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Le plan de Londres pour évacuer les « réfugiés » de la crise bancaire

jeudi, 22 décembre, 2011 - 12:09

Les autorités anglaises anticipent l'effondrement du système bancaire en Espagne et au Portugal, qui laisserait sans le sous et sans maison de milliers de Britanniques, incapables de rentrer au pays. Un plan d'urgence pour leur porter secours est prévu.

Opération "évacuation". Des navires de la Royal Navy patrouillant le long des côtes, des avions et des cars affrétés en urgence, des lignes de crédit débloquées pour parer au plus pressé. Un scénario catastrophe digne d'une crise humanitaire ou d'un conflit armé. Imaginé par le Foreign Office, le plan de Londres concerne les ressortissants britanniques expatriés en Espagne et au Portugal si le système bancaire de ces pays s'effondre.

Nous avons déjà fait des choses similaires en 2006 au Liban (…) Plus récemment, des navires avaient été envoyés pour rapatrier d’urgence des touristes coincés sur la péninsule ibérique après le blocage de l’espace aérien européen suite à l’irruption du volcan islandais Eyjafjallajokull au printemps 2010,

explique, sous couvert de l'anonymat, un fonctionnaire du ministère des affaires étrangères cité par le Sunday Times.

Les autorités ont reconnu se "préparer des plans pour toute une gamme de scénarios possibles". Dont les plus pessimistes.

Banques dégradées

Les craintes londoniennes ne sont pas totalement nouvelles. Fin novembre déjà, le Foreign Office avait prévenu ses ambassades et ses consulats européens de l’éventualité d’émeutes en cas de chute de l’euro. Ils devaient donc mettre en place des plans d’évacuation de leurs ressortissants. Comme en pleine zone de guerre.

Des craintes réactivées par la dégradation de la note de 10 banques espagnoles.

Nous n’avons pas l’intention de focaliser notre plan d’évacuation sur l’Espagne et le Portugal,

a tenté de rectifier le Foreign office cité par l’agence de presse portugaise Lusa. "Nous avons bien un plan d’évacuation pour toutes sortes de situations et pour les pays de la zone euro", a-t-il confirmé. Tout en cherchant à minimiser les révélations des journaux britanniques qui manqueraient de précisions et de sources fiables.

Explosion de la bulle immobilière

Attirés par le soleil, un coût de la vie moindre qu'au Royaume-Uni et des prix immobiliers relativement attractifs, près d’un million de Britanniques résident sur les côtes espagnoles (même si seuls 229.000 étaient enregistrés auprès de l'ambassade en 2010), et environ 50 à 60.000 au Portugal.

La dépréciation de 30% de la livre sterling par rapport à l’euro en 2008 avait déjà fait subir un choc sérieux à ces émigrés volontaires qui avaient souvent dépensé la partie majeure de leurs économies dans l’acquisition à crédit d’un appartement ou d’une maison dans leur pays d’adoption. Même si la devise a depuis regagné un tiers du terrain perdu, la valeur de leurs actifs a bien souvent plongé avec l’explosion de la bulle immobilière. Ils sont ainsi, comme beaucoup d'Espagnols, contraints de rembourser un crédit pour un bien qui a perdu une bonne partie de sa valeur.

Traitement de faveur pour les expatriés

Un effondrement des banques seraient, pour eux, le coup de grâce. Or, les autorités anglaises s’inquiètent aujourd'hui fortement de la santé financière des banques espagnoles. Londres voudrait s’assurer qu’en cas de faillite elles ne demanderont pas aux Britanniques détenteurs de crédits immobiliers de les rembourser immédiatement: avec la chute des prix de l’immobilier, ils seraient dans l’impossibilité de faire face et perdraient leur logement et seraient ruinés.

Certes, le Portugal comme l’Espagne disposent d’un système de dépôt de garantie, qui assure aux clients d’une banque de récupérer au moins 100.000 euros de leur avoirs en cas de faillite. Mais dans ce genre de situation, "les banques limitent les retraits d’argent pour empêcher les gens de retirer leur argent et de quitter le pays", assure au Sunday Times la source anonyme du ministère des affaires étrangères.

Le pire scénario serait donc d’avoir des milliers de Britanniques coincés dans les aéroports d’Espagne et du Portugal sans possibilité de récupérer de l’argent des guichets automatiques et donc de rentrer chez eux. Qui serait critiqué pour ça ? Le ministère des affaires étrangères. Nous regardons donc aux moyens de les évacuer et de leur apporter de l’argent en liquide.

"Mauvaise blague" ?

Au Portugal, on se veut, du moins officiellment, serein. On ne veut pas croire au débarquement d'une grande armada version britannique. Si la nouvelle du plan britannique n'a suscité aucune déclaration au plus haut niveau de l'Etat. Seuls des députés ou des leaders de partis, ont fait part surtout de leur incrédulité.

Les télévisons qui ont des antennes locales en Algarve – une région ensoleillée à l’extrême sud du pays où la plupart des ressortissant anglais se sont installées – ont interrogé quelques immigrés britanniques. Aucun ne s’est montré plus préoccupé que ce que l’on est en droit d’attendre dans un pays en proie à des difficultés économiques.

En Espagne, l'affaire a surtout été accueillie par un silence assourdissant. Deux exceptions. "Cela a tout l’air d’un film d’horreur mais ce doit être pris au sérieux", estime El Mundo qui parle du scénario qui "a sonné l’alarme dans toute notre communauté britannique, à Marbella et Malaga surtout". Le site internet Capital Madrid publie un article sur le plan d’évacuation dans lequel l’auteur dénonce une "fuite plus que calculée" de la presse britannique ainsi que les "blagues de mauvais goût et les déclarations politiques irresponsables".

Le journaliste précise aussi que la volonté des Anglais de forcer les banques espagnoles à ne pas bloquer les comptes des résidents britanniques en cas de banqueroute généralisée supposerait "une ingérance dans les affaires internes de l’Espagne".


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