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Mariages forcés en Allemagne: une réalité sous-estimée

vendredi, 18 novembre, 2011 - 12:29

Le mariage forcé  est loin d’être anecdotique en Allemagne. Une étude chiffrée met en évidence son ampleur. Ce n’est cependant pas une surprise pour les associations d’aide aux victimes. La solution passe, notamment, par l'éducation et la lutte contre la violence familliale.

Le chiffre a surpris toute l’Allemagne la semaine dernière: 3 443 personnes ont demandé l’aide des autorités ou des associations en 2010 car elles étaient mariées de force ou en passe de l’être. Rares sont les chiffres sur le mariage non librement consenti et cette étude menée par la fondation Lawaetz de Hambourg et l’association Terre des femmes, sur commande du ministère de la famille allemand, donne une indication précieuse sur son ampleur outre-Rhin.

Alors, certes, le fait que certaines jeunes femmes soient mariées contre leur gré dans le pays de Luther n’est pas un fait nouveau. Sauf que leur nombre était largement sous-estimé. L’association Terre des femmes considérait jusqu’à maintenant qu’environ 1000 personnes cherchaient un secours contre une union forcée chaque année.

Pourtant, à l’association berlinoise Papatya, on n’est pas surpris des chiffres annoncés par l’étude du gouvernement. Ce centre d’aide pour les jeunes filles immigrées est confronté chaque jour au problème du mariage forcé. "Nous avons plus de 200 jeunes filles par an qui sollicitent notre aide sur notre plateforme Internet, et environ 150 par téléphone", explique une employée du centre.

Je pense que ce n’est que la partie émergée de l’iceberg. Dans la réalité bien plus de femmes sont victimes de mariages forcés en Allemagne. Mais elles se taisent."

Demander de l’aide: une démarche difficile

Les appels à l’aide proviennent le plus souvent d’adolescentes, entre 14 et 18 ans. "La majorité vient de familles musulmanes, qui sont souvent très patriarcales", assure la salariée de Papatya. Une proportion confirmée par l’étude du gouvernement: environ 83% des victimes de mariages forcés en Allemagne seraient issues de familles musulmanes.

Mais la démarche de recourir à une association est loin d’être évidente pour ces jeunes femmes.

Le mariage forcé est toujours lié avec une certaine violence dans la famille. Les filles n’ont pas leur mot à dire dans l’affaire. Et si elles refusent, cela signifie qu’elles doivent couper les ponts avec leurs parents".

Et pour les aider dans leur démarche, Papatya ne leur offre pas que des conseils. "Nous avons également un appartement pour les héberger. L’adresse est tenue secrète afin que les parents ne puissent pas le retrouver. Les femmes peuvent l’obtenir quand elles se tournent vers les services d’aide d’urgence pour les jeunes." Chaque année, une trentaine de jeunes filles trouvent refuge dans ce logement.

L'association n’est pas la seule à Berlin à aider les victimes de mariages forcés. L’ONG Terre des femmes en répertorie 17 sur son site internet, rien que pour la capitale allemande. Mais quid des hommes? Près de 6% des personnes concernées par ce problème sont de sexe masculin. Cependant, il n’existe pas de centre de conseil spécialisé pour les victimes hommes du mariage forcé.

A Berlin, ils peuvent tout de même trouver de l’aide auprès de Kazim Erdogan, psychologue. Il a fondé un groupe de soutien dans le quartier de Neukölln pour les hommes d’origine turque. Cependant, Erdogan estime que peu d’hommes osent chercher de l’aide dans cette situation. Interrogé par le magazine Stern, il expliquait:

Ils souffrent d’un sentiment de honte et d’une réelle pression, mais ils ont aussi l’impression qu’ils doivent être forts pour leur famille".

Du coup, ils acceptent en silence. Car refuser serait apporter le déshonneur sur leurs parents.

"Il faut plus de prévention dans les écoles"

A Papatya on se réjouit de la sortie de cette étude chiffrée. L’employée de l’association espère que cela va déclencher une prise de conscience, et surtout débloquer des fonds pour aider les victimes. "Nous sommes une petite structure non gouvernementale, qui ne reçoit aucune aide publique. Or il faudrait que l’Etat finance davantage des associations comme la nôtre". Elle souhaite également que le gouvernement investisse davantage dans la prévention au sein des écoles.

La police de Berlin est à l’origine d’une très bonne initiative. Plusieurs officiers se rendent régulièrement dans les établissements scolaires pour parler du mariage forcé et expliquer leurs droits aux enfants. Il faudrait que cela serve d’exemple pour toutes les régions".

Pour le moment, l’action la plus forte du gouvernement allemand a été d’adopter une loi l’année dernière qui fait du mariage forcé un délit. Désormais, quiconque contraint une personne à une union non désirée risque une peine allant jusqu’à cinq ans de prison.

Un signal fort, mais considéré comme inefficace par beaucoup. A l’époque, les Verts avaient qualifié le texte de loi de "pure cosmétique". Selon les écologistes, la meilleure arme contre le mariage forcé serait une meilleure intégration des immigrés.

Le gouvernement va-t-il donc se décider à faire davantage pour les victimes d’unions forcées? Pour le moment, la seule mesure annoncée par la ministre de la famille Kristina Schröder est la mise en place fin 2012 d’une hotline en plusieurs langues pour les femmes victimes de violences.




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