Alors qu'un nombre croissant de Hongrois imaginent leur futur à l’étranger, une loi en préparation prévoit d'obliger les jeunes diplômés à travailler en Hongrie, sauf s'ils remboursent leurs frais de scolarité. Une vidéos étonnante, signée du ministère des ressources nationales, met en scène les bonnes raisons de ne pas quitter le pays. Kitsch et inefficace.
A son arrivée au pouvoir, le gouvernement de Viktor Orban s’était fixé comme objectif – parmi d’autres – de redonner aux jeunes l’amour de leur pays. Il y travaille dur. Dans cette vidéo, il vise directement une prétendue "Uj nemzedék" (nouvelle génération): c’est l’histoire d’un garçon et d’une fille qui tombent amoureux et renoncent à leur projet d’émigrer car ils se rendent compte que leur propre pays a tout à leur offrir: l’amour, le foyer, la famille, les soirées, les drames. La vie quoi.
Moins prosaïquement, la loi sur l’éducation supérieure en cours de préparation pourrait entraver les possibilités de départ des jeunes diplômés en les contraignant à travailler plusieurs années en Hongrie après l’obtention de leur diplôme, sans quoi ils se verraient dans l’obligation de rembourser à l’Etat leurs frais de scolarité. Comme ça, même si les jeunes n’aiment pas plus leur pays après cette vidéo, ils resteront quand même "à la maison".
A lire les commentaires des internautes qui accompagnent cette vidéo – qui vont de l’ironie au dégoût total en passant par le sarcasme et le mépris – le succès de l’opération paraît pour le moins incertain. Par exemple celui de happylife350:
J’attends surtout le 2ème épisode dans lequel on leur prend leur appartement parce qu’ils sont incapables de rembourser leur crédit, où ils commencent à s’engueuler à cause de problèmes d’argent et où le mec devient agressif et commence à boire du vin 1er prix.
Un vulgaire plagiat ?
Décidément les autorités hongroises ont un certain talent pour ce type de com’ légèrement décalée… voire complètement à côté de la plaque. Il suffit de remonter quelques semaines en arrière avec la vidéo de promotion du recensement en ligne. Et c’est sans parler du vidéo clip du parti Jesz où un ado sur le point de se suicider rencontre l’amour en allant voter.
En fait, c’est le site Hirszerzö qui a vu juste: si ce n’est un plagiat total et ridicule, la vidéo ressemble, en tout cas, étrangement à une vidéo australienne réalisée par l’association indépendante GetUp pour promouvoir, tenez-vous bien … le mariage homosexuel ! Très très ironique si l’on pense que ce sont probablement les chrétiens-démocrates du KDNP derrière l’initiative "Minden Ideköt", ceux-là même qui s’acharnent à verrouiller toute possibilité future de mariage homosexuel en Hongrie.
La Hongrie, un pays "fini" !
A la rentrée scolaire 2010, une étude avait montré qu’un grand nombre de jeunes hongrois imaginaient leur futur à l’étranger. Un tiers des lycéens avait d’ores et déjà décidé de quitter le pays pour trouver du travail et une vie meilleure, et un autre tiers hésitait à faire de même.
C’était au moment même où le pays passait sous la barre très symbolique des 10 millions d’habitants, une véritable tragédie nationale pour les conservateurs et les chrétiens-démocrates en coalition avec le parti d’Orban. Le journal Magyar Nemzet n’avait pu manquer de faire la corrélation.
Quand les jeunes prêts à fonder une famille estiment qu’ils n’ont aucun espoir d’assurer leur existence sur le sol de leurs ancêtres et qu’ils sont contraints de quitter leur patrie, alors c’en est fini du pays qui assiste à cela les bras croisés,
écrivait sa journaliste Matild Torok, avec le ton dramatique qu’il est de rigueur d’adopter dès lors qu’il est question de la nation hongroise.
L’Union Européenne […] qui tolère que, dans ce pays branché sur la pompe aux taux d’intérêt, des foules travaillent comme des forçats pour un salaire ne couvrant même pas les besoins les plus élémentaires, ne vaut pas grand chose. […] L’élite politique de Bruxelles comme de Budapest peut être fière qu’en l’espace de vingt ans, en plus de la privatisation, de la libéralisation, de la suppression des taxes douanières prohibitives […] nous nous retrouvions à exporter aux Etats de l’UE des tensions salariales et sociales plutôt que des produits hongrois compétitifs et bon marché.
C’était il y a plus d’un an, mais l’on peut parier que la journaliste ne renie pas ces propos aujourd’hui…
Cet article a été publié initiallement sur le site Hu-lala, sous le titre La Hongrie, tu l'aimes… ou tu l'aimes.