Les Anglais sont les Européens les plus obèses. Le gouvernement a décidé de s’attaquer au problème, sans trop savoir comment s’y prendre.
On commence par faire bouillir quelques brocolis dans un fond d’eau. On mélange le contenu d’une boîte de soupe de champignons densifiée avec de la mayonnaise et de la crème. J’ai bien peur que ce ne soit pas une recette allégée mais ce n’est pas grave car on maigrira après Noël, n’est-ce pas ?".
Jane, accompagnée de plusieurs acolytes cuisinières, explique dans l’émission "Les super économes, édition spéciale Noël", diffusée à 20h sur la chaîne de télévision nationale Channel 4, comment recycler les restes de la dinde prévue pour les fêtes.
"Ensuite, on hache la croûte du pain de mie, que l’on mélange à du cheddar, avec un peu de citron. Il ne reste plus qu’à placer les brocolis au fond du plat, la sauce, puis le pain au fromage par dessus et hop, vingt minutes au four !" Un "plat familial délicieux" indique sans la moindre ironie l'animatrice…
L'austérité, sauf dans l'assiette
Alors qu’en pleine austérité, le Premier ministre sert la ceinture des Britanniques, leur tour de taille résiste. Notamment chez les enfants puisqu’une enquête du ministère de la santé réalisée en 2009 établit que 14,4% des petits Britanniques (2-10 ans) en surpoids sont d’obèses.
Une enquête Foresight publiée en deux ans plus tôt par le ministère à l’innovation et aux aptitudes commerciales estimait que 60% des hommes, 50% des femmes et 25% des enfants seront obèses en 2050 si aucune action n’est prise par les autorités.
Source: Eurostat
Sur le continent, l’île joue hors catégorie. Le Royaume-Uni détient le record européen d’obésité en pourcentage de sa population. Les femmes adultes sont les plus touchées. Selon Eurostat, 23,9% d’entre-elles sont obèses, loin devant les Allemandes (15,6), les Espagnoles (14,4) ou les très sveltes Françaises (12,7) et Italiennes (9,3).
Où est Charlie…
Chez les hommes, avec 22% d’obèses, le Royaume-Uni écrase aussi ses concurrents. Seuls les Hongrois s’en approchent (21,4%), alors que la majorité des pays européens comptent entre 11 et 17% d’hommes obèses.
Le pourcentage d'hommes obèses est particulièrement élevé (…) au Royaume-Uni dans le groupe d'âge 45-64 ans"
relève l'office statistique de l'UE.
Les conséquences sont parfois étonnantes. Une étude publiée par LighterLife dévoile qu’un Britannique sur dix ne voit plus son pénis, la faute aux kilos en trop. La même étude, menée en 2010, estime que chaque obèse coute quelque £65 164 (78 000€) par an au NHS, le système de santé.
Carte: Florian Tixier (NB. Ne fonctionne pas sur le navigateur Google Chrome)
Une addition salée : 60 milliards d'euros en 2050 ?
Du coup, le gouvernement britannique a décidé de placer la guerre à l’obésité au sommet de ses priorités, au même titre que la lutte contre la consommation d’alcool et de cigarettes. "Franchement, avons-nous un problème avec le niveau d’obésité ? Oui" a affirmé le Premier Ministre David Cameron cet automne.
"Avons-nous des signaux annonçant ce qui arrivera si nous ne faisons rien – il suffit de regarder les États-Unis ? Oui !". Le responsable conservateur s’inquiète des conséquences directes : "le coût pour le système de santé, et des gens qui vivront moins longtemps que leurs parents."
Actuellement, l’obésité serait liée à 10% des décès suite à un cancer chez les non-fumeurs, et les obèses "sévères" posséderaient une espérance de vie inférieure de onze ans à celle d’une personne en bonne santé.
Quand l'école rend gros…
Les coûts immédiats pour le système de santé sont actuellement évalués à £4,2 milliards (5 milliards d’euros) et pourraient doubler d’ici à 2050. Enfin, les analystes de Foresight évaluent l’ensemble des coûts liés au sur-poids (absence du travail pour maladie, par exemple) à £16 milliards (19 milliards d'€). Un chiffre qui pourrait atteindre les £50 milliards (60 milliards d'€) en 2050.
Face à cette réalité, le gouvernement envisage la mise en place, comme au Danemark, d’une "taxe sur le gras" pour les produits contenant plus de 2,3% de graisse saturée. Autre levier : s’assurer que les enfants mangent correctement à l’école.
Car l’école fait grossir les jeunes Britanniques. Selon de récentes statistiques, pour l’année 2010, alors que moins de 10% des enfants entraient à l’école primaire obèses, ils sont près de 20% à la sortie.
Dans le colimateur : le gras, le sucre, … et le bureau
Tant qu’aucune législation ou régulation n’est mise en place sur la quantité de gras, de sucre et de sel utilisés dans la nourriture préparée, nous ne verrons pas la fin de l’obésité",
suggère Tam Fry, du Forum national sur l’obésité.
Le professeur Peter Scarborough, spécialiste de la question, pense quant à lui que les causes sont multiples, et notamment "le fait que les hommes passent plus de temps au travail assis à leur bureau : les carrières manuelles sont bien moins communes qu’avant !"
L’amélioration de l’alimentation des Anglais passe néanmoins par une hausse de leur niveau de vie, qui seule leur permettra de changer leurs habitudes. Au regard des mesures d’austérité prises par le gouvernement, le chemin vers une baisse de l’obésité s’annonce bien tortueux.