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La City si chère à Cameron

vendredi, 9 décembre, 2011 - 17:07

David Cameron a rejeté l'accord sur le renforcement de la discipline budgétaire conclu à Bruxelles, de peur d'une réglementation plus stricte du secteur financier. Pour le premier ministre britannique, les "intérêts britanniques" et ceux de la "City" vont toujours de pair.

Le Royaume-Uni s’est écarté un peu plus de son continent. Après avoir obtenu en 1991 d’être intégré au traité de Maastricht sans être lié à son chapitre social et sans adopter l’euro, pour la première fois depuis son entrée dans l’Union Européenne en 1973, Londres ne signera pas un traité européen majeur.

Son premier ministre, David Cameron est resté très vague dans ses explications:

Si vous ne pouvez pas obtenir des garde-fou à l'intérieur du traité, il vaut mieux rester en dehors (..) C’était une décision difficile mais c’était la bonne. 

Eurosceptique affirmé, le leader conservateur joue aujourd’hui, et pour le plus grand bonheur des parlementaires eurosceptiques de son parti, sur la corde nationaliste des Anglais et se place en sauveteur de l’autonomie britannique vis-à-vis des envahisseurs bruxellois. Un peu comme si le Royaume-Uni devait, une fois de plus, se protéger des aspirations impérialistes françaises et allemandes.

Soutien indéfectible

La véritable raison du veto britannique se situe pourtant ailleurs. Nicolas Sarkozy l’a clairement souligné:

Pour accepter une réforme des traités à vingt-sept, David Cameron a demandé, ce que nous avons considéré tous comme inacceptable, un protocole dans le traité permettant d’exonérer le Royaume-Uni d’un certain nombre de réglementations sur les services financiers.

Le recul de son homologue britannique est, en effet, dû à sa volonté de protéger le secteur financier londonien. Il refuse aujourd’hui officiellement de l'admettre, car la City est plus impopulaire que jamais alors que les Britanniques commencent à souffrir sévèrement des mesures d’austérité imposées à la suite des dérapages de ces même financiers.

Le soutien indéfectible des dirigeants politiques à la City remonte à l’arrivée au pouvoir de Margaret Thatcher en 1979. Elle lance le développement de l’industrie des services aux dépends de la manufacture, de l’industrie lourde et des mines, considérés comme obsolètes par la Dame de fer: leur productivité n’était pas optimale, les syndicats y étaient trop présents et les retours financiers pas assez importants. Elle met notamment en avant la finance, décision qui aboutit le 27 octobre 1986 à la libéralisation totale du secteur.

8% du PIB

Alors que la désindustrialisation du pays se poursuit avec ses successeurs, conservateurs comme travaillistes, la City prend donc son envol. A la fin 2010, 14% des actifs des hedge funds mondiaux étaient gérés depuis Londres, dont 70% des actifs des fonds européens, et la part londonienne des échanges mondiaux de dérivés de gré à gré a atteint 46% (contre 27% en 1995).

Le secteur a réalisé 35 milliards de livres de profits en 2010 contre 15 milliards en 2000. Des chiffres importants, même si l’industrie et le gouvernement rêvent encore du record de 2008: 46 milliards. Au final, selon différentes analyses, les activités financières de Londres contribuent à hauteur de 8% du produit intérieur brut national et emploient 1,1 million de personnes (contre 308.000 fin 2003).

"L'importance de la City n’a pas changé depuis le XIXe siècle"

A ce poids économique important, se rajoute celui du lobby financier. Il exerce une influence majeure au sein de la classe politique. Le ministre de l’Europe, David Lidington, indiquait ainsi dans un discours adressé aux financiers britanniques le 25 mai dernier que "l’importance de la City n’a pas changé" depuis la deuxième partie du XIXe siècle, époque où la famille Rothschild et consort faisait la pluie et le beau temps dans le pays.

Il leur lançait ainsi un appel

à faire faire du lobbying avec un message cohérent en phase avec ceux du gouvernement et de l’industrie (..) Lors des mois à venir, tandis que l’Union Européenne travaille sur un ensemble de régulations des services financiers, notre défi est de nous assurer que nous obtenions ce dont nous avons besoin."

Une drôle de vision de l’Europe qui en dit long sur les motivations du gouvernement de David Cameron et sur le poids de la finance: malgré la crise, la City règne toujours sur le Royaume-Uni.




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