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Les Marocains bientôt électeurs en Espagne ?

jeudi, 8 décembre, 2011 - 09:49

Le Maroc vient d’autoriser les étrangers à participer aux municipales. Les Espagnols résidant au Maroc peuvent désormais y voter. L'inverse sera-t-il bientôt possible? Il est peu probable que la droite, qui vient d'arriver au pouvoir, franchisse le pas.
Second volet de notre enquête sur le vote des étrangers en Europe.

La nouvelle constitution marocaine votée par référendum en début d’été permet aux résidents étrangers de voter aux élections municipales. Voilà qui intéresse particulièrement… les Espagnols ! Non parce qu’ils sont particulièrement nombreux au Maroc, mais parce que la constitution marocaine devrait permettre aux Marocains résidant en Espagne de voter aux élections locales espagnoles. En effet, la loi espagnole, fondée sur le principe de réciprocité, permet aux étrangers de voter aux élections locales si les Espagnols ont eux-mêmes le droit de vote dans le pays dont ils sont ressortissants.

La nouvelle n’est pas anodine : les Marocains sur le sol espagnol en âge de voter sont plus de cinq cent mille. Soit un demi-million d’électeurs en plus, qui devraient pouvoir accéder aux urnes locales espagnoles dès 2015. La logique n’est toutefois pas automatique : un accord doit être signé entre les deux pays au préalable, selon la législation en vigueur en Espagne.

N'est pas Norvégien qui veut

Cette possibilité, avalisée par la ministre des Affaires étrangères du Gouvernement socialiste en juillet dernier, a déchaîné les passions. Et pas seulement des partis xénophobes, comme le parti xénophobe catalan Plataforma por Catalunya (PxC). Le Parti Populaire (PP) des enclaves de Ceuta et Melilla, dont le parti à échelle nationale vient de remporter les législatives et la majorité absolue au Parlement espagnol, avait exprimé en juillet son rejet de cette possibilité. Idem pour CiU, le parti qui gouverne actuellement la Catalogne.

Pourtant, d’après un rapport de SOS Racismo, 83,2% des Espagnols sont favorables à ce que les immigrés votent aux élections municipales, proportion qui baisse à 76% dans le cas des législatives. Dans un climat de détérioration économique qui rend propice la hausse de la xénophobie et du racisme selon plusieurs rapports récents, l’arrivée d’immigrés est toutefois mal perçue.

De fait, 81% des Espagnols estiment que l’entrée en Espagne ne devrait être permise qu’à ceux qui disposent d’un contrat de travail. Et 31% d’entre eux plaident pour expulser les immigrés restés trop longtemps au chômage. D’après Fernando Vallespín, sociologue interrogé par SOS Racismo, « ceci est une conséquence de la crise. On est en compétition pour trouver du travail ». Il n'empêche : on ne se souvient pas de tels remous lorsque les Norvégiens, ou les habitants de certains pays d'Amérique Latine ont gagné le droit d'élire les maires des communes espagnoles.

Stigmatisation d’un "vote musulman"

Les Marocains constituent la première communauté étrangère extracommunautaire avec quelque 750.000 ressortissants résidant en Espagne. Leur poids dans certaines régions comme la Catalogne est significatif, ce qui peut expliquer les réticences espagnoles à les laisser voter. Le Parti xénophobe PxC expliquait ainsi dans un communiqué en septembre dernier :

Dans certaines localités (catalanes), le vote massif de musulmans à un parti de caractère islamique pourrait les transformer du jour au lendemain en d’authentiques règnes de taifas très éloignés de notre identité; ce sont les gens d’ici qui doivent décider des gouvernements locaux et en aucun cas les étrangers, d’autant moins du Maroc, qui revendique la souveraineté sur une partie de notre Etat."

Car, au-delà de la crainte de l’Autre et de la peur du "vote maure", des raisons plus diplomatiques fondent le rejet du vote marocain par certains partis, comme le PP de Mariano Rajoy. Une crispation focalisée sur des territoires : Ceuta et Melilla. Le Maroc réclame en effet la souveraineté de son pays sur les deux villes, enclaves espagnoles en territoire marocain, que les Marocains considèrent eux comme des "territoires occupés".

L’enjeu de Ceuta et Melilla

Le vieux conflit n’en finit pas d’envenimer les relations entre les deux voisins, avec quelques éclats notables, comme, en juillet 2002, l’occupation du rocher du Perejil, dans le détroit de Gibraltar, par les forces armées marocaines. Plusieurs parlementaires du PP avaient demandé en juillet à ce que Ceuta et Melilla soient exclues de tout accord bilatéral avec le Maroc. Certains medias, comme le quotidien El País, analysent ce refus comme une crainte du PP de voir sa majorité absolue dans les deux enclaves mise à mal par le vote des résidents marocains pour des partis de gauche à majorité musulmane.

Les gouvernements des deux villes arguent que Ceuta et Melilla sont plus que de simples mairies, puisqu’elles disposent d’un statut d’autonomie et d’une assemblée législative. Conséquence ? Les élections qui s’y déroulent auraient un caractère davantage régional que municipal, et seraient donc fermés aux étrangers. Toutefois, l’argument n’est pas infaillible : le Comité Electoral central a rejeté ce raisonnement en janvier dernier sur la question du vote des Norvégiens, estimant que les assemblées de Ceuta et Melilla sont assimilables à un congrès municipal.

Quoi qu’il en soit, les Marocains ne sont pas près de pouvoir voter aux élections municipales espagnoles. Il faudra d’abord, pour cela, que le Congrès des députés espagnols donne son aval à un accord bilatéral en ce sens entre l’Espagne et le Maroc. Au sein du parti de Mariano Rajoy, beaucoup sont contre, et le PP dispose depuis le 20 novembre dernier de la majorité absolue dans cette enceinte. Pour quelques temps encore, dans le débat du vote des étrangers, le PP fera la loi.




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