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Europe fédérale: transférer la souveraineté ou l’élargir ?

jeudi, 1 décembre, 2011 - 14:02

Même les partisans de "plus d'Europe" ont du mal à accepter que leur pays transfère à l'Europe une partie de leur souveraineté. On peut les comprendre car l'Europe n'est pas démocratique. Une solution ? Elargir la souveraineté de tous (les pays) à tous (l'Europe).

Mais où se niche l'euro-fédéralisme de François Hollande ? Il était curieux, hier, d'entendre le candidat socialiste à la présidentielle française défendre la souveraineté budgétaire de la France:

Je n'accepterai jamais qu'au nom du contrôle des budgets nationaux, au nom de la coordination des politiques budgétaires, la Cour de justice européenne puisse être juge des dépenses et des recettes d'un Etat souverain.

Le fédéralisme, c'est pour les autres

On ne saurait faire grief au candidat PS de rejeter l'idée (avancée par la chancelière Angela Merkel) d'une austérité imposée à un quelconque pays par un comité de sages – fussent-ils juges – non élus. De même peut-on regretter que la coordination économique et budgétaire de l'Europe ne consiste finalement qu'à sanctionner un déficit "excessif" alors que, dans le réglage d'une politique économique, la nature et le timing des dépenses sont au moins aussi importants – sinon plus – que leur volume.

Cela dit, force est de constater qu'en France, les partisans du "plus d'Europe", d'une Europe plus fédérale, ont une tendance manifeste à penser que le fédéralisme, c'est "pour les autres et pas pour soi". Mais comment sortir d'une Europe aujourd'hui essentiellement intergouvernementale sans consentir qu'un regard extra-national soit porté sur les politiques nationales ?

Encore faut-il que ce regard – et c'est la préoccupation de François Hollande – soit légitime parce que démocratique. Or les institutions européennes ne sont démocratiques que très indirectement, via l'élection des gouvernants de chaque pays de l'Union. Le Parlement européen – élu, lui, directement par les citoyens – fait exception mais il n'a guère de pouvoir décisionnaire en dernier ressort.

L'utopie démocratique

En attendant que se forme un véritable "peuple européen" qui transcenderait la notion d'appartenance nationale pour ne défendre que les intérêts de l'Union dans son ensemble, on ne peut que constater le caractère utopique d'une démocratie européenne directe. Les récentes propositions de la chancelière allemande tendant à créer l'union politique par l'élection du président de la Commission au suffrage universel, sont certes à considérer. Et elles ne méritent pas l'indifférence avec laquelle elles ont été accueillies en France (voir la chronique d'Eric Le Boucher dans les Echos et Slate.fr). Mais elles restent illusoires.

Alors, pourquoi ne pas démocratiser l'Europe avec nos instruments actuels, c'est à dire en partant des démocraties nationales ? Cessons de parler de "transfert de souveraineté" que les citoyens traduisent par "perte de souveraineté et recul de la démocratie". Parlons plutôt d'élargissement de la souveraineté.

Le citoyen codécideur

Le principe en est simple. Chaque citoyen étant à la fois "national" (Italien, Autrichien, Français…) et européen, pourquoi ne pas lui reconnaître le droit de regarder, de juger et, in fine, de "codécider" pour ce qui se passe en Europe ailleurs que dans son pays. Une souveraineté élargie qu'exercerait le peuple à travers ses représentants légitimes: les Parlements nationaux.

A cet égard, la meilleure illustration de ce concept peut être fournie en matière de coordination budgétaire, le sujet brûlant d'aujourd'hui. La grande faiblesse de l'euro et d'être une monnaie censée – mais c'est impossible ! – traduire la pertinence de 17 politiques économiques et les orientations de 17 budgets nationaux. Des politiques et des budgets souvent divergents, certains laxistes, certains serrés.

Budget consolidé

Plutôt que d'imposer à seize pays les orientations budgétaires du plus puissant (l'Allemagne), ne serait-il pas beaucoup plus cohérent de construire un "budget consolidé" pour la zone euro? C'est à dire un budget agrégeant les 17 budgets nationaux de la zone et dont les orientations seraient définies, discutées et adoptées par les parlements nationaux en fonction des intérêts communs de cette zone monétaire unique.

Les orientations communes fixées, il s'agirait de les "désagréger" ensuite en les déclinant par pays, en fonction des intérêts de ses pays et du type de priorités que les gouvernements élus par les peuples de ces pays entendent mettre en oeuvre. Concrètement, si un gouvernement français de gauche veut faire de la relance sélective et qu'un gouvernement allemand de droite entend privilégier le désendettement rapide du pays, il pourrait y avoir déficit budgétaire d'un côté du Rhin et excédent de l'autre.

Etant entendu naturellement, que ces orientations reçoivent l'aval de tous parce qu'elles sont jugées pertinentes pour le pays en question et qu'elles ne remettent pas en cause les choix globaux au niveau européen.

Tous un peu Finlandais

Une usine à gaz, une hérésie technocratique ? Pas forcément. La sophistication financière de ces dernières années permet de construire des modèles budgétaires complexes. L'important est que l'orientation des budgets, instruments centraux des politiques économiques, soit définie par les représentants des peuples et non par des technocrates sans légitimité.

Finalement, n'est-ce pas le vrai moyen de construire cette Europe que de demander aux citoyens ce qu'ils souhaitent pour le continent. Faut-il industrialiser la Calabre, faut-il relancer la production charbonnière en Allemagne du nord, désenclaver la Galice, recapitaliser les banques irlandaises, mieux réguler le trafic routier en Hollande, moderniser les centrales hydroélectriques de Carinthie.. ? Qu'en pensez-vous, Européens ?




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