Restrictions budgétaires et plan de relance ont été fatals à l'ambassadeur d'Irlande au Vatican. Coupées aussi les ambassades à Téhéran et au Timor Oriental. Mais, dans un pays où l’Église catholique conserve une grande influence, cette mesure d'économie masque mal le désarroi des Irlandais face au Vatican, accusé d’avoir couvert de nombreux actes pédophiles.
La décision est tombée, vendredi dernier: l'ambassade d'Irlande au Vatican, inaugurée en 1929, sera fermée. Pour faire des économies et réduire la dette publique, la coalition gouvernementale a décidé de se passer de représentation diplomatique au Vatican et en Iran, ainsi que de son bureau au Timor oriental.
Afin de répondre aux objectifs du programme de l’Union européenne et du Fonds monétaire international [le plan de sauvetage de 85 milliards d’euros, mis en place fin 2010] et de rétablir les dépenses publiques à un niveau viable, le gouvernement a été contraint de faire des coupes dans de nombreux services publics,
explique le ministre des affaires étrangères dans un communiqué. Eamon Gilmore assure que cette décision a été prise avec "le plus grand regret".
Les relations diplomatiques avec le Vatican seront maintenant gérées depuis Rome, où l'Irlande dispose également une ambassade. Cette mesure permettrait d'économiser près d'un million d'euros par an. Une somme importante dans un pays qui se bat toujours pour sortir de la récession, qui le touche depuis trois ans.
Un pays très catholique
Mais toucher au Vatican et à l’Église Catholique en Irlande n'est pas simple. L’Église a longtemps géré les politiques d'éducation et de santé dans le pays, et a donc apposé sa marque sur la société irlandaise. La Constitution comporte de nombreuses références à Dieu, et les consciences restent encore très marquées par la morale religieuse.
Même si l'Eglise a perdu de son influence ces dernières années, cette décision est difficile à avaler pour certains. Pour certains médias catholiques, comme l'Irish Catholic, il s'agit "d'une attaque contre la culture catholique". Le gouvernement doit donc se justifier, expliquant que cette décision est uniquement basée sur une volonté de faire des économies.
Une église marquée par des scandales
La foi catholique reste très présente dans le pays, mais une accumulation de scandales d'abus sexuels dévoilés ces dernières années, ont fait perdre de l'influence à l'Eglise en tant qu'institution. Les rapports se succèdent, mettant en lumière, toujours plus d'abus sexuels, ayant eu lieu depuis les années 1940.
En 2000, ils étaient 3 000 adultes à avouer avoir été abusé par des membres du clergé quand ils étaient enfants. Les rapports parlementaires à ce propos ont également montré que ces scandales à répétition avaient été sciemment "cachés" par le Vatican.
A la sortie de la messe dominicale, à l’Église Saint-Patrick, à Donegal, dans le nord-ouest du pays, les avis sont plutôt positifs quant à cette décision. Beaucoup de ces catholiques en veulent au Vatican d'avoir fermer les yeux sur ce qui se passait dans les paroisses.
Je ne suis pas surpris, et je pense que c'est une bonne chose. Je suis fier de notre premier ministre pour avoir oser critiquer l'attitude du Pape et du Vatican en relation aux scandales qui nous ont touché ici,
assure un paroissien pour qui la décision est plus politique qu'économique.
Cette décision va peut être permettre au Vatican de réaliser ses erreurs, et faire progresser les relations avec l'Irlande dans les prochaines années.
Le Vatican a "pris acte de la décision" irlandaise, rappelant que "chaque Etat qui a des relations diplomatiques avec le Saint-Siège est libre de décider, en fonction de ses possibilités et de ses intérêts, s’il souhaite avoir un ambassadeur résident à Rome ou dans un autre pays". "Ce qui est important, ce sont les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et les Etats, et celles-ci ne sont pas remises en cause en ce qui concerne l’Irlande", déclare un communiqué du porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi.
Reste que les tensions sont vives. Accusé d’avoir couvert des abus pédophiles, le Vatican avait rappelé, en juillet, son nonce apostolique en Irlande. Officiellement: pour "pour consultations". Un discours très diplomatique, qui aura peut-être plus de mal à passer désormais.