La Ligue du Nord ne partage plus le pouvoir avec Berlusconi et le mouvement est en perte de vitesse. Son leader, Umberto Bossi, tente de faire oublier et de remobiliser ses militants désabusés par ses compromissions avec "Rome la maudite" en réactivant le mythe fondateur d'un "Parlement du Nord". Aggiornamento ou vieilles ficelles?
Craignant d’être ensevelie sous les décombres avec l’empereur déchu, la Ligue du Nord s’est empressée de prendre ses distances avec Silvio Berlusconi mis en retraite gouvernementale anticipée. Il était temps pour ses électeurs qui avaient multiplié les avertissements. Pour pousser leurs dirigeants à tourner le dos au Cavaliere, bon nombre d'entre eux menaçaient de déchirer leurs cartes du parti.
Pour endiguer le risque d’une révolte et rassembler une formation politique en pleine déliquecence, Umberto Bossi, grand patron et fondateur de la Ligue du Nord, a opté pour un retour aux sources. Le vieil Umberto a ainsi annoncé à grands renforts de trompettes, la réouverture du "Parlement de Padanie", le 4 décembre prochain. Un "Parlement padano"? L'institution n’existe plus que dans la tête des ligueurs, et alimente depuis vingt ans leur rêve d’une région indépendante.
L'illusion d'exister
Pour la petite histoire, la première réunion du "Parlement padano" remonte aux années 90. Durant l’automne 1997, ce "parlement" se réunit et invite des délégations étrangères indépendantistes catalanes et irlandaises, entre autres, pour donner plus de poids et surtout, plus de légitimité médiatique à ses assemblées. En octobre de la même année, le "parlement" organise des élections, élit des ministres et nomme même un Premier ministre.
De prime abord, la chose peut sembler grotesque… Elle s’inscrit, au contraire, dans la stratégie politique de la direction du parti, ou plutôt d’Umberto Bossi. En singeant les institutions, le grand manitou de la Ligue du Nord offre à ses sympathisants une "République" et un pouvoir -certes virtuel- qui leur donnent le sentiment d’exister. C’est aussi le but des "gardes padanes", des milices armées, que le vieux lion a également promis de ressusciter.
"Monti, laquais des banques centrales"
La réouverture du "parlement" doit faire du bruit. Alors pour réaliser son coup médiatique et politique, la Ligue du Nord a mobilisé ses troupes. Durant les derniers jours, Radio Padanie Libre, l’organe de presse officiel, a exalté la stratégie retrouvée du parti.
Le vocabulaire d’antan ressurgit: appels à la sécession ou à la chute de l’euro, épouvantail préféré de la Ligue du Nord, se multiplient. Chaque jour, les discours enflammés contre le gouvernement Monti, laquais des banques centrales, s'étalent dans la presse padane. Il faut galvaniser le moral des électeurs.
La stratégie sera-t-elle payante?
Il aurait fallu inviter des entrepreneurs, des représentants des forces sociales, des protagonistes de la société civile, afin de transformer un évènement qui risque d’être banalisé en un vaste rassemblement pour la construction d’une bonne opposition",
analyse un député sous couvert d’anonymat.
Le "parlement padano" qui risque ainsi de renaître en sourdine. Un mauvais présage pour l'avenir de la Ligue.