Les dirigeants européens, à l'exception de David Cameron, ont accepté de mettre leurs pays à la diète budgétaire et d'être sanctionnés s'ils ne respectent pas la "règle d'or" voulue par Angela Merkel. Une cure d'austérité générale destinée à rassurer les marchés. Mais sur le plan politique, l'Union reste en panne.
Barak Obama "très inquiet de ce qui se passe en Europe" avait organisé une conférence de presse impromptue juste avant l'ouverture du Sommet européen de Bruxelles pour expliquer qu'il était urgent de "faire quelque chose d'important et d'audacieux" face à la crise de la dette européenne.
Espoir déçu pour le président américain. Ce nouveau "sommet de la dernière chance" semble avoir, une nouvelle fois, laissé passer cette chance. Les principaux acteurs de cette grand-messe européenne ont pourtant joué leurs rôles à la perfection:
- Angela Merkel, championne de la rigueur, n'a pas eu grand mal à entrer dans la peau de son personnage. Il convient parfaitement à une fille d'un pasteur élevée dans le respect des règles: rigueur et intransigeance. Et ceci quel qu'en soit le coût.
- Nicolas Sarkozy, champion des apparences a, une fois n'est pas coutume, évité de surjouer le rôle de sauveur de l'Europe et de la France. Pour cela, il a fait un choix et l'assume: rester fidèlement dans le sillage de la Chancelière allemande.
- David Cameron, a, pour sa part, été conforme à son personnage: celui de fils indigne qui n'a jamais eu d'atomes très crochus avec sa famille européenne d'adoption.
Lors d'une répétition finale avant le lever de rideau de ce Conseil européen, chacun avait, il est vrai, répété son texte avec d'autres seconds rôles, néanmoins importants: Christine Lagarde, qui après avoir débuté en France sur les quai de la Seine préside désormais le FMI; et un banquier Italien, devenu patron de la banque européenne, Mario Dragui.
Cameron joue perso
La pièce s'est jouée en deux actes.
Premier acte, dans la nuit de jeudi à vendredi (une nocturne de 9h heures non-stop)
Angela Merkel a demandé que la discipline budgétaire soit renforcée avec une sanction quasi-automatique pour les mauvais élèves qui ne respecteraient pas la "règle d'or" commune gravée dans un traité: Interdiction de dépasser 3% de déficit budgétaire, l'objectif final étant de parvenir à un équilibre budgétaire.
La Chancelière obtenant également un droit d'intrusion européen accru dans la préparation des budgets nationaux. Des pays bénéficiant d'une aide extérieure, comme la Grèce ou l'Irlande aujourd'hui, pouvant, en outre, être placés sous tutelle de l'Europe.
Mais David Cameron, a joué perso, en n'acceptant ce traité que si son pays était exonéré "d'un certain nombre de réglementations sur les services financiers". Réponse de Nicolas Sarkozy: c'est inacceptable "puisque nous considérons tout au contraire qu'une partie des ennuis du monde vient de la dérégulation du service financier".
Par ailleurs, il a été décidé de que la Banque centrale européenne gérera l'actuel Fonds de secours de la zone euro (FESF) et le futur Mécanisme européen de stabilité (MES) qui lui succédera en 2012.
Quant à l'idée d'euro-obligation permettant de collectiviser la dette des pays, elle est définitivement enterrée, Angela Merkel ayant réitéré son refus absolu.
En revanche, "le FMI va participer" aux "efforts" de la zone euro, a promis Christine Lagarde. Les Etats de la zone euro, et d'autres pays non membres de l'Union monétaire, devront, dans un premier temps, renflouer eux-mêmes le Fonds monétaire international à hauteur de 200 milliards d'euros sous forme de prêts. Un montage compliqué permettant de prêter de l'argent européen aux pays surendettés du Vieux continent sans passer par la BCE.
Deuxième acte, le lendemain, vendredi
La pièce a repris avec pour objectif principal de convaincre le maximum de pays de ratifier ce projet de traité. Dans un premier temps, on pensait que l'accord se limiterait aux 17 pays de la zone euro. Mais l'isolement des Britanniques semblait s'accentuer au fil des heures de négociations.
"Les chefs d'Etat et de gouvernement de Bulgarie, du Danemark, de Hongrie, de la République tchèque, de Lettonie, de Lituanie, de Pologne, de Roumanie et de Suède ont évoqué la possibilité de rejoindre ce processus après consultation de leur Parlement le cas échéant" annonçait-on en début d'après-midi. Et même la Hongrie, la plus réticente après le Royaume-Uni à ce projet de traité, semblait assouplir sa position.
Merkel, "très satisfaite"
Finalement, c'est Angela Merkel qui était la plus satisfaite. Les Britanniques "n'étaient déjà pas dans l'euro, et donc nous avons l'habitude de cette situation", a-t-elle expliqué, se disant, malgré tout, "très satisfaite du résultat" "car il n'était pas question de faire des compromis insuffisants et nous y sommes parvenus".
La presse européenne était loin de partager son enthousiasme, notamment celle des PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Irlande).
Pour la presse italienne, l’Union européenne est déchirée en raison de l’intransigeance du premier ministre britannique qui privilégie les intérêts de son pays. La presse transalpine souligne que c'est Nicolas Sarkozy qui accuse Londres d’être à l’origine d’une Europe à deux vitesses. "La nouvelle Europe : pacte budgétaire à 26. Le Royaume-Uni isolé" titre le quotidien milanais Il Corriere della Sera. Son de cloche identique du coté du quotidien romain La Repubblica: "Union fiscale à 26. Non de Londres qui reste en dehors".
"Plus personne ne donne 1 euro pour l’Europe"
Pour le quotidien portugais Pùblico, l'alignement de la France sur l'Allemagne est évident. En témoigne en Une, la photo de Merkel au premier plan, Nicolas Sarkozy à ses cotés, José Manuel Durao Barroso et le premier ministre portugais Pedro Passos Coelho en retrait. Le Público précise que le Parti Socialiste (dans l’opposition) s’opposera à une réforme constitutionnelle rendue obligatoire pour approuver le traité.
"L’Europe va aider les banques à faciliter les prêts", titre, pour sa part avec optimisme, le quotidien Diario de Noticias. A côté d’une horloge en forme de pièce de 1 euro géante pour symboliser la course contre la montre pour sauver l’euro, le quotidien "I" affiche son pessimisme : "les leaders européens sont divisés sur les solutions pour sortir de la crise". "I", connu pour ses couvertures osées, affiche une tête de mort: "Crise, plus personne ne donne 1 euro pour l’Europe"
Quant aux quotidiens grecs, ils voient l'avenir de l'Europe en noir. "Thriller sur l’UE et peurs pour la Grèce" pour l'un, "Acrobaties dangereuses sur le fil … de l’euro" pour Ethnos, "Accord sur l’euro-austérité" pour Ta Nea.
Il est vrai que la situation économique ne s'améliore pas vraiment: le PIB grec s'est, de nouveau contracté de 5% au troisième trimestre 2011, après 7,4% pour le deuxième et 8,3% pour le premier. Et l'aide pour mettre fin à cette spirale sécessionniste ne viendra pas de Bruxelles. Si les Grecs avaient encore un espoir, ils ne l'ont plus après ce sommet.