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La grève générale à Athènes fait un mort

jeudi, 20 octobre, 2011 - 15:17

Les dizaines de milliers de manifestants qui ont défilé mercredi et jeudi devant le Parlement à Athènes, mais aussi à Thessalonique, à Patras, en Crête, dénoncent une Europe, pour qui "la paupérisation des pauvres" semble être la solution pour payer la dette du pays. Ces manifestations ont fait une première victime. Un homme mortellement blessé est décédé à l’hôpital. Reportage dans la manifestation athénienne.

La mobilisation n'a pas faibli à Athénes, au second jour de grève générale. Des dizaines de milliers de manifestants sont rassemblés de nouveau dans la capitale, alors que les députés devaient voter une énième série de mesures d'austérité dans la soirée. Comme la veille et la nuit dernière, les heurts ont été violents avec la police en début d'après-midi. Un homme blessé en marge de la manifestation est décédé à l'hopital où il avait été transporté d'urgence.

C’est, tout d’abord, la fonction publique qui est descendue dans la rue, première victime des plans de rigueur successifs avec tous les secteurs présents: la santé, l'éducation, l'armée représentée par ses (jeunes) retraités car les militaires n'ont pas le droit de manifester, et tous les employés des entreprises privatisables: les compagnies d'eau, d'électricité, du gaz…

 


Grèce : manifestations et affrontements, en…
par euronews-fr

En somme tout le pays, puisqu’il y au moins un fonctionnaire dans chaque famille. Et depuis l’effondrement du secteur privé (le bâtiment est en chute libre, un commerce  sur trois est fermé), c’est lui qui restait la seule garantie d’un minimum de ressources.  Maria fait partie de l’équipe du jour, qui garde l’entrée du ministère des Finances, occupé depuis une semaine :

Mon mari a perdu son emploi d’ingénieur. Sa boite a fermé en douce. Il n’a pas droit au chômage. Mon fils, pourtant titulaire d’un doctorat, cherche désespérément un travail depuis un an. Il pense partir à l’étranger tenter sa chance. Je suis la seule qui subvient aux besoins de la famille. Et maintenant, on m’annonce qu’on va me mettre à la préretraite de force, pour un an seulement?  Et après, rien jusqu’à mes 65 ans. Dites-moi, comment ne pas se révolter ?"

"On n’hypothèquera pas l’avenir de nos enfants"

Tous les autres participants autour d’elle, même ceux qui pourraient lui envier ses privilèges passés (sécurité d’emploi,  protection sociale, considération individuelle) l’approuvent. Fini le temps où les fonctionnaires étaient montrés du doigt, comme les fautifs de la crise. Désormais, la classe moyenne se serre les coudes. Elle a compris qu’elle sera la grande perdante de cette crise. Alors, telle un animal blessé, elle se rebiffe, à l’image de la grande banderole qui ouvre le défilé :

On ne trahira pas les combats de nos parents. On n’hypothèquera pas l’avenir de nos enfants".

Car l’austérité imposée par le gouvernement sous la tutelle de la Troïka (instances européennes et FMI) mettent fin à tout espoir d'avenir meilleur: baisse des salaires, des retraites, licenciements facilités, abolition des conventions collectives, emplois-jeunes au rabais, impôts en cascade, ont fait chuter de façon dramatique le niveau de vie des Grecs en quelques mois, engendrant une récession généralisée.

"Fermer pour 2 jours pour ne pas fermer toujours"

Toutes les boutiques d'Athènes sont fermées depuis hier matin, même les légendaires kiosques pourtant ouverts 24 h sur 24, et ceci pour la  première fois.  Autre nouveauté, on pouvait apercevoir çà et là, trouvant difficilement leur chemin parmi les amoncellements de détritus qui agrémentent les rues (les éboueurs sont en grève depuis 15 jours) des commerçants en grève, peu habitués à défiler, mais tenant d’une main ferme des pancartes vite bricolées : 

Nous fermons deux jours, pour ne pas fermer toujours".

Les étudiants et les lycéens étaient là-aussi, en masse. En grève depuis la rentrée, ils vont plus loin que leurs ainés dans la dénonciation du système, en appelant Sophocle à leur rescousse :

Quand la connaissance devient une marchandise et l’art un luxe, alors, la vie impose que le combat devienne la loi".

Ce que certains jeunes, manipulés ou pas, prennent au premier degré, en lançant pierres et cocktails Molotov sur les forces de police honnies.  Pourtant malgré ces violences désormais familières, le peuple grec veut croire que le message "Halte à la pauvreté, à l'indignité, à l'humiliation", est  un premier signal d’un renversement de valeurs dans l’opinion publique, non seulement grecque, mais européenne. Pour que l'enrichissement des riches et la paupérisation des pauvres ne soit plus considéré comme une fatalité.

Cette grève générale de deux jours peut-elle pousser le gouvernement de George Papandréou à la démission. C'est peu probable, même si certains députés du Pasok ont bien conscience "que la société a atteint la milite du supportable", comme le reconnait une élue du parti socialiste grec. Mais ils ne vont certainement pas lâcher dans l'immédiat Papandreou alors qu'ils attendent une solution miracle à la crise dimanche prochain, lors du sommet européen.

Sommet qui pourrait d'ailleurs être reporté selon la presse allemande du fait de divergences persistantes entre Paris et Berlin.  


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