François Hollande a présenté hier, avant Nicolas Sarkozy ce soir, son plan européen anti-crise. Des mesures peu originales avec en arrière-fond une bonne dose de souverainisme.
A chaque intervention, un seul sujet et une idée force. Des phrases, si possible, à la première personne. Mode impératif de rigueur. Ne pas se laisser piéger par des questions de journalistes qui perturberaient le message du jour. L'entourage de François Hollande veille au grain et le candidat socialiste prend désormais sur lui pour ne céder à son penchant naturel pour les digressions.
Lors de son voyage hier à Bruxelles, il a parfaitement respecté ces règles d'or de la communication politique d'un candidat éligible en campagne présidentielle.
Sa check-list sur l'Europe se déclinait en une déclaration de principe et des propositions pour tenter de sortir l'Europe de la crise.
La proposition de principe: dénoncer la perte de souveraineté sur le budget, autrement dit, le diktat de l'Allemagne. Phrase clé reprise, comme prévu, en boucle par les médias:
Je n'accepterai jamais qu'au nom du contrôle des budgets nationaux (…) la Cour de Justice européenne puisse être juge des dépenses et recettes d'un Etat souverain".
Deux ingrédients essentiels pour ratisser large sur l'Europe sont là:
- Le traditionnel bouc émissaire "Bruxelles" (bien qu'en l'occurrence, la Cour de Justice européenne soit à Luxembourg), symbolisant l'eurocratie par qui tous les malheurs arrivent.
- L'"Etat souverain" menacé. C'est bien mieux qu'une banale référence à la France, même si le clin d'œil aux souverainistes en tout genre, est vraiment très appuyé. Et puis, quand on postule à la plus haute charge de l'Etat, rappeler que l'on sera le gardien inflexible de sa souveraineté, c'est de bonne guerre électorale.
Ceci à une semaine d'un Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement annoncé comme "décisif", où Angela Merkel devrait appeller à plus de coordination de la rigueur budgétaire. Car Berlin ne cédera pas.
Pillule amère pour l'Elysée
Quelque soit le mécanisme mis en place pour sauver l'euro, l'Allemagne sera le pays qui paiera le plus pour éponger la dette de ses voisins les plus lourdement endettés. Mais l'Allemagne demande, en contrepartie, des garanties qui vont effectivement empiéter sur la souveraineté de ces Etats. La pilule sera probablement très amère pour l'Elysée.
Un boulevard pour François Hollande. Encore faut-il qu'il prenne des risques en proposant des solutions à la crise de l'euro crédibles et innovantes. Or, la déception est grande.
Revue de détail des mesures présentées hier par le candidat socialiste:
- "Doter le Fonds européen de stabilité financière et le mettre en œuvre dans les plus brefs délais". De combien? "autant que possible". Soit. Mais personne ne dit le contraire, et certainement pas le président sortant. Mais, là encore, l'Allemagne a la main et va demander des contreparties pour prévenir tout nouveaux dérapages de se partenaires européens.
- "Faire jouer à la BCE un rôle actif (…) pour briser la spéculation". Qui n'est pas d'accord? Personne en France et plus grand monde ailleurs… sauf en Allemagne. Outre-Rhin, et notamment au Bundestag, on tousse déjà depuis que la banque européenne a outrepassé ses droits en rachetant, à ce jour, plus de 200 milliards de dettes de l'Italie, de l'Espagne, du Portugal et de la Grèce. Mais François Hollande estime que la BCE peut être encore plus active "sans qu'il soit nécessaire de changer les traités". A voir. Seul certitude, l'actuel locataire de l'Elysée est sur la même longueur d'onde.
- "Mutualiser une part des dettes nationales avec la mise en place d'euro-obligations". Un combat mené en vain par Sarkozy face à Merkel. Cette "communautarisation" hérisse la Chancelière qui a fait ses calculs. Son pays, lui aussi lourdement endetté, bénéficie encore d'un avantage décisif, son taux de refinancement de sa dette qui reste très avantageux par rapport à celui de la France. Et même si l'Allemagne n'a pas pu lever récemment que 3 sur les 6 milliards prévus, c'est parce qu'elle n'a pas voulu emprunter à plus de 2%, préférant puiser dans les réserves…de sa banque centrale.
- "Introduire dans les plus brefs délais la taxe sur les transactions financières". Cette fois, ce n'est par Berlin qui bloque, mais La Haye et Londres. Cette version européenne de la Taxe Tobin pourrait néanmoins voir le jour sans les Pays-Bas et le Royaume-Uni. C'est du moins ce que laissent entendre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.
- "Une initiative de croissance, seule l'Europe a les capacités d'intervention nécessaire pour mettre le continent européen dans une croissance durable". L'idée n'est pas nouvelle. Au début des années 90, Jacques Delors préconisait déjà, dans un "Livre blanc pour la croissance et l'emploi", une relance de l'économie européenne par une politique de grands travaux pour "doter le continent de grands équipements modernes de transport et de communication financés par des emprunts garantis par l'Union européenne qui émettra elle-même des obligations ". Bien qu'approuvé par les douze pays de l'UE, le projet restera lettre morte. François Hollande veut, de même, financer cette "initiative de croissance" par des "projects bonds", c'est-à-dire des obligations dédiées à des projets. Une idée défendue également par l'UMP, Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur.
Pour François Hollande, il est certainement trop tôt, à cinq mois du premier tour des présidentielles, de dévoiler ses propositions sur l'Europe et ses remèdes anti-crise. Les deux sujets sont, aujourd'hui indissociables.
Il lui reste à s'affirmer avec des propositions originales, à tracer sa route avec pour adresse d'arrivée le 55 rue du Faubourg Saint-Honoré. Une route encore bien longue.