La formation d'un gouvernement d'union nationale en Grèce est sur les rails. En contrepartie de l'engagement de l'opposition conservatrice de voter le plan de sauvertage européen, Georges Papandréou a abandonné son projet de referendum. Une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, mais pas pour Silvio Berlusconi qui est arrivé au G2O de Cannes sans aucune mesure crédible pour désendetter son pays.
De retour du G20 de Cannes, Georges Papandréou a fait volte face sur le référendum, en expliquant qu'il "n'avait jamais été une fin en soi". Dans le même temps, l'opposition de droite est prête à ratifier au parlement cet accord de la zone euro pour réduire de moitié la dette greque.
Selon des sources gouvernementales citées par Reuters, Georges Papandréou aurait conclu un accord jeudi soir avec ses ministres dans lequel il s'engagerait à démissionner et à laisser sa place à un gouvernement de coalition en échange de leur appui pour le vote de confiance. Le Premier Ministre grec, de plus en plus décrié, tant aux niveaux national qu'européen, pourrait ainsi avoir une sortie honorable. Ce "gouvernement de consensus" aurait comme missions prioritaires de ratifier l'accord d'aide à la Grèce avec ses partenaires européens et serait chargé de préparer des élections législatives anticipées.
Dès hier, le Premier ministre grec se disait prêt "à parler avec le chef de la droite Antonis Samaras pour avancer sur la base d'un (gouvernement de) consensus". Deux de ses fidèles, le ministre des Transports, Dimitris Reppas, et son conseiller personnel, Nikos Athanassakis, sont chargés des négociations pour tenter de former ce gouvernement d'union nationale.
Berlusconi à 22%
Une épine, ou plutot une écharde en moins, après deux jours d'incertitudes, pour Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. La France et l'Allemagne vont pouvoir, dés lors, se consacrer à l'autre grand malade de l'Europe, l'Italie.
Silvio Berlusconi avait, lui, obtenu sur le fil du couteau la confiance pour la 51ème fois il y a deux semaines avec 316 voix sur 630. Mais Papandréou n'est pas milliardaire comme son homologue italien, avantage décisif qui permet à ce dernier d'avoir une influence sonnante et trébuchante sur certains députés susceptibles de monnayer leur vote…
Ceci étant, le Cavaliere, malgré sa colossale fortune, n'a pas les moyens de renflouer l'Etat italien plombé par une dette publique de 1.900 milliards d'euros. Mais comme Papandréou, il est de plus en plus isolé. Lui aussi est lâché par son ministre des Finances, Giulio Tremonti. En opposition ouverte avec Berlusconi, il lui aurait dit la vérité en face: seule sa démission peut sauver l'Italie de la spirale infernale de la crise de la dette et de ses taux de remboursement prohibitifs (6,4% pur les emprunts à dix ans aujourd'hui).
Avis partagé par les milieux économiques de la péninsule et par une majorité écrasante des Italiens. Sa cote de popularité est tombée à 22%. A l'aune d'un si faible score, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy peuvent se dire qu'ils sont encore loin d'avoir atteint le fond de la piscine.
Ainsi, lâchés de toutes parts, Papandréou et Berlusconi n'ont plus aucune marge de manœuvre.
Les mains vides au G20
Le président du Conseil italien "s'est heurté à un mur", selon un des ses ministres, en essayant lors d'un conseil des ministres extraordinaire qui s’est tenu mercredi soir à Rome de faire adopter mesures anticrise d'urgence pour les présenter aujourd'hui à Cannes.
Résultat, il est arrivé aujourd'hui les mains vides au G20, se contentant d'un ravalement de façade du catalogue de bonnes intentions qu'il avait déjà présenté à Bruxelles. Les membres du gouvernement ont, notamment, été incapables de se mettre d'accord sur des mesures importantes comme la réforme des retraites et la taxe sur les grandes fortunes.
Pendant le week-end, des bruits avaient pourtant couru sur un paquet de mesures extraordinaires que le gouvernement Berlusconi aurait du adopter pour rassurer les marchés et les partenaires européens. D’autant que mardi après-midi, la bourse de Milan, plombée par la chute libre des valeurs bancaires, avait perdu 7% peu avant la clôture des marchés.
