont l’histoire personnelle n’est pas celle d’une héroïne de Balzac. C’est le militantisme social plus que l’adhésion à un mouvement politique qui l'a incité à se lancer dans l’aventure protestataire.

A l’université de Coimbra, où elle a étudié, elle a fait partie d’un groupe de recherches, sorte de laboratoire expérimental d’analyse du social. En 2007, Paula est partie à Bradford au Royaume-Uni pour se spécialiser, et son parcours processionnel lui fera faire aussi un détour par le Luxembourg. En 2009, elle retourne à Lisbonne.

"Etre ailleurs c’est aussi vouloir revenir", confie Paula qui n’en dira pas plus sur les circonstances de ces allers et retours, ni même sur son engagement dans le militantisme social. Son rôle de pasionaria l’oblige à multiplier les subterfuges pour en dire le moins possible sur sa vie privée.

Nous cherchons à protéger nos amis et nos famille. Depuis le 12 mars, je ne suis pratiquement pas allée à Porto d’où je suis originaire. Pour moi, c’est important la famille et les amis".

Sa mère se réjouit de savoir qu’elle est invitée à la télévision, pour enfin la voir.

Son credo, "être bien"

Avec Paula, les interviews c’est après 18 heures. Avant, elle travaille dans une ONG, et elle insiste pour que l’on ne révèle pas laquelle. L’activisme c’est sur les loisirs et le temps de sommeil.

J’espère contribuer à faire bouger les choses, à faire avancer le débat démocratique. Moi je travaille à la convergence des idées. Il faut expliquer et expliquer encore",

explique ce petit bout de femme qui refuse de renoncer à l’autre.

A-t-elle conscience d’appartenir désormais à l’histoire immédiate et à un mouvement qui est aujourd'hui mondial ? Son credo pourrait surprendre: "être bien". Elle parle des autres. Mais à y regarder de plus près sa revendication est énorme: il s’agit du droit au bonheur.


Le M12M et d‘autres groupes ont constitué un collectif pour appeler à une protestation samedi 15 octobre. Le cortège se rendra à l’assemblée nationale pour y déposer un manifeste, avant de prendre la forme d’une veillée. Les organisateurs ont appelé à maintenir l’esprit pacifique qui caractérise le mouvement social portugais.




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