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Le « Secret story » portugais piégé par un serial killer

jeudi, 8 décembre, 2011 - 15:09

Au Portugal, un candidat à "Secret story" révèle que son père est un sérial killer qui a tué et éviscéré des femmes dans les années 90. Dépassée par ce secret trop lourd, la chaine TVI a refusé de le croire, contrairement à la police.

Il a 22 ans, une allure sportive et des boucles brunes: c’est à peu près tout ce que l’on sait de Pedro Guedes, qui a tant rêvé de célébrité qu’il se retrouve au cœur d’une histoire où le sordide s’ajoute au sordide.

Le jeune homme a participé en juillet dernier au concours de sélection pour participer au reality-show, "Secret story"- rebaptisé "Maison des secrets" ("Casa dos Segredos") au Portugal. Les concurrents doivent avoir un secret et le garder le plus longtemps possible. Celui de Pedro Guedes ? Son père est le redoutable "étripeur de Lisbonne" !

On prête à ce serial killer une série d'au moins trois meurtres atroces de prostituées, mutilées et éviscérées au début des années 90. La police n’a jamais découvert l’auteur de ces meurtres. Malgré une enquête minutieuse, l’affaire a été classée sans suite. D’autres crimes identiques lui seront, par la suite, attribués sans la moindre preuve.

Alors, quand Pedro Guedes affirme deux décennies plus tard que "l'étripeur" est son père, l'aveu est tellement énorme que les sélectionneurs de "La maison des secrets" refusent de le croire. Ils préfèrent exclure ce candidat au secret vraiment trop lourd.

Cette histoire n'est pourtant plus secrète. Elle vient d’être révélée il y a quelques jours par le journal populaire, coutumier des faits-divers, le "Correio da Manha". Les détails fournis par Pedro le fils, sur les agissements de José le père, conduisent la police à procéder à l’arrestation du paternel: il est placé en détention préventive à Aveiro, ville du nord sur la façade atlantique. On le soupçonne aussi pour un crime plus récent, qui présente des caractéristiques similaires aux macabres assassinats des années 90. Ce nouveau n'est, lui, pas prescrit (le délais de prescription est de 15 ans au Portugal).

Se venger de "l’utérus qui l’a mis au monde"

Mais avant d’être interpellé par la police, José Guedes se livre à un jeu curieux: il accepte de rencontrer une journaliste de l’hebdomadaire SOL. Felicia Cabrita est très connue au Portugal. C’est l’une de ses enquêtes qui avait révélé le scandale "Casa Pia", un énorme réseau de pédophilie autour d’un orphelinat public.

Depuis, la journaliste traite avec régularité de faits divers et de société, sans retrouver l’écho de son premier scoop. Felicia réussit à convaincre "l’étripeur" présumé de raconter son histoire dans les moindres détails : José Guedes accepte de la rencontrer, dévoile des éléments troublants concernant les meurtres, justifie ses actes par son souhait de "débarrasser la terre des immondices" et de se venger de "l’utérus qui l’a mis au monde" (sa mère était prostituée).

L’entretien avec la journaliste est filmé en caméra cachée et la vidéo est aussitôt mise en ligne. Mais alors qu’il est amené devant un juge après son arrestation José Guedes nie tout : c’est une plaisanterie, un jeu entre son fils et lui, tout est faux.

Pedro confirme, à son tour, sur une autre chaine de télévision, qu’il a toujours effectivement plaisanté avec son père sur l’affaire des meurtres des prostituées, lui attribuant le rôle de "l’étripeur de Lisbonne", sans que jamais celui-ci ne démente.

"Froid, cynique, sans remords"

Les révélations qui s’enchainent, les vraies-fausses déclarations, les fuites et le rôle des medias renforcent l’énigme et la bouleverse. Au passage, on s’interroge sur les imbrications entre les différents intérêts en jeu.
Certains soupçonnent la chaine TVI d’avoir orchestré la "fuite", afin de relancer l’intérêt pour "La maison des secrets", ce qu’elle dément. On s’interroge aussi sur la rapidité avec laquelle la journaliste du SOL a pu rencontrer l’auteur présumé des meurtres des prostituées, et l’avoir si facilement et si rapidement convaincu de répondre à ses questions.

D’autant que Felicia Cabrita décrit un être "froid, cynique, sans remords et qui s’apparente à un dangereux psychopathe". José Guedes s’épanche sans retenue, sembe-t-il convaincu de son impunité alors que certains crimes de "l’étripeur", à la fin des années 90, peuvent encore être jugés, la prescription étant de 15 ans au Portugal.

Pour les médias il y a trop de contradictions entre les déclarations de José Guedes et les rapports de police. Ils s’interrogent sur les manipulations possibles des protagonistes :

  • Felicia la journaliste? Elle affirme avoir débuté son enquête à la suite d'une lettre anonyme arrivée à son journal.
  • TVI? La chaine dément toute fuite et menace de procès en diffamation qui prétend le contraire.
  • Pedro Guedes? Ne voulait-il pas compenser son éviction du reality-show en faisant parler de lui?
  • José Guedes, le sérial killer? Il a peut être voulu gagner de l’argent rapidement en racontant son histoire.

Reste que le programme vu par plus d’un million de personnes le dimanche -une fabuleuse part de marché dans un pays de 10,5 millions d’habitants – était en perte de vitesse, après des épreuves de sélection qui ont révélé l’étendue de l’ignorance et de la bêtise des concurrents.

"Casa dos segredos, 2" avait néanmoins démarré sur les chapeaux de roue grâce au retour d’une présentatrice fétiche de ce genre de programme au Portugal. "La maison des secrets" fascine les spectateurs qui adorent détester les participants.

Car ceux-ci tissent des liens bien plus réels que les personnages des Telenovelas -les séries à rallonge- dont les Portugais sont, par ailleurs, très friands.

Qu’importe que le bien et le mal y soient savamment orchestrés. Qu’importe aussi que les candidats soient essentiellement motivés par les 50 000 euros de récompense au gagnant. Alors entrer dans cette maison secrète presque parfaite, et être observé par 2 millions de téléspectateurs au risque de laisser transparaître sa bêtise et son insignifiance, vaut bien quelques sacrifices. Comme celui de dénoncer son père.




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