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« Cocktail de la mort »: l’Europe ne sera plus complice des Etats-Unis

mercredi, 21 décembre, 2011 - 11:39

L'Europe a-t-elle trouvé l'arme fatale contre la peine de mort? Alors que la pénurie de thiopental - un anesthésiant utilisé aux États-Unis pour les injections létales - a déjà conduit au report de plusieurs exécutions, les entreprises européenne ne pourront désormais plus en exporter.

La Californie ne devrait exécuter aucun condamné à mort avant au moins 2013. Pas pour des raisons morales, bien que la sentence capitale n'y soit plus appliquée depuis janvier 2006, mais en raison de problèmes… d'approvisionnement en Thiopental, un anesthésiant utilisé dans les injections létales. Dans le maryland, les exécutions sont également suspendues.

Le US Death Penalty Information Center rapporte que des exécutions ont déjà été repoussées, ou même annulées, dans cinq Etats sur les 34 qui pratiquent toujours la peine de mort. La pénurie de Thiopental – qui n'est plus produit aux Etats-Unis depuis le début de l'année – est telle qu'elle explique en partie la baisse du nombre d'exécutions: 43 en 2011, contre 46 l'année précédente.

Pour les Etats au bord de la rupture de stock, se fournir en thiopental va devenir encore plus compliqué. L'Union européenne, qui a officiellement demandé l'abolition de la peine de mort dans le monde en 2008, vient de passer aux actes. Les contrôles pour l'exportation de huit médicaments susceptibles d'entrer dans la composition des injections légales sont désormais renforcés de façon drastique, au point que les entreprises pharmaceutiques devront fournir l'assurance que leur produit ne servira pas à un usage autre que médical.

"La Commission européenne a décidé aujourd'hui [le 20 décembre 2011 ]d'étendre la liste des marchandises soumises à des contrôles d'exportation, afin d'empêcher leur utilisation pour la peine capitale, la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. En date d'aujourd'hui, le commerce de certains anesthésiants, tels que le thiopental de sodium, qui peuvent être utilisés dans les injections létales, dans les pays qui n'ont pas encore aboli la peine de mort, sera étroitement contrôlé",

avertit la Commission européenne dans un communiqué.

Un produit utilisé pour euthanasier les chiens

Plus connu sous le nom de Penthotal, et pour son utilisation comme "serum de vérité", le thiopental permet d'endormir les condamnés à mort avant de leur injecter un 2ème produit qui paralyse les muscles puis une 3ème substance destinée à stopper la respiration.

Faute de Thiopental, les 32 dernières exécutions recensées aux Etats-Unis ont été pratiqué avec un autre produit, le pentobarbital –  couramment utilisé pour euthanasier les chiens. Alors même que l'entreprise danoise Lundbeck, Inc, seul fabricant agrée aux Etats-Unis, a formellement condamné l'utilisation de ce barbiturique dans les "cocktails de la mort".

Le pentobarbital a également été placé par la Commission européenne sur la liste des barbituriques dont les exportations seront mieux contrôlées.

"Nous serons bientôt icapables d'exécuter !"

Les difficultés d'approvisionnement ont commencé le 21 janvier 2011, l'entreprise Hospira, seul fabricant américain agréé par la Food and Drug Administration (FDA), a annoncé l'arrêt définitif de sa production. L'image de l'entreprise souffrait un peu de l'usage du produit dans les injections létales.

Quelques jours plus tard, 13 Etats américains envoyaient une lettre au département de la Justice pour lui demander de les aider à se procurer du thiopental:

Dans les administrations où le médicament est encore disponible, les stocks sont très faibles – une poignée de doses. Le résultat est que de nombreuses juridictions seront bientôt incapables d'accomplir les exécutions dans les cas où les recours ont été épuisés et où les gouverneurs ont signé les arrêt de mort (…) C'est pourquoi nous sollicitons votre aide dans l'identification d'une source appropriée de thiopental ou pour que le gouvernement fédéral mette ses produits à la disposition des États.

Les entrerprises ne veulent plus être complices

Depuis, sous la pression d'ONG et face au refus de plusieurs pays européens de venir en aide à l'administration pénitentiaire américaine, les sources d'approvisionnement en thiopental se font rares. Les portes se ferment les unes après les autres.

Au mois de janvier toujours, Philipp Rösler, alors ministre allemand de la Santé, avait été sollicité par le secrétaire d'Etat américain au commerce. Le patron du parti libéral allemand (FDP) a non seulement refusé mais aussi demandé aux fabricants de Thiopental de ne plus fournir les États-Unis.

En mai 2011, l'American Civil Liberties Union (ACLU) obtient des documents fédéraux qui prouvent qu'au moins 10 états américains ont commandé du thiopental à un grossiste en médicament de Londres – Dream Pharma Ltd – opérant dans un petit bureau à l'arrière d'une auto-école. A la suite de ces révélations, la Grande-Bretagne légifère à son tour: non seulement, les autorités britanniques écrivant à l'administration de Barack Obama pour lui demandé de cesser d'importer des substances entrant dans la composition des injections létales, mais Londres redoublé son opposition en interdisant formellement aux entreprises du pays de fournir ce type de "médicaments".

En février, la firme suisse Novartis qu'il prenait daurénavant des précautions pour éviter que sa version "générique" du thiopental ne soit exportée vers les Etats-Unis. En Avril, le fabricant indien Kayem pharmaceutical se retranche derrière "l'éthique de l'indouisme" pour suspendre à son tour les livraisons à l'administration pénitentiaire.

Voies détournées

Pour reconstituer ses stocks de thiopental, le Nebraska a choisi de s'en procurer par des voies détournées, si ce n'est illégales. L'entreprise pharmaceutique suisse Naari AG lui demandant expressément de ne pas utiliser son produit à des fins mortelles.

Dans une lettre envoyéele 18 novembre à la Cour suprême du Nebraska,et révéle par The Lincoln Journal Star, Prithi Kochhar, le PDG de Naari, a déclaré que son entreprise n'a pas fourni le médicament à l'Etat et n'autoriserait jamais son utilisation à des fins mortelles.

Je suis choqué et consterné parces nouvelles (…) Je vous écris pour demander que lethiopental, qui a été injustementdétournéau départementdes Services correctionnelsdu Nebraska, soit renvoyé immédiatementà ses propriétaires légitimes, c'est-à-dire à Naari.

Voilà ce qui s'est passé, selon l'entreprise suisse et Reprieve, l'ONG qui a levé le lièvre: Naari a donné des échantillons gratuits du médicament, produit dans son usine indienne, à un intermédiaire indien qui prétendait vouloir les utiliser et, éventuellement, les vendre comme anesthésique en Zambie. Au lieu de cela, l'intermédiaire a vendu les échantillons pour 5 411 dollars aux fonctionnaires du Nebraska.

C'est la deuxième fois le Nebraska se fournit en Inde. En Janvier 2011 déjà, le Département d'État des Services correctionnels avait annoncé avoir obtenu 500 grammes de thiopental de sodium par le biais d'une autre société indienne, Kayem pharmaceutical pvt. Ldt., ouvrant la voie à la première exécution par injection létale au Nebraska.


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