Pour le Premier ministre portugais le salut est dans l’émigration. Pedro Passos Coelho recommande aux professeurs sans emploi... d’aller voir en Angola ou au Brésil si l'herbe est plus verte.
Le Premier ministre a bien essayé de s’amender, mais le remède s’est révélé pire que le mal. Pedro Passos Coelho a provoqué une vive indignation au Portugal après avoir suggéré aux professeurs sans emploi de se rendre en Angola et au Brésil, "pays qui a de grands besoins au niveau de l’éducation primaire et secondaire".
Interrogé sur ces questions par le quotidien Correio da Manha, le chef du gouvernement a précisé sa pensée:
Notre situation démographique recule (…) Dans les prochaines années, beaucoup de [professeurs] devront choisir entre deux options. Soit se spécialiser […] soit rester fidèle à l'enseignement et se tourner vers le marché de langue portugaise, où ils pourront trouver d'autres possibilités d'emplois.
Un constat en forme d'évidence pour Pedro Passos Coelho qui, une semaine plus tôt, déclarait:
Nous savons qu'il existe actuellement de nombreux enseignants au Portugal qui n'ont pas d'emploi. Or, le secteur privé n'a pas assez de postes vacants pour les intégrer".
"Émigre toi-même"
Au mois d'octobre déjà, le Pôle emploi portugais (IEFP) avait envoyé à de jeunes travailleurs qualifiés des lettres contenant des informations sur "offres d'emploi dans d'autres Etats européens."
Le site Theportugalnews rapporte que, dans certains centres de l'IEFP, le message adressé aux demandeurs d'emplois convoqués le message était:
La situation au Portugal est très difficile, il est donc préférable de chercher du travail dans un autre pays européen".
Sans pour autant que des offres concrètes ne leur soit proposé.
Les réactions hostiles au premier ministre n’ont pas tardé à fuser. Les professeurs sont allés crier sous les fenêtres de la résidence officielle du Premier ministre de colériques "Émigre toi-même". Ils n’étaient qu’une poignée, mais la formule fait un tabac, reprise sur les réseaux sociaux et dans les journaux.
"Incident collateral"
La "lettre au Premier ministre" d’une jeune femme qui envisage d’émigrer car elle ne peut plus s’en sortir a été partagé des milliers de fois sur Facebook: elle aussi recommande au gouvernement "d’aller voir ailleurs".
Dans une tentative de minimiser l’incident, Pedro Passos Coelho s’est montré à nouveau maladroit. Se justifiant, et reprochant à ses détracteurs de donner plus d'importance que nécessaire à ces déclarations, le chef du gouvernement a parlé d’"incident collatéral", qui distrait de l’essentiel, à savoir le travail accompli pour remédier à la crise. Une simple question de détail, donc…
Venu à la rescousse, l’eurodéputé Paulo Rangel, membre du parti au pouvoir, a proposé la création d’une agence de l’immigration afin d’aider les candidats au départ. Une manière d’enfoncer le clou qui a, là encore, crispé l'opinion. Le parti socialiste, dans l’opposition, a accusé le chef du gouvernement "d'abandonner le Portugal".
Dans le camp gouvernemental, on reconnait que le Premier ministre a été maladroit. Les Portugais attendent plutôt des paroles d’encouragement, de soutien, quelques éléments pour espérer dans un flot d’annonces toutes plus négatives les unes que les autres.
Plus de 50 000 Portugais s'installent au Brésil en 2011
L’émigration en 2011 est déjà une réalité. Les spécialiste prévoient une accélération du flux migratoire vers les anciennes colonies portugaises en 2012. Selon les données du ministère des Affaires étrangères, au moins 10.000 Portugais ont quitté cette année leur pays, direction l'Angola – riche en pétrole. Au 31 octobre 2011, 97.616 personnes étaient inscrites dans les registres des consulats portugais à Luanda et Benguela, le double comparé à 2005.
Les Portugais se dirigent également vers d'autres anciennes colonies, comme le Mozambique et le Brésil. Selon les chiffres du gouvernement brésilien, le nombre de Portugais installés légalement a bondi de près de 276 000 en 2010 à 330.000.
Rappelons que la population du Portugal est inférieure à 10,6 millions d'habitants.
Lacunes scolaires
Quant à l’éducation nationale, l’attitude du chef du gouvernement a d’autant plus surpris que le Portugal souffre d’un déficit de formation. Selon un rapport du programme de développement des Nations-Unies (PNUD), la durée moyenne de la scolarité était en 2011 de 7,7 ans contre 10 en Italie et en Grèce et 12 en Allemagne pour les moins de 25 ans.
Ces derniers temps, les déplacements du Premier ministre et de certains membres de son gouvernement sont accompagnés de sifflets et de noms d’oiseaux. Un phénomène rare dans un pays respectueux. Signe des temps mauvais actuels ? L’avenir immédiat est lui sous le signe du pire.