Privé de l'essentiel de ses aides publiques, le quotidien Liberazione vient de suspendre sa parution. D'autres journaux d'opinion sont, eux-aussi, menacés de disparition.
"La presse d'opinion se meurt, le pluralisme est en danger", affirment, unanimes, les journalistes de "Liberazione" qui a suspendu sa parution le 1er janvier. Le quotidien est détenu à 100% par Refondation communiste l’héritier du vieux parti communiste italien. Analyse partagée par ceux de Il Manifesto autre journal d’inspiration communiste crée en 1969 par un groupe de dissidents et L’unità le quotidien fondé en 1924 par Antonio Gramsci. Sans oublier Avvenire, le quotidien populaire catholique, ou encore Il Riformista qui en est réduit à employer des journalistes sous contrats de solidarité pour réduire ses charges salariales.
Ces quotidiens sont à l'agonie depuis que les aides publique à la presse ont été considérablement réduites. Les coupes dans le budget 2012 prévoient une baisse drastique de 117 millions des subventions publiques à la presse (de 117 millions d'euros en 2011 à 53 millions cette année).
5000 exemplaires par jour
Pour protester, les journalistes de Liberazione occupent les locaux de la rédaction depuis le 28 décembre dernier. Tandis que les Italiens trinquaient dans les rues en admirant les feux d’artifice offerts par la municipalité romaine, les cinquante salariés du quotidien dormaient dans leurs sacs de couchage en attendant leur mise au chômage technique.
Durant les deux dernières années, le gouvernement Berlusconi a réduit notre enveloppe de 2,5 millions d’euros. En ce qui concerne l’année en cours, le nouveau gouvernement Monti a promis d’examiner le dossier, mais nous craignons que la crise pousse les technocrates à revoir de nouveau à la baisse l’aide qui nous est accordée"
explique Paolo Ferrero, secrétaire général de Refondation communiste et éditeur de Liberazione. Il met en avant les pertes quotidiennes enregistrées par le journal: 8000 euros. Et aussi, la baisse des ventes, le journal ne vendant plus que 5000 exemplaires par jour.
Un raisonnement que les journalistes refusent d’entendre. Ils estiment en coulisse que le parti a voulu jouer aux entrepreneurs sans en avoir les capacités professionnelles et économiques.
Au lieu d’interrompre la parution en kiosque, nous avons proposé à l’éditeur de distribuer quelques exemplaires pour éviter que la version papier soit enterrée définitivement et de développer le site. Cette solution nous aurait permis d’attendre la décision du gouvernement qui a promis d’examiner le dossier"
explique la journaliste Carla Cotti. Soit, mais qui aurait payé les salaires ?
Cercle vicieux
Saisi par l’ordre des journalistes, le président du Conseil italien Mario Monti a promis d'examiner le dossier. Durant sa conférence de presse de fin d’année, le chef du gouvernement a promis de débloquer "une partie des fonds, mais qu’il établira des critères d’attribution objectifs". En clair, les journaux devront prouver qu'ils peuvent redevenir viables pour obtenir l’aide de l’Etat.
C’est d’ailleurs le raisonnement tenu officieusement par certains professionnels de secteur qui accusent les quotidiens menacés de mort de ne pas avoir su "s’adapter à la marche du siècle". Le refrain est toujours le même : les sites ne sont pas assez développés, tout comme l’information par manque de plumes.
Soit, mais c'est un cercle vicieux. Pour financer le développement des sites, recruter des journalistes et relancer les ventes, la presse a besoin, notamment, de recettes publicitaire. Or les régies misent en priorité sur la télévision et les journaux à grand tirage comme le quotidien romain La Repubblica.
Aider les quotidiens délaissés par la pub
Un titre qui, comme Il Corriere della Sera continuent de bénéficier d'aides à la presse comme un taux de TVA réduit et des réductions sur les frais d’expédition.
Il faut remettre le système à plat pour permettre au pluralisme d’exister"
estime Benedetto Vecchi, journaliste d'Il Manifesto et membre du comité de rédaction.
Remettre le système à plat cela veut dire, pour lui, redistribuer les ressources, cesser de favoriser les journaux à grand tirage qui font des bénéfices, et les magazines spécialisés. Un raisonnement qui n'est probablement pas celui de l’ex-commissaire européen pour la Concurrence aujourd'hui chef du gouvernement, surtout en période de crise.
Seule concession annoncée, l'aide à la presse devrait finalement atteindre 64 millions d'euros, soit 11 millions de plus qu'initialement prévu. Une goutte d'eau qui risque d'être insuffisante pour sauver Liberazione.