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Dominique Baudis demande que les gays puissent donner leur sang

jeudi, 1 décembre, 2011 - 11:09

En Grande-Bretagne, les gays peuvent désormais donner leur sang. A une condition: ne pas avoir eu de relations sexuelles avec un homme depuis au moins un an. Cette période d'abstinence est de 6 mois en Espagne et de 4 mois en Italie. En France, le Sénat a récemment confirmé l'exclusion permanente des hommes homosexuels. Une décision que conteste Dominique Baudis, le nouveau Défenseur des droits.

Les gays vont-ils bientôt pouvoir donner leur sang, comme n'importe quel citoyen ? Le Sénat a récemment réaffirmé son opposition, les autorités de santé s'y refusent toujours, en raison d'un taux de prévalence du sida toujours plus élevé chez les gays. Dans une tribune publiée par Libération, le nouveau Défenseur des droits appelle pourtant à

limiter les restrictions de dons du sang aux personnes à risque réel".

Nommé à l'été 2011, Dominique Baudis remplace à la fois l'ancienne Haute autorité de lutte contre les discrimination et pour l'égalité (Halde) et le Médiateur de la République.

Depuis 1983, les "hommes ayant des relations avec d'autres hommes" sont exclus de façon permanente du don du sang quand bien même ils sont en couple avec le même partenaire depuis des années et ont des rapports sexuels protégés.

"Pratiques à risque" ou "population à risque"

L'argumentaire de Dominique Baudis s'appuie sur la distinction, rappelée avec force par la Commission européenne, entre "orientation sexuelle" et "comportement sexuel". L'orientation sexuelle ne peut justifier à elle-seule une exclusion.

Une interdiction générale concernant tous les hommes gays et bisexuels serait considérée illégale au regard du droit de l'UE,

expliquait début septembre John Dalli, le commissaire européen à la Santé. Et, Dominique Baudis de conclure:

Comme le préconisait la Halde dans une délibération de février 2006 et comme c'est déjà le cas en Italie, en Espagne ou au Portugal et, depuis peu, en Grande Bretagne, la France devrait à son tour limiter les restrictions de don aux seules personnes, hommes ou femmes, présentant un risque accru du fait exclusif de comportements sexuels à risque.

Il y a un mois, les autorités britanniques ont en effet décidé que les gays pourrait de nouveau donner leur sang, à la une condition de ne pas avoir eu de relations sexuelles avec un homme depuis au moins un an.

(De nos archives). En Grande-Bretagne, les hommes homosexuels ont toujours pu donner leur sang. A un détail près tout de même, trois fois rien: ne jamais avoir eu de relations sexuelles avec un autre homme. Etre généreux se mérite.

Cette mesure d'interdiction date des années 1980, en réponse à la propagation de l'épidémie de sida. Elle vient d'être levée. Les gays britanniques n'ayant pas eu de relations sexuelles (protégées ou non) avec d'autres hommes pendant une période d'au moins 12 mois peuvent de nouveau donner leurs globules rouges.

En septembre dernier, le ministre de la Santé avait accepté la recommandation de la commission consultative sur les dons du sang. Une évolution rendue possible par l'amélioration des tests sur le sang.

Le militant des droits de l'Homme Peter Tatchell, dont les propos sont rapportés par le Guardian, estimait alors que

bien que cette nouvelle politique soit un grand pas [dans la lutte contre les discriminations], ce délai de 12 mois est toujours excessif et injustifié (…) La plupart des homosexuels et des bisexuels hommes ne sont pas séropositifs et ne le seront jamais. S'ils ont toujours eu des relations protégées, n'ont qu'un partenaire et un test HIV négatif, leur sang sûr est et peut être donné.

Cette nouvelle période d'abstinence d'un an est celle qui est déjà en vigueur pour:

  • les femmes aillant eu des relations sexuelles avec un homme qui a lui-même eu des relations avec un homme.
  • les personnes qui ont fait l'amour avec des prostituées.
  • celles qui ont eu des relations avec un(e) toxicomane s'injectant la drogue par voie intraveineuse.

Discrimination

Presque tous les pays d'Europe excluent du don du sang les "hommes ayant des relations sexuels avec des hommes" (HSH), et ce de façon permanente. Ils sont considérés comme appartenant à un "groupe à risque", au même titre que les consommateurs de drogue (par injection), les prostitués, les personnes atteintes d'une MST ou de la maladie de Kreuzfeld-Jacob – liste non exhaustive et variable selon les Etats.

