Syndicate content

Guéguerre franco-britannique: « nos électeurs vont adorer »

lundi, 19 décembre, 2011 - 18:10

Les britanniques veulent calmer le jeu après les attaques assassines du gouvernement français. Pour le maire de Londres, Sarkozy et Cameron jouent à la guerre des mots en estimant que c'est électoralement payant.

C’est la guéguerre. Les dirigeants français et britanniques se tirent dessus à coup de petites phases perfides depuis la fin de la semaine dernière. Tout a (mal) commencé par un entretien du gouverneur de la banque de France Christian Noyer publié jeudi dernier par le Télégramme de Brest :

La possible dégradation de la France ne me paraît pas justifiée au regard des fondamentaux économiques. Ou alors, il faudrait qu'elles [les agences de notation, ndlr] commencent par dégrader le Royaume-Uni qui a plus de déficits, autant de dettes, plus d’inflation, moins de croissance que nous et dont le crédit s’effondre".

Et paf dans les dents! Dénonce ton voisin en espérant que la foudre tombera chez lui. Surprenant de la part d'un gouverneur de banque centrale, censé faire preuve d'un droit de réserve et d'une sérénité inébranlable… "Zénitude" devenue, il vrai, chose rare en ces temps de crise.

"On n'a pas de leçons à donner, mais…"

Dans la foulée, le Premier Ministre français François Fillon, estime (depuis le Brésil !) que "nos amis britanniques ont un déficit et une dette plus élevés, et je dirais que les agences de notation ne l’ont pas encore reconnu".

Mais la palme revient sans contestation au ministre de l’économie François Baroin, qui se venge alors peut-être de son incapacité à aligner trois mois d’anglais: vendredi, il affirme: "on préfère être Français que Britannique en ce moment. On n’a pas de leçons à donner, mais on n’a pas de leçons à recevoir. La situation économique de la Grande-Bretagne est aujourd'hui très préoccupante".

Londres moins endetté que Paris

L'exemple venant souvent d'en haut, ce mitraillage en règle de la Perfide Albion faisait suite aux déclarations de Nicolas Sarkozy dans la foulée du dernier sommet européen qui avait vu le Royaume Uni s'abstenir d'avaliser l'accord sur la rigueur budgétaire. Pour le locataire de l'Elysée, le Premier Ministre britannique David Cameron "s’est comporté comme un gamin buté, avec une seule obsession : protéger la City, qui veut continuer à se comporter comme une place offshore".

Pourtant, à y regarder de plus près, tel n’est pas vraiment le cas. En septembre 2011, la dette britannique s’élevait à 62,3% du PIB, soit bien en dessous de l’équivalent français (86,2% à la fin juin). En revanche, le déficit public devrait se situer pour l’année 2011-2012 (les comptes publics sont calculés au Royaume-Uni d’avril à avril) autour de 10% du PIB après 11,7% en 2010-2011, contre 5,7% à la France.

Nick Clegg, le très europhile vice-Premier Ministre britannique, aurait indiqué avec un flegme so british à François Fillon que "les récentes remarques de membres du gouvernement français sur l’économie britannique étaient simplement inacceptables et que des mesures devaient être prises pour calmer la rhétorique". Mais interviewé dimanche par Sky News, il a lancé un appel à la fin des hostilités: "Nous devons calmer le jeu".

"J’en ai une plus grosse que la tienne"

La presse britannique n'a pas les mêmes pudeurs sémantiques. The Guardian dénonce des arguments du type "j’en ai une plus grosse que la tienne". Le tabloïd The Sun indique que "Monsieur Noyer, vous êtes un imbécile noté AAA".

Le Times, conservateur, lui rappelle que "ce n'est pas le rôle du gouverneur d'une banque centrale d’encourager l’abaissement de la note d’un autre pays", avant que le Financial Times rappelle que "leur agacement (du gouvernement français) a été exalté par les récentes déclarations de Georges Osborne (le ministre de Finances – NDLR), qui comparait la situation de la France à celle de la Grèce".

"Nos électeurs vont adorer !"

Dans un commentaire publié lundi dans The Daily Telegraph, populiste et eurosceptique, le maire de Londres Boris Johnson met pourtant tout le monde d’accord. Sous le titre "Les grenouilles nous aiment, elles bondissent seulement contre l’Allemagne". Et d'expliquer:

Regardez les sondages. Tout le monde penserait que Nicolas Sarkozy et David Cameron ont entamé la réunion par une rencontre secrète, lors de laquelle ils se sont entendus pour faire grimper leurs niveaux dans les sondages. Je te tape dessus si tu me tapes dessus ! Nos électeurs vont adorer !"

Avant d’énumérer les dizaines de raisons qui lient "les rosbifs et les grenouilles". En fait,

les Français sont très déçus par l’Allemagne (en raison de sa gestion de la crise, ndlr) ; et il est une règle d’or en politique européenne qui veut que quand la France est en colère avec l’Allemagne, le Royaume-Uni est critiqué".

Elémentaire, mon cher Watson ! 


Pays