Le pari gagnant de Ryanair en Espagne
En Espagne, la compagnie aérienne low cost apparaît comme indispensable pour que continuent de fonctionner les nombreux aéroports secondaires que compte le pays. Une dépendance qui peut coûter cher…
Qui a gagné ? Ryanair ou la Generalitat de Catalogne ? Après des mois de discussions, accusations croisées, menaces, la compagnie aérienne irlandaise et le Gouvernement catalan sont parvenus à un accord de principe censé résoudre le conflit qui les opposait.
Les autorités catalanes verseront ainsi 9 millions d’euros par an pendant cinq ans aux fonds de compétitivité des aéroports de Girona et de Reus (Tarragone), dont une très grande partie, d'après la presse, sera reversée à Ryanair. En contrepartie, la compagnie low cost s’engage à continuer et amplifier ses activités dans ces deux aéroports secondaires.
Ryanair avait abandonné avec pertes et fracas l’aéroport de Reus début novembre après que le Gouvernement catalan eut refusé d’augmenter ses subventions, ou plutôt, les compensions pour promotion touristique, puisque Ryanair n'est pas censée percevoir d'aides publiques en tant que telles.
Ryanair fait ce qui lui chante
Le coup fut rude. Non seulement quatre-vingt-huit travailleurs de l’aéroport se sont alors retrouvés sur le carreau, mais l’impact de ce départ allait s’étendre à la zone dans son ensemble: moins de visiteurs, moins d'activité. En pleine crise économique, les autorités catalanes ont décidé d’accorder la priorité à l’activité économique de la région et de négocier avec Ryanair.
Tous les conflits n’ont pas connu une fin aussi "heureuse". Fin octobre, Ryanair a supprimé 31 trajets reliant différentes villes d’Europe à Alicante, après qu’Aena, l’organisme gestionnaire des aéroports espagnols, a refusé de céder aux prétentions du groupe irlandais. La compagnie dirigée par M. O’Leary voulait qu’Aena revienne sur sa décision d’imposer l’emploi de passerelles télescopiques dans l’aéroport d’Alicante, un surcoût que Ryanair n’était pas prêt à assumer. Ryanair a donc réduit son activité.
Le prix de l'obstination
Pragmatique, le groupe rouvrira quelques lignes l’été prochain, lorsque l’affluence touristique est la plus intense. Le manque à gagner pour l’aéroport est de 30 millions d’euros par an, selon les calculs de Michael O’Leary. L’autre prix à payer pour l’obstination d’Aena, c’est la disparition de 2 000 postes de travail, d’après la presse. Certains médias espagnols, courroucés par l'attitude de Ryanair dans le pays, dénoncent le "chantage" du groupe irlandais.
On ne peut pas parler de chantage. Ryanair est la plus grande compagnie du monde parce qu’elle offre les plus bas prix. Pour ce faire, elle joue sur les coûts. Si ces coûts augmentent à un endroit donné, le groupe s’en va, c’est logique,
explique Fabrizio Ferraro, professeur à l’IESE Business School et spécialiste du marché des transports.
Par ailleurs, il faut revenir sur le préjugé selon lequel Ryanair ferait la chasse aux aides publiques : en Espagne le groupe Iberia reçoit beaucoup plus de subventions que Ryanair.
Un aéroport sans avion
En somme, si l’Espagne veut profiter des arrivées de touristes et potentiels clients que draine l’activité de la compagnie aérienne, mieux vaut céder aux prétentions du groupe "qui s’est installé là où les autres compagnies ne voulaient pas aller", rappelle l’économiste.
Ou, peut-être, repenser l’opportunité de maintenir opérationnels des aéroports secondaires dont le sort ne dépend que d’une seule compagnie. Le président d’Iberia, Antonio Vásquez, a ainsi dénoncé au printemps "les infrastructures aéroportuaires excessives" du pays, avec des aéroports "sans aucun sens du point de vue économique".
Si l'aéroport de Reus se retrouve sans route commerciale cet hiver à la suite de la défection de Ryanair, c’est celui de Castellón, dans le Sud-Est de l’Espagne, qui remporte la palme de l’irrationalité. Inauguré en mars dernier, le centre n’accueille pas le moindre avion…