Merkel promet le SMIC pour séduire les électeurs
Après la "mère la rigueur", la "petite sœur des pauvres": la chancelière allemande s'est convertie au salaire minimum en Allemagne. Généralisé, mais pas unique: il sera négocié secteur par secteur. Objectif? S'attaquer aux bas salaires, et gagner le vote populaire.
Angela Merkel semble prête à tout pour tenter de grappiller quelques points dans les sondages. Une semaine à peine après avoir accordé 6 milliards d’euros de baisses d’impôts aux plus pauvres, la Chancelière fédérale s’apprête à donner son aval pour mettre en place un salaire minimum généralisé.
Les membres de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), qui tiennent du 13 au et 15 novembre leur congrès fédéral à Leipzig, ont voté hier soir une motion qui permettra à des commissions paritaires composées d'employeurs et de représentants syndicaux de fixer un revenu minimum pour toute l'Allemagne et pour tous les secteurs.
Angela Merkel a toujours refusé l'idée d'un salaire minimum unique, comme en France. Il n'y aura donc pas un, mais des salaires minimums en Allemagne, négociés secteur par secteur.
Son niveau n’a pas été défini mais il devrait être proche de celui du travail partiel, qui atteint 7,79 euros brut à l'ouest du pays et 6,86 euros dans les régions de l’ancienne RDA. Ce taux relativement bas comparé à la France (9 euros de l’heure) permettrait de mettre du beurre dans les épinards de nombreux foyers rhénans.
Une loi garantissant un salaire horaire minimum généralisé à toutes les branches serait un premier pas important pour endiguer les débordements du secteur des bas salaires",
rappelle Michael Sommer, président de la Fédération des syndicats allemands (DGB).
Les bas salaires, arme anti-chômage
1,2 millions de nos voisins d'outre-Rhin sont, en effet, payés moins de 5 euros de l’heure. Et une étude de l’Institut pour le travail et la qualification (IAQ) de l’Université de Duisburg a montré que plus de 20% des employés étaient rémunérés moins de 10 euros de l’heure. Soit plus de 6,55 millions de travailleurs. Cette situation est loin de s’améliorer. Bien au contraire. L’Institut allemand de recherche économique (DIW) a ainsi calculé que le salaire moyen outre-rhin avait chuté de 4,2% au cours de la dernière décennie.
Les riches s’en sortent toutefois bien mieux que les pauvres. Une personne gagnant l’équivalent de 1290 euros en l’an 2000 aurait ainsi perdu 242 € de revenu mensuel dix ans plus tard alors qu’un cadre touchant 5368 euros a dans le même temps perçu une… augmentation de 113 euros. Le taux de chômage extrêmement faible en république fédérale, qui a atteint 6,9% en septembre, a un prix social élevé…
Un salaire minimum, oui, mais quel montant?
Ce triste constat n’a pourtant jamais persuadé Angela Merkel à encourager la mise en place d’un salaire minimum généralisé. Des dizaines de fois, elle a répété comme une rengaine qu’une telle mesure plomberait son économie. L’institut Ifo a ainsi calculé qu’un SMIC fixé à 7,50 euros pourrait provoquer la disparition de 1 million d’emplois.
Mais un récent rapport commandé par le gouvernement et effectué par six grands instituts de recherche économique estime, au contraire, qu’un revenu plancher n’est pas forcément synonyme de vagues de licenciement. Le secteur de l’industrie électrique, qui comprend de très nombreuses PME, n’a ainsi pas dégraissé quand le patronat et les syndicats sont tombés d’accord pour mettre en place un salaire minimum. Le "cadeau" de la CDU en faveur des plus mal payés n’est, de surcroît, peut-être qu’une mesure sans grand lendemain, plusieurs obstacles devant encore être levés avant de pouvoir trouver un accord global.
Les secteurs qui n’accepteraient pas le tarif négocié au niveau national par les partenaires sociaux pourrait défendre leurs droits devant la justice si les lois actuelles ne sont pas modifiées. Et que va t-il se passer si le taux fixé est inférieur à celui qui existe dans un des dix secteurs ou métiers, comme les facteurs, les femmes de ménage ou les ouvriers du bâtiment qui ont déjà un SMIC ? Les conservateurs ont, pour l’instant, évité de répondre à ces questions.
Angela dans les pas de Chirac
Angela Merkel cherche, en fait, surtout à séduire l’électorat populaire. Elle sait que son refus d’imposer un salaire minimum lui a attiré plus d’ennemis que de partisans. Un sondage publié la semaine dernière montre ainsi que 86% des personnes interrogées sont favorables à une telle réforme salariale. Une immense majorité des sympathisants de la CDU (78%) abonde même dans ce sens. Alors pourquoi fâcher autant d’électeurs potentiels?
Voir la très conservatrice et libérale Chancelière jouer au défenseur des plus pauvres peut prêter à sourire. Mais cette grosse ficelle a déjà été utilisée avec succès par Jacques Chirac. Sa lutte contre la "fracture sociale" lui avait même permis d’entrer à l'Élysée en 1995. Angela Merkel doit s’en rappeler…