Mais une fois encore, la politique italienne a eu raison de la situation économique. Certains ministres proches de la Ligue du Nord ont bloqué des mesures importantes en laissant clairement entendre que la survie de l’exécutif Berlusconi en dépendait.
Pas touche aux retraites
Du coup, pas question de toucher aux "retraites d’ancienneté", la spécialité italienne qui permet aux salariés de partir à 60 ans dès lors qu'ils ont cotisé 36 ans et à tout âge à partir de 40 ans de cotisation. Durant les cinq dernières années, elles ont pourtant augmenté de 20% et grèvent le budget d’un état qui n’est plus en mesure de faire des cadeaux.
Le nouveau document qui sera présenté aux partenaires européens durant ce G20 sera donc au final, une sorte de photocopie des lettres qui ont été expédiée à Bruxelles depuis le mois de juillet. Un peu de libéralisation, une pincée de fausses promesses pour relancer l’emploi et quelques cadeaux fiscaux aux entreprises qui investiront dans les Grands Travaux.
En résumé, les propositions s’inspirant de l’idée d’une thérapie de choc sont directement passées à la poubelle. Exit la fameuse "patrimoniale" c'est-à-dire la taxe sur les patrimoines les plus élevés. Idem pour le prélèvement obligatoire et automatique sur les comptes courants des Italiens pour récupérer un peu d’argent frais. Pas question, aussi, de réintroduire l’impôt foncier sur la première propriété.
Ne pas rendre à César ce qui est à Athènes
Que reste t-il donc au final ? Quelques ventes programmées des biens de l’Etat qui devraient rapporter au moins 15 milliards d’ici à 2014. Puis des avantages fiscaux aux entreprises qui investiront dans les Grands Travaux. Enfin, le plan EuroSud, qui permettra à la péninsule de se faire donner un chèque de huit milliards d’euros par l’Union européenne qui prélèvera l’enveloppe sur les fonds structurels européens. Et pour satisfaire les économistes, des mesures qui ne seront jamais appliquées par manque d’argent public pour relancer l’emploi et faciliter l’accès des demandeurs sur le marché du travail notamment dans le Mezzogiorno.
Selon la rumeur, l’Italie devrait être poussée par les membres du G20 à tendre sa sébile au Fonds Monétaire international pour compléter le fonds de stabilité européen.
A la dérive du continent
Avant l'annonce d'un abandon du reférendum et d'une sortie de crise politique avec la mise en place d'un "gouvernement de consensus" droite-gauche, le parallélisme entre la Grèce et l'Italie était "stupéfiant", comme le notait The Guardian. Parallélisme concernant l'impasse politique engendrée par la crise financière et l'endettement de ces deux pays.
Mais ne rendons pas à César ce qui est à Athènes. Papandréou et Berlusconi ne sont pas à mettre dans le même sac.
Berlusconi, trois fois réélu Président du Conseil depuis 2001, n'a pas hérité d'une situation aussi dramatique. Mais en dix ans, son bilan, notamment économique est bien maigre, avec une croissance atone et une dette qui atteint 120% du PIB.
Le Premier ministre grec a, lui, été élu triomphalement il y a deux ans après des années de gestion du pays par un parti conservateur, la Nouvelle Démocratie, qui n'a rien fait pour redresser les comptes de l'Etat, bien au contraire. Son clientélisme n'a fait qu'accentuer l'endettement d'un pays qui avait adopté l'euro par effraction en maquillant ses comptes publics. Dès son arrivée au pouvoir, Papandréou a découvert le pot aux roses et a été contraint à une politique de rigueur à l'opposé de ses promesses électorales.
Et, depuis, tout est allé de Charybde en Sylla. Son coup d'éclat, le référendum, était destiné à surmonter l'impasse politique actuelle et de tenter d'éviter que la Grèce parte à la dérive du continent.
Article actualisé à 17h41 avec l'annonce de l'abandon du référendum en Grèce.