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Le séisme fait oublier un temps les tensions au Kurdistan

lundi, 24 octobre, 2011 - 14:01

Le tremblement de terre qui a touché la région de Van, à l'est de la Turquie, a donné lieu à des réactions d’hostilité envers la population kurde, mais le pays se mobilise surtout pour venir en aide aux victimes. Les tensions nationalistes sont mises entre parenthèses, alors que l'armée poursuivait vendredi encore son offensive contre les rebelles du PKK.

La course contre la montre se poursuit dans le région de Van plus de 24 heures après le tremblement de terre qui a secoué dimanche à 13h41 cette zone kurde à la frontière de l’Iran. Le bilan, en constante évolution, faisait état en milieu de journée de 264 morts mais il pourrait dépasser le millier selon l’observatoire sismique de Kandilli à Istanbul. Ce séisme est le plus violent depuis celui qui fit plus de 17 000 morts dans la région d'Istanbul en 1999.

Depuis dimanche, les autorités turques sont sur le pied de guerre pour aider les rescapés, reloger la population et sauver les victimes qui le peuvent encore. Dans l’ensemble, l’aide s’est assez rapidement organisée. L’armée a dépêché 11 bataillons, le croissant rouge a envoyé plus de 7 700 tentes et 22 000 couvertures et transformé le stade de la ville d’Ercis en centre d’accueil. Le ministère de la santé a envoyé 145 ambulances et une équipe médicale de 500 personnes, fait évacuer hôpital de Van et monter deux hôpitaux de campagne.

Les combats les plus meutriers depuis 20 ans

Cette secousse (et les centaines de répliques qui ont suivi) a radicalement modifié l’agenda politique du pays qui depuis quatre jours se concentrait sur un dossier extrêmement brulant: celui de la lutte contre le l’organisation armée kurde du PKK. Depuis le début de l'été, le PKK a en effet accentué ses opérations armées tandis que le gouvernement turc répliquait en arrêtant plusieurs centaines de militants kurdes.

Mercredi 19 octobre, le parti des travailleurs du Kurdistan, listé comme organisation terroriste par l’Union Européenne et les États-Unis, a en effet tué 24 soldats et policiers turcs dans 8 assauts différents menés à la frontière irakienne. Ces combats sont les plus meutriers depuis une vingtaine d'années.

Dans la foulée, l’armée a engagé une vaste opération aérienne et terrestre dans le nord de l’Irak et encercle même les fameux monts Kandil où se trouvent le QG du PKK.

Dimanche, à l’heure où la terre tremblait à Van, des centaines de milliers de personnes défilaient à Istanbul, Ankara et Izmir pour dénoncer le PKK et rappeler l'indivisibilité de la République et de la nation turque. "Un soldat ne meurt pas, la patrie ne se divise pas", ont scandé en boucle ces manifestants de tout âge, enveloppés dans des drapeaux rouges frappés du croissant et de l’étoile turque.

Les manifestants ont aussi ouvertement pris à partie le parti pro kurde du BDP (parti pour la paix et la démocratie) qui compte 29 députés au parlement, à Ankara. Cette formation refuse d’employer le terme de terrorisme au sujet du PKK dont elle partage la base populaire, nombreux étant ses électeurs qui ont un fils ou un frère dans les montagnes.

Ainsi, hier à Istanbul, la foule hurlait ne pas vouloir "du PKK au parlement", tandis que depuis mercredi de nombreux bureaux du BDP ont été attaqués (à Hakkari, Alanya, Erzurum, Elbistan etc… ), des menaces de mort envoyées à certains représentants du parti et des ouvriers kurdes attaqués (comme à Elazig).

Les appels au dons se multiplient

Au delà du drame humain qui se joue à Van, dans cette région kurde, le tremblement de terre a donc sans conteste permis de faire baisser cette tension nationaliste. Le premier ministre turc, pourtant fer de lance de cette rhétorique, a montré un visage de rassembleur dimanche soir lors de sa visite à Van où il y a rencontré certains officiels, secouristes et victimes. "L’état est là", a par ailleurs rassuré le ministre de l’Intérieur Besir Atalay tandis que le débat parlementaire sur la lutte contre le terrorisme prévu mercredi au parlement a été repoussé d’une semaine.

Quant au parti pro kurde du BDP, son action auprès des sinistrés du tremblement de terre passe quasiment inaperçue face à la machine gouvernementale en action à Van et épaulée par le croissant rouge et l’armée.

Ce drame a toutefois ouvert la voie à certaines réactions d’hostilité envers la population kurde. Ainsi, lors d’un direct, une présentatrice de la chaine de télévision Habertürk a fait part de la tristesse du pays "même si cela se passe à Van". Dans le même temps, sur internet, des centaines de messages se réjouissent de la "justice divine" qui a frappé la zone. "Comme je me félicite que Dieu nous débarrasse de ces traitres", peut-on lire dans l’un d’entre eux. Inquiétantes, ces réactions restent toutefois minoritaires dans un pays qui depuis hier multiplie les dons pour venir en aide aux victimes




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