Michael O'Leary, le patron de Ryanair, maitrise parfaitement l'art de la provocation. En mettant en scène dans ses pubs Sarkozy ou Berlusconi, il s'attire les foudres de la justice, fait du buzz, et vend ses billets aux Européens qui peuvent ainsi "copuler dans l'intérêt de la paix européenne". Portrait.
Chez Ryanair, il n'y a pas que les prix qui défient toute concurrence. Son patron, le charismatique et hyperactif Michael O'Leary, est un chef d'entreprise unique en son genre qui n'hésite pas à raconter – et faire – plus ou moins n'importe quoi pour que l'on parle de sa compagnie. "Plus j'en rajoute, plus je fais les gros titres à moindre frais, plus nous vendons de billets !" fanfaronnait-il récemment dans une interview au Guardian.
"Faites des voyages, pas la guerre"
Dernier "coup de com' " en date, samedi dernier, dans les pages du Guardian, précisemment. Invité par le journaliste à réagir à une des Pensées de Blaise Pascal, Michael O'Leary lui a répliqué :
Les Français n’ont jamais produit de grand philosophe. Des grands vins, peut-être, mais pas de grands philosophes. Ryanair est responsable de l’intégration européenne en amenant de nombreuses cultures différentes sur les plages d’Espagne, de Grèce et d’Italie où celles-ci s’accouplent et copulent dans l’intérêt de la paix paneuropéenne".
Rien de moins. Mais pas étonnant de la part celui qui est surnommé Michael O'Really (O'Vraiment) par les observateurs des marchés outre-Manche. Et le multimillionnaire de continuer :
Nous faisons communiquer les cultures ! Il n'y a pas eu de guerre en Europe depuis 50 ans parce qu'ils sont tous trop occupés à voyager avec Ryanair. Je devrais recevoir le Prix Nobel de la Paix pour cela !"
Campagnes européennes
Si son analyse de la situation géopolitique de l'Europe durant la deuxième moitié du XXème siècle laissent pour le moins à désirer, O'Leary n'a pas tort sur un point : Ryanair a bouleversé les pratiques de voyages des Européens ces dernières années. Le marché commun, l'espace Schengen et la monnaie unique ont vu l'apparition d'une "eurogénération" pour qui aller passer un week-end, ou s'installer, à Rome, Berlin ou Bratislava est devenu courant. Et avec ses 165 destinations dans 26 pays européens, la compagnie a su saisir l'occasion.
Mais outre son offre de destination, c'est, encore une fois, par sa publicité que l'entreprise irlandaise exploite la veine européenne. A la pointe de l'information, Ryanair publie régulièrement des encarts publicitaires en rapport avec l'actualité politique, sportive ou people des pays qu'elle dessert. Le tout sur un ton humoristique, voire provocateur.
Ainsi en 2009, la compagnie low-cost n'avait pas hésité à publier une publicité invitant les Irlandais à "Dire oui à l'Europe". On comprend bien que plus que par véritable europhilie, c'est avant tout pour surfer sur la vague du référendum que Ryanair prenait "position", comme le montrait l'argument "em***der Sinn Féin".
En janvier 2008, a l'occasion de l'annonce du mariage de Nicolas Sarkozy et de Carla Bruni, l'entreprise publie une petite vignette dans Le Parisien sur laquelle on voit le couple présidentiel souriant et qui fait dire à Carla Bruni :
Avec Ryanair, toute ma famille peut venir assister à mon mariage".
Coût de l'opération ? 23 900 € pour la publicité auxquels s'ajoutent 60 000 € de dommages et intérêts pour le couple. Presque rien comparé à l'ampleur de l'écho médiatique que cette opération a eu !
L'exemple le plus récent de cette stratégie est la diffusion de publicités mettant Silvio Berlusconi en scène lors des rumeurs autour de sa démission au début du mois de novembre : "Cher Silvio, encore une occasion de t'échapper avec Ryanair". Le tout avec une reproduction du calendrier "caritatif" réalisé par les hôtesses de la compagnie légèrement vétues.
Comme à chaque fois c'est le même schéma qui est utilisé : la compagnie paye un petit encart publicitaire dans un média et tous les autres reprennent la publicité illico. De quoi toucher le maximum de gens avec un budget minimum.
Intérêts bien compris
Alors, aucun doute, Ryanair "aime" l'Europe et les Européens, pourvu qu'ils lui rapportent de l'argent. Et elle aime d'autant plus Bruxelles que celle-ci n'est pas trop regardante concernant les subventions versées par les collectivités regionales et qu'elle ne rajoute pas trop de taxes. Et leurs rapports doivent être plus détendus depuis que l'ancien Commissaire européen chargé du marché intérieur et des services jusqu'en 2010, Charles McCreevy, a été embauché comme nouveau directeur.
Ce jaune et bleu des avions, ça ne vous rappelle pas un drapeau ?