Contrairement à l'Italie de Mario Monti, 3ème puissance économique de la zone euro, l'Espagne n'a pas vraiment voix au chapitre. Le nouveau premier ministre Mariano Rajoy promet de replacer l’Espagne en "première division" de la zone Euro et de peser sur les décisions à venir. Avec quels moyens? Et quels alliés?
L’Espagne en première division de la Zone Euro ! Tout un programme pour Mariano Rajoy, le nouveau chef du Gouvernement élu par les Espagnols dimanche, qui promet de rendre à la voix de l’Espagne le respect qui lui est dû.
Car la quatrième puissance de la Zone Euro, malgré ses 1 000 milliards de PIB, sa population de 46 millions d’habitants et son territoire presqu’aussi vaste que celui de la France, a bien du mal à se faire entendre et, surtout, et peine à être prise au sérieux. On se souvient encore, il y a moins d’un an, d’une Angela Merkel qui donnait un bon point à l’Espagne car le pays avait "fait ses devoirs".
Zapatero avait placé l’Europe au second plan de sa politique extérieure. On voit le résultat,
estime Maximiliano Bernaz, président du Real Instituto de Estudios Europeos.
Cela tient à ses difficultés financières, car la puissance de la voix des pays est proportionnelle à leur potentiel économique,
estime quant à lui l’eurodéputé socialiste Enrique Guerrero.
Un partenaire "loyal" mais "exigeant"
Sans perspective de croissance soutenue et de rééquilibre des comptes avant au moins deux ans, on a peine à croire que l’Espagne de Rajoy, cataloguée "pays périphérique" au même titre que la Grèce ou le Portugal, puisse crier plus fort que les autres dans le concert européen dans les années à venir.
Pour autanty, Rajoy n'est pas prêt à recevoir des ordres de l’extérieur:
Nous cesserons d’être un problème pour faire partie de la solution.
Le PP veut que les pays qui mènent de front réformes et réduction du déficit puissent bénéficier de la liquidité suffisante, notamment de la part du BCE, pour ne pas étouffer sous la contrainte de la dette. Rajoy en a fait part à Angela Merkel.
Celle-ci, a répondu dans un télégramme de félicitations à Rajoy, tout en lui mettant d'ores et déjà la pression: il s’agit maintenant de mettre "rapidement en place les réformes nécessaires". De son côté, Rajoy promettait dimanche que l’Espagne serait "le plus loyal mais aussi le plus exigeant des partenaires".
Rajoy doit prendre des cours d'anglais
Compte tenu de la situation économique de l’Espagne, Rajoy a-t-il vraiment les moyens d’imposer ses vues ?
L’Espagne a l’influence qui correspond à son poids dans le PIB de l’UE: 9%. L’augmenter dépend ensuite du petit ‘plus’ personnel que peuvent lui apporter ses dirigeants,
explique Enrique Guerrero.
Or, Rajoy "n’a pas la personnalité extravertie de Sarkozy, attitude parfois contreproductive mais qui, d’une façon générale, est utile pour se faire entendre dans les sommets européens", affirme Enrique Guerrero. L’eurodéputé s'attend à une attitude plus réservée de la part du nouveau dirigeant espagnol .
De ce point de vue là, Rajoy et Zapatero se ressemblent. Ils sont notamment freinés par la barrière de la langue puisque aucun d’eux ne parle Anglais [Rajoy prend des cours, ndlr].
Qui sera l'ami de Mariano ?
Reste que Rajoy dispose d’un avantage sur Zapatero: "la majorité du club européen est formé de dirigeants de sa famille politique alors que Zapatero était isolé de ce point de vue", ajoute l’eurodéputé. La question est de savoir si Rajoy saura développer une relation suffisamment proche avec ses pairs. "Felipe Gonzalez était proche de François Mitterrand et Helmut Khol, tandis que José María Aznar et Tony Blair étaient amis", rappelle Enrique Guerrero, qui mentionne néanmoins la proximité personnelle entre Sarkozy et Zapatero.
Qui sera l’ami de Mariano Rajoy ? Des propos du chef du PP la semaine dernière dans une interview à El País révélaient la rareté de ses contacts avec la chancelière allemande malgré la crise, provoquant les critiques du Parti Socialiste. Rajoy, l’homme discret et réservé, saura-t-il manier l’art de se faire les bons amis ?
La malédiction européenne de Zapatero
"Zapatero avait placé l’Europe au second plan de sa politique extérieure. On voit le résultat", estime Maximiliano Bernaz, président du Real Instituto de Estudios Europeos. Pourtant, pendant la campagne pour les élections législatives de 2004, le jeune dirigeant socialiste promettait de se rapprocher de l’Europe. Il s’agissait alors de critiquer la politique pro-anglo-saxonne de son prédécesseur, José María Aznar, qui avait fait de l’Espagne un pays de la "jeune Europe", à l’opposé de la "vieille Europe".
Sans préjuger de l’importance réelle ou supposée qu’accordait Zapatero à l’UE, il faut lui reconnaître qu’il avait consacré d’importants efforts de préparation pour la réussite de sa seule présidence européenne en près de huit ans de mandat. La malchance avait voulu que cette présidence tournante débute en janvier 2010, au moment de la mise en place du Traité de Lisbonne.
C’est ainsi que pendant les six mois de la présidence espagnole, la figure de Zapatero avait été éclipsée par celle de Van Rompuy. Par ailleurs, Barak Obama qui devait assister à un sommet entre l’Europe et les États-Unis avait renoncé à visiter l’Espagne et la réunion de l’Union pour la Méditerranée avait à son tour été annulée. Cerise sur le gâteau, à quelques semaines de la fin du mandat espagnol, l’Espagne avait été sommée de réduire son déficit par ses partenaires européens, par peur de la contagion de la crise grecque.