La liste des conditions à remplir pour la Belgique est consultable ici ; ce questionnaire permet aux Britanniques de déterminer eux-mêmes s'ils peuvent donner.

Le Commissaire européen à la santé vient pourtant de rappeler très clairement que l'interdiction à vie qui touche les gays ne repose sur aucun texte de loi communautaire, pas même la directive de 2004 régulièrement instrumentalisée par les autorités nationales de santé. John Dalli a de nouveau souligné qu'il ne fallait pas confondre "comportement" sexuel et "orientation" sexuelle.

Les Etats membres ne doivent pas discriminer sur la base de l'orientation sexuelle. Ce qui signifie qu'une interdiction générale concernant tous les hommes gays et bisexuels serait considérée illégale au regard du droit de l'UE.

"Groupe à risque"

Seules Espagne et en Italie considèrent les comportements à risque – comme le fait d'avoir plusieurs parternaires ou d'en changer – de la même manière quelle que soit l'orientation sexuelle. Dans tous les cas, la période d’exclusion est fixée à un minimum de six mois pour l’Espagne et à quatre mois après l’arrêt de ce comportement à risque en Italie.

Discrimination ou sécurité sanitaire

A l'inverse, en France, la discrimination est permanente pour les HSH, depuis 1983, quand elle n'est que de quatre mois pour les hétérosexuels ayant des comportements à risque – comme le montre le détail de l'arrêté (voir la 7ème page). Les lesbiennes ne sont pas concernées, preuve pour les autorités, qu'il ne s'agit en rien d'une mesure discriminatoire, mais bien d'une règle de sécurité.

Dans un avis mi-figue mi-raisin rendu le 6 février 2006, la Halde concluait que:

en l’espèce il n’y a pas de refus d’accès à un bien ou à un service, même si la pratique actuelle est vécue comme discriminatoire par les candidats au don du sang.

En 2009, Roselyne Bachelot a signé un arrêté qui allonge l’âge limite pour donner son sang (de 65 à 70 ans), mais maintient l’exclusion pour les hommes homosexuels. La ministre de la Santé expliquait alors :

les données épidémiologiques [de l'Institut de veille sanitaire] sont incontestables: entre 10 et 18 % des gays sont contaminés, alors que ce pourcentage est de 0,2 % pour les hétérosexuels. Les situations épidémiques ne sont pas les mêmes. Il y a un risque, et ce risque est trop élevé.

"Le risque statistique d'être porteur du VIH est 100 fois plus élevé chez les homosexuels masculins que chez les hétérosexuels", poursuit l'Etablissement français du sang sur la page de son site Internet consacrée aux contre-indications. Et, l'EFS conclut : "la mesure d’ajournement des hommes ayant eu des relations sexuelles avec d’autres hommes est fondée sur les données épidémiologiques."

"Risque infinitésimal"

Le Sénat a de nouveau débattu de cette question fin mars 2011, dans le cadre de la loi bioéthique. Un sous-amendement indiquant que "nul ne peut être exclu du don en dehors de toute contre-indication médicale" a été adopté. Mais, comme le rapporte le site Yagg, les homosexuels restent exclus:

A la question du sénateur Guy Michel (Groupe communiste): “la contre-indication permanente concerne bien, dans l’arrêté, un homme ayant eu une relation sexuelle avec un homme. C’est cela?” La secrétaire d’État à la Santé a répondu: “Oui. Pour le don du sang”, confirmant l’exclusion des homosexuels.

Dans une étude parue très recemment dans la revue "Transfusion clinique et biologique", Josianne Pillonel, de l'Institut de Veille Sanitaire, défend également l'impératif de sécurité: "Les études d’impact d’une modification de la mesure d’exclusion sur le risque VIH ont montré que la réduction de la durée d’exclusion engendre un risque supplémentaire. Certes, ce risque est très faible, mais est-il acceptable de faire courir un risque additionnel même infinitésimal aux receveurs de produits sanguins ?" Mais, l'épidémiologiste précise que:

Les études les plus récentes s’accordent pour conclure qu’une alternative à l’exclusion permanente pourrait consister à autoriser le don des hommes abstinents au cours des 12 derniers mois. Cette mesure permettrait de couvrir largement la fenêtre silencieuse [la période de 7 à 10 jours pendat laquelle les tests viraux sont négatifs même en cas de contamination par le HIV] pour les hommes ayant récemment pris des risques ou pour ceux dont les partenaires auraient pris des risques.

C'est exactement la décision que les autorités britanniques ont prise.


Article actualisé le 1er décembre novembre 2011, après la prise de position de Dominique Baudis, Défenseur des droits.




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