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Les députés votent « pour une société sans prostitution »

lundi, 5 décembre, 2011 - 15:27

Le Parlement doit voter mardi 6 décembre une résolution pour "une société sans prostitution". Une première étape avant le dépôt d'une proposition de loi dont l'objectif sera de pénaliser les clients: ils pourraient écoper d'une peine de deux mois de prison et 3 750 euros d'amende. Un modèle inspiré de la Suède où il a montré son efficacité. 

La France va-t-elle bientôt pénaliser les clients des prostitués, comme le font la Suède, la Norvège et l'Islande? Une proposition de résolution signée par les responsables de tous les groupes politiques de l'Assemblée nationale visant à réaffirmer la position abolitionniste de la France doit être votée aujourd’hui par le Parlement.

"L'objectif n'est pas de réprimer la prostitution, mais d'aller vers un monde sans prostitution. [..] Il faut donner à ces femmes le droit de ne pas se prostituer",

explique la députée PS Danielle Bousquet, présidente d'une mission d'information parlementaire sur la prostitution, et signataire de la résolution.

Bien que le racolage soit puni depuis 1946 et que le pays soit devenu abolitionniste en 1960, les clients des prostituées n'ont jamais été pénalisés. L'abolitionnisme pénalise toute réglementation de la prostitution, condamne le proxénétisme et prévoit des mesures d'insertion sociale pour les personnes prostituées ("Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui", 1949, ONU).

La proposition développe les points suivants pour une société sans prostitution, posant comme priorités la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme: 

  • la sexualité ne peut légitimer la prostitution
  • la prostitution ne peut en aucun cas être assimilée à une activité professionnelle
  • les politiques publiques doivent offrir des alternatives crédibles à la prostitution et garantir les droits fondamentaux des personnes prostituées
  • un travail de prévention, d’éducation et de responsabilisation des clients et de la société doit être mis en place

Amende et emprisonnement

En avril dernier, la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale Roselyne Bachelot s’était déclarée favorable à une interdiction de la prostitution à l'occasion d'une mission d’information sur la prostitution en France.

Je suis favorable à la pénalisation des clients. Il faut les punir. La prostitution n'est jamais volontaire. Il y a une complaisance à parler de la prostitution, comme c'est souvent le cas avec les discriminations envers les femmes. Il est temps que cela cesse".

Pénaliser les clients serait "la meilleure piste pour voir diminuer la prostitution en France", écrivait le rapporteur Guy Goeffroy (UMP).

Pénaliser les clients, c'est leur faire comprendre qu'ils participent à une forme d'exploitation de la vulnérabilité d'autrui?

La mission d'information dirigée par les députés Danielle Bousquet (PS) et Guy Geoffroy (UMP) propose donc de sanctionner le recours à la prostitution d'une peine d'amende de 3 000 euros et d'une peine d'emprisonnement, qui pourrait être de six mois.

Changer les mentalités

Les deux députés ont été rejoints par les responsables politiques de tous les groupes de l’Assemblée pour réaffirmer la position abolitionniste du pays. Claire Quidet, porte-parole du mouvement Abolition 2012 à l’origine d’un appel pour abolir la prostitution, s’en réjouit:

Cette Résolution marque une prise de conscience importante de la part des politiques. Nombre d’élus ont déjà signé notre appel et lors de la convention que nous avons organisée le 29 novembre nous les avons sentis très impliqués par la question. C’est un premier pas très important dans l’attente d’un projet de loi".

Actuellement, le racolage et le proxénétisme sont interdits en France, mais aucune loi ne sanctionne les clients. Claire Quidet met en avant le modèle suédois où faire appel aux services d'une prostituée est interdit depuis 1999 et passible d'amendes et de peines de prison pouvant aller jusqu'à six mois [à lire: l'éclairage de notre correspondant à Stockholm].

La valeur éducative du modèle suédois est primordiale : les enfants apprennent à l’école qu’on n’achète pas un acte sexuel, tout comme on ne tape pas son camarade. Il faut faire évoluer les mentalités et répéter qu’une relation sexuelle ne peut être que consentie, désirée et non tarifée".

"Effets disuasifs"

Des études menées en Allemagne et aux Pays-Bas, deux pays qui ont dépénalisé la prostitution, montrent une augmentation de la criminalité dans les quartiers de prostitution et un afflux de la traite des êtres humains. La Suède, au contraire, a vu part des hommes ayant eu recours à la prostitution baisser de 13,8% à 7,8%.

"L'évaluation de cette loi, en 2010, a montré qu'elle avait eu un effet dissuasif sur les clients" et que la prostitution de rue a ainsi été "divisée par deux en dix ans", souligne le rapport parlementaire. Dans le même temps, le Danemark et la Norvège voisins ont vu leurs propres chiffres doubler et tripler.




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