Nouveau coup dur pour Angela Merkel. Le président de la République fédérale d'Allemagne, son fidèle allié, pourrait être contraint à la démission. Après avoir tenté d'intimider des journalistes pour étouffer une affaire trouble de prêt privé, Christian Wulff, est lâché par son propre camp.
L’étau se resserre autour de Christian Wulff. Le président de la République fédérale allemande est la cible depuis la veille de Noël de nombreuses critiques qui pourrait le contraindre à la démission dans les tous prochains jours.
Ce protégé d’Angela Merkel n’a certes qu’à un rôle honorifique: ses tâches se limitent à accréditer les diplomates étrangers et à signer les lois fédérales. Il peut aussi convoquer le Bundestag ou promulguer l’état de guerre en cas d’attaque du pays ce qui n’arrive – heureusement – pas tous les jours, mais sa mission est principalement de servir de caution morale pour toute la nation.
Un "job" plutôt relax pour un salaire annuel de 200.000 euros et une vie de pacha dans le Château de Bellevue à Berlin…
Moins blanc que blanc
En contrepartie, le président de la République doit être plus blanc que blanc et ne pas faire de vagues. Mais les Allemands découvrent que leur "monsieur propre" n’est pas aussi éclatant qu’ils pouvaient le penser. Pas moins de trois affaires viennent successivement d’entacher sa réputation.
La dernière en date est presque trop étonnante pour paraitre véridique. Et pourtant… Englué dans une sombre affaire de prêt, Christian Wulff est accusé d’avoir fait pression sur le principal quotidien populaire du pays, Bild, et sur le Welt am Sonntag pour empêcher la publication d’articles mettant en évidence ses liens pour le moins troubles avec un homme d’affaires.
Le 12 décembre dernier, à la veille de la parution de l’enquête qui a mis le feu aux poudres, le président a laissé un message sur le répondeur du rédacteur en chef de Bild, Kai Diekmann, en le menaçant de poursuites judiciaires si son journal lui "déclarait la guerre".
Mensonge devant le Parlement
Conscient d’avoir franchi la ligne blanche sur la liberté de la presse alors qu'il est censé en être le garant, le président Christian Wulff est parvenu un peu plus tard dans la journée à joindre au téléphone Kai Diekmann pour s’excuser pour ce message. Mais cet incident montre à quel point le chef de l’Etat n'est pas digne de sa fonction suprême.
La manière dont il a obtenu un prêt de 500.000 euros de la part de la femme d'un chef d'entreprise d'Osnabrück pour financer l’achat de sa maison est déjà assez équivoque. Mais le véritable problème auquel doit faire face le président allemand est qu’il a menti sur l’existence même de cette transaction devant des élus du peuple.
Face au Parlement régional de Basse-Saxe, un Etat qu’il présidait à l’époque, il a, en effet, juré en février 2010 qu’il n’entretenait aucune relation d’affaires avec l’entrepreneur Egon Geerkens alors que l’épouse de ce dernier venait à peine de lui prêter un demi-million d’euros.
Cette sale affaire semble avoir ouvert une boîte de Pandore sur les agissements financiers d'un homme supposé être la caution morale de la République fédérale.
Conflit d'intérêt ?
Le président est ainsi également soupçonné d'avoir obtenu de la banque régionale du Bade-Wurtemberg (BW) un prêt de 520.000 euros à des conditions avantageuses en remerciement de son rôle dans le sauvetage financier de Porsche en 2009. Le chef de l'Etat nie "tout conflit d’intérêt" dans ce dossier, mais voir celui qui était, au moment des faits, chef du gouvernement régional de Basse-Saxe et membre de ce fait du conseil d'administration de Volkswagen, la maison mère de Porsche, obtenir un crédit de la banque du fabricant de bolides de Stuttgart peut, pour le moins, prêter à confusion.
Last but not least, le président a déjà avoué qu’il avait accepté un surclassement gratuit de la classe économique à la classe affaire par Air Berlin pour des vacances avec son épouse. Face au scandale déclenché par cette petit faux pas, le politicien amateur de cadeaux avait été contraint de payer 3.000 euros pour surclassement.
Silence gêné dans son propre camp
Toutes ces affaires commencent à créer un véritable sentiment de malaise outre-Rhin. Pris séparément, ces faits "pourraient être considérés comme des maladresses, juge le Financial Times Deutschland, mais leur accumulation finit par dessiner un tout inquiétant et petit à petit impossible à assumer".
C'est déjà effarant qu'un chef d'Etat essaye d'intervenir auprès d'un rédacteur en chef pour empêcher un article défavorable de paraître. Que pour ce faire, il mette dans la balance des menaces de poursuites judiciaires est absurde. Qu'il le fasse sur un répondeur est d'une naïveté surprenante,
renchérit le Hamburger Abendblatt.
Le Süddeutsche Zeitung juge, pour sa part "atterrant (…) le mélange de naïveté et d'aplomb avec lequel Wulff a agi". La plupart des politiciens gardent un silence gêné sur ce dossier même si quelques critiques commencent à apparaître dans son propre camp.
Il doit quitter le Château de Bellevue et retourner dans sa maison comme un simple citoyen ordinaire. J’ai honte d’avoir voté pour lui lors de son élection,
juge le député libéral (FDP), Erwin Lotter.
Une épine dans le pied d'Angela
Le sort de Wulff est sans doute entre les mains de la chancelière Merkel, qui était parvenue à grand peine à le faire élire en juin 2010.
Un jour ou l'autre, la chancelière finira bien par faire froidement le calcul que le garder en poste lui cause, à elle et au pays, plus de dommages qu'une deuxième démission d'un président
juge le journal Weser-Kurier.
Fin mai 2010, le précédent président de la République, Horst Köhler, qui venait d'entamer son deuxième mandat de président, avait dû démissionner après une polémique médiatique sur une interview où il avait semblé justifier l'inntervention militaire en Afghanistan par la défense des intérêts économiques allemands.