Maria, 54 ans, institutrice pour 1400 euros par mois
Avec pour seule augmentation 100 euros en dix ans, Maria a proscrit toutes les dépenses inutiles. Elle s'estime pourtant "privilégiée", étant propriétaire de son appartement à Rome. Mais la suppression de 130.000 enseignant pour réduire le budget de l'éducation l'inquiéte, alors que les classes sont déjà surchargées.
Deuxième volet de notre série de portraits consacrée aux enseignants en Europe à l'heure de l'austérité.
Pour Maria Rosaria Conti, 54 ans, la vie à Rome ce n’est pas la ouate. Enseignante dans une école primaire, elle a du mal à joindre à boucler ses fins de mois avec son salaire net de 1400 euros. Pourtant, Elle estime pourtant être "privilégiée": elle ne paye pas de loyer et son ex-mari prend en charge les études de sa fille. Abécédaire de son quotidien de prof'.
A comme Avenir : Un mot superbe ! Mais quel est notre avenir ? Couper de plus en plus au niveau des dépenses pour arriver à la fin du mois, devoir dire non plus souvent à nos enfants et à nos propres envies ? C’est ça l’avenir ? A cinquante quatre ans, j’ai peur.
B comme Budget : Le gouvernement veut éliminer 130.000 enseignants de l'Education nationale italienne afin d'économiser 8 milliard d'euros. Les heures de cours ont été réduites et le nombre d'élèves par classe a augmenté, à tel point que les normes de sécurité minimum ne sont souvent plus respectées. Enfin, le temps consacré au soutien scolaire des élèves en difficulté a été revu à la baisse. La ministre de l’Education nationale, Maria Stella Gelmini, affirme qu’elle a réduit "les dépenses inutiles" et que le nombre d'enseignants est trop important par rapport aux besoins réels. Les coupes imposées au système public favorisent le privé et font fuir les cerveaux à l’étranger.
C comme Chômage : Les enseignants ont été frappés de plein fouet par la crise et la réforme. Quelques 33 000 professeurs précaires ont été mis à pied ou ont vu leur nombre d'heures de cours réduits à peau de chagrin. Durant les quinze dernières années, le système s’est appuyé sur ces postes précaires. Du coup, les profs doivent multiplier les heures supplémentaires. Ainsi, une fois par semaine, je remplace un ex-collègue précaire qui a été exclu.
D comme Domicile : J’ai la chance d'avoir acheté un appartement avec mon ex-mari. Lorsque nous avons divorcé, j’ai gardé la maison ou j’habite avec ma fille et pour laquelle je ne paye pas de loyer. Ce n’est pas le cas de certains collègues, notamment les précaires célibataires qui sont obligés de trouver des colocations pour joindre les deux bouts.
E comme Examens : Les professeurs italiens doivent ponctuellement suivre des cours de "remise à niveau". Mais désormais, ils doivent désormais les payer de leur propre poche. Certains peuvent coûter jusqu’à 1000 euros. "En ce moment, je suis un cours de mathématiques car j’étais un peu rouillée de ce coté là. Cela me coute 200 euros par an pour 4 heures de cours par mois, mais je ne peux pas en faire d'autre, c'est trop cher.
G comme Grèves : Au départ, tout le monde s’est mobilisé contre la réforme. Mais les journées de grève étant déduites de nos salaires, de nombreux collègues ont jeté l’éponge notamment les plus précaires. Les grèves sont devenues un luxe aujourd'hui.
H comme Horizon : Pour moi, ce qui compte c’est offrir un avenir aux jeunes. Il faut les aider à démarrer dans la vie. C’est pour cela que j’enseigne depuis trente ans.
J comme Jobs : Avec la réforme, la qualité de mon travail a fortement diminué. D’abord, je ne peux plus monter de projets éducatifs pour les enfants puisqu’il n’y a plus d’argent. Auparavant, nous avions la possibilité d’organiser des activités ciblées pour les enfants. Aujourd’hui, si nous voulons monter un projet, nous sommes obligés de demander aux parents de le financer. C'est discriminant, certains couples n’ayant pas la possibilité avec la crise de contribuer à ces projets éducatifs.
L comme Loisirs : Les vacances sont un luxe, et les week-ends n’en parlons même pas. Je m'achète rarement des vêtements. Je ne vais pratiquement plus au restaurant ou au cinéma. Je fais des choses que je n’aurais jamais imaginé être contrainte de faire, comme payer la salle de gym à crédit. Je n’ai pas honte mais cela me parait, à mon âge, insensé".
R comme Rébellion : Ce gouvernement est en train de tout démolir : notre avenir et celui des générations à venir. Je me rappelle les mouvements des années soixante-dix. On défendait des valeurs importantes de liberté et de justice. C’est cela qu’ils essayent de faire disparaitre.
S comme Salaire : 1400 euros net pour 120 heures par mois. En dix ans, j'ai été augmentée de cent euros, et avec la crise, l’ancienneté a été bloquée.
T comme Transport : Je partage ma voiture avec ma fille, cela fait moins de frais. Elle participe à l’entretien en faisant des petits boulots. Nous n’avons pas le choix. J’essaye de prendre les transports publics le plus souvent possible car avec l’essence qui frôle les 1,60 euros, il n’y a pas d’autre solution.
V comme Vocation : J’ai toujours adoré mon métier. En Italie, nous avons défondons depuis longtemps l’intégration par le système scolaire. Dans ma classe, par exemple, j’ai deux enfants un peu "problématiques" : l'un est caractériel, l’autre autiste. Ils ne sont pas dans des structures à part. Ils représentent une richesse pour les autres enfants, cela leur fait connaître la différence. Cela les pousse aussi à aider ces enfants. Il n’y a pas de décalage.