Berlusconi dans ses petits souliers face à Sarkozy ! Et pourquoi ? Une navrante histoire de promesse non tenue, des discussions de marchands de tapis au sujet de la composition du conseil d'administration de la BCE. On en oublierait presque que se tient dimanche un énième sommet de la dernière chance, où les dirigeants de la zone euro doivent annoncer des mesures décisives pour enrayer la crise...
L’objectif affiché est clair: au sommet du G20, qui sera présidé par la France à Cannes les 3 et 4 novembre, l'Europe se doit d'afficher son unité et de proposer des solutions décisives à la crise de la zone euro. Mais à quelques jours de cette réunion d'importance, Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy se chamaillent sur un dossier qui n’a rien à voir avec le sauvetage des banques, la dégradation de la note italienne et les menaces de Moody’s quant au triple A français.
A l’origine de cette brouille, la présence dans le board [le conseil d'administration] de la Banque centrale européenne (BCE) de deux Italiens à partir du 1er novembre prochain. D’abord Mario Draghi qui remplacera Jean-Claude Trichet aux manettes puis Lorenzo Bini Smaghi, membre du comité exécutif de la BCE.
Du coup, le comité sera composé d’un Espagnol, un Allemand, un Belge, un Portugais et de deux Italiens. Pas l’ombre d’un Gaulois après le départ de Jean-Claude Trichet. Un véritable camouflet pour la France et surtout, une entorse à la règle non écrite mais toujours appliquée selon laquelle les grands pays européens doivent siéger dans le comité exécutif de la BCE.
Marchands de tapis et chaises musicales
Nicolas Sarkozy multiplie alors les pressions sur le Cavaliere pour obtenir la tête de Smaghi. C’est d’ailleurs la condition qui avait été posée en mai dernier par la France lors de discussions portant sur le choix du futur patron de la BCE après le départ de Jean-Claude Trichet. "Un Draghi contre un Bini Smaghi", avait proposé Nicolas Sarkozy à Silvio Berlusconi.
Mais en juin dernier, premier coup de théatre. Après avoir annoncé son départ pour faire plaisir aux Français, Lorenzo Bini Smaghi semble faire marche arrière. Normal, il vient de comprendre qu’il peut monnayer son départ et obtenir le fauteuil de gouverneur de la banque d’Italie, celui-là même qui sera abandonné par Mario Draghi le 1er novembre. Mais l’homme joue les jeunes filles effarouchées, multiplie les faux-fuyants au téléphone avec Nicolas Sarkozy et attend que son heure sonne.
Incident diplomatique
De l’autre coté de la barricade, Nicolas Sarkozy est furieux et tape du poing sur la table en répétant: "L’Italie doit respecter sa promesse". C'est-à-dire pousser l’agneau sacrificiel hors du lieu saint pour le remplacer au pied levé par un Français pur beurre. Silvio Berlusconi relance l’effronté et lui dit qu’il en va de l’honneur de la péninsule et des bonnes relations italo-française. L’autre lui laisse entendre qu’il partira en échange du poste de gouverneur de la banque d’Italie. Un chantage de bonne guerre.
Car, et c’est là que le bât blesse, le Cavaliere a promis le poste à une dizaine de personnes, un peu pour ne pas se fâcher avec ses alliés qui soutiennent un candidat plutôt qu’un autre, un peu pour pouvoir récompenser les députés qui lui ont accordé leur confiance la semaine dernière au Parlement alors qu’il risquait de sauter.
Aujourd’hui, l’affaire a pris une tournure vaudevillesque. D’un coté, Nicolas Sarkozy multiplie les pressions à travers les diplomates en poste à Rome. De l’autre, Silvio Berlusconi demande tous les jours à Lorenzo Bini Smaghi de préparer ses valises pour quitter Luxembourg, siège de la BCE.
"Récompenser le crime"
Selon la rumeur, Silvio Berlusconi serait terrorisé à l’idée de rencontrer Nicolas Sarkozy les 3 et 4 novembre prochain, à Cannes, à l’occasion du G20. Le Cavaliere sait en effet que les Français l’attendent au tournant et que les conditions d’accueil ne seront pas particulièrement chaleureuses. Durant les derniers jours, les diplomates en poste à Rome ont multiplié les avertissements au nom de Nicolas Sarkozy.
Lorenzo Bini Smaghi doit tout simplement dégager. Qu’il soit nommé à la tête de la banque d’Italie ou à un autre poste nous importe peu car ce n’est pas notre affaire. Il doit partir et il partira,
affirme fort peu diplomatiquement une source très au fait du dossier.
Silvio Berlusconi doit annoncer le nom du prochain gouverneur de la Banque d’Italie d’ici jeudi 20 septembre au soir. Selon une source gouvernementale, Lorenzo Bini Smaghi devrait finalement remporter le morceau.
Ce serait récompenser le crime, mais qu’importe si c’est la seule façon pour qu’il lâche la BCE,
ironise un diplomate..