Dans un documentaire road movie, "Italy, love it or leave it" ("L'Italie, tu l'aimes ou tu la quittes"), deux Italiens sillonent les routes de la Péninsule pour trouver les bonnes raisons d'y vivre. Pas évident, même si beaucoup d'Italiens veulent construire un futur meilleur.
Dans le documentaire "Italy, Love it or Leave it" ("L'Italie, tu l'aimes ou tu la quittes"), Gustav et Luca se demandent ce qui peut bien retenir les Italiens dans une Péninsule en faillite.
Ce sympathique couple de trentenaires installés à Rome ne sont pas d'accord. Le premier ne rêve que d'une chose: plier bagage pour aller s'installer à Berlin, où la vie semble plus facile.
Le second, lui, aime trop l'Italie pour pouvoir en partir… sans pour autant trouver d'arguments solides pour y rester. Pendant six mois, ils vont parcourir leur pays à bord d'une vieille Fiat 500, et se forger, par la même occasion, leur propre opinion.
"Presque tous nos amis étaient partis"
"Ce documentaire est né spontanément", explique Gustav Hofer:
Notre bail arrivait à son terme, nous devions trouver un autre appartement. Presque tous nos amis étaient partis à l'étranger… Pourquoi pas nous ?
Dans la Péninsule, le climat est étouffant pour de nombreux Italiens:
- ceux qui, à trente ans, sont encore obligés de vivre chez papa-maman faute de pouvoir acheter un appartement,
- ceux qui ne peuvent pas se dire ouvertement "je t'aime" parce qu'ils sont gays,
- ceux qui ne souhaitent qu'une chose, offrir un avenir à leurs enfants.
L'Italie et ses héros de tous les jours.
Journalistes de formation, forts d'un premier documentaire "Improvvisamente l'inverno scorso" ("Suddenly last winter") sur le racisme et l'homophobie, Gustav Hofer et Luca Ragazzi se mettent en tête de dénicher les perles rares, ceux qui se battent pour rester.
"Une très force société civile en Italie"
Ces héros ordinaires sont une ouvrière de la Fiat qui souhaite restaurer la dignité au travail, un entrepreneur sicilien qui a décidé de dire non à la mafia et un Calabrais qui soutient les immigrés, réduits à l'état d'esclaves dans les champs d'oranges du Sud.
L'épopée "Italy, love it or leave it" révèle une face cachée de la Péninsule, décrypte Gustav:
En Italie, il y a une très forte société civile qui vient combler l'absence de l'Etat. C'est cette conscience collective, sourdement diffuse, qui a fini par me convaincre. Ces gens se sacrifient en quelque sorte pour défendre la beauté de l'Italie.
Luca ajoute:
Les étrangers nous demandaient souvent pourquoi nous ne réagissions pas face au comportement, entre autre, de nos dirigeants. Ce film montre que nous savons dire non.
Construire l'Italie de demain
Signe que l'Italie s'interroge sur elle-même, quelques artistes et intellectuels italiens ont réagi sur le même thème cette année. Avec plus ou moins d'optimisme.
Au printemps, le groupe toscan Bandabardo se demandait ce qui pouvait bien le séduire dans ce "Paese cortigiano" ("Pays courtisan"), titre d'une chanson critique sur le climat régnant dans le pays.
En septembre, le livre "Stato d'Italia" ("l'Etat de l'Italie") résultat d'un voyage de trois ans sur les routes d'Italie et réalisé par un collectif de journalistes, révélait un pays vieillissant et de plus en plus pauvre.
Fil directeur de ces travaux ? La situation de la jeunesse. Selon le Centre d'études en investissement social italien (Censis), 66,9% des diplômés de 25 à 34 ans ont un travail, contre une moyenne européenne de 84%.
L'Italie détient [avec l'Espagne, ndlr] le record européen en matière de chômage chez les 15-25 ans avec un taux qui frôle les 30%. Ces perspectives d'avenir peu réjouissantes poussent les jeunes à partir.
Résultat: sur les quatre millions d'Italiens vivant à l'étranger, la moitié a moins de 35 ans. Les jeunes sont devenus "une espèce en voie de disparition", s'allarmait le directeur du Censis en mai.
Partir est un déchirement, et certains refusent de céder. Etudiant en médecine, Dario vit actuellement à Londres où il finit sa spécialisation. La précarité grandissante des professionnels de la santé ne lui fait pas peur:
J'aime trop l'Italie pour rester en Angleterre. Même si à Londres, on respecte globalement plus les différences et les opportunités de travail sont plus nombreuses.
Gustav positive:
Notre film est tombé au bon moment. Cette année, le pays a vécu des changements significatifs. Pendant le tournage, la gauche a remporté la mairie de Milan et les Italiennes sont sorties dans la rue pour exprimer leur ras-le-bol face à l'image de la femme en Italie.
Mais reste prudent: "On verra ce que fera le gouvernement Monti. On lui fait confiance." "Le berlusconisme est encore présent", ajoute Luca :
Il a imprégné nos mentalités, il ne va pas disparaître comme ça. Notre conscience collective doit nous reconstruire. Nous devons penser au futur de l'Italie.
