Après la Scientologie, Paypal ou les cartels mexicains, les hacktivistes d'Anonymous ont déniché une nouvelle cible: l'extrême droite allemande. Après une première attaque au printemps 2011, la découverte du trio néo-nazi suspecté de dix meurtres a redonné de l'appétit aux Anonymous. Leur nouvelle arme ? "Nazi-Leaks", un site qui divulgue l'identité des militants d'extrême droite.
L’année commence à peine, et les Anonymous distribuent leurs premières claques. Les cyber-activistes ont choisi, pour inaugurer 2012, un client de choix: l’extrême droite allemande, et sa façade politique, le NPD.
Une gifle de bonne année, en deux temps. D’abord, une attaque en règle des sites internet d’extrême droite, pour les mettre en veilleuse, dans les premiers jours de 2012. Une "opération" (terme employé par les Anonymous pour qualifier leurs actions) qui s’inscrit dans la continuité de celle lancée au printemps 2011. Nom de code: Opération Blitzkrieg. Cible: la blogosphère néo-nazie. Les attaques de ces derniers jours en sont le dernier épisode.
#OpBlitzkrieg
En mai déjà, une vingtaine de sites avaient subi les foudres des hacktivistes du No-Name Crew, un groupe d’internautes "antifa" (antifascistes).
Le compte Twitter OpBlitzkrieg annonce la couleur sur Twitter le 30 décembre, deux jours avant le nouvel an, et cible trois plateformes extrémistes online: Altermedia, Deutsche Stimme et Ds Versand.
Ce jeudi, le premier était toujours hors-service, tandis que les deux autres sont accessibles.
Mais la vraie trouvaille des Anonymous réside ailleurs. C’est le second volet de l’Opération Blitzkrieg: la mise en ligne, sur le modèle de WikiLeaks, d’un site rendant public des données confidentielles sur les réseaux et sympathisants d’extrême droite.
WikiLeaks + Nazi = Nazi-Leaks
Le site, baptisé Nazi-Leaks, publie des informations glanées par piratage des données de plusieurs sites (presse d’extrême droite, site du parti NPD, etc.). On y retrouve :
- La liste des donateurs du NPD,
- Les emails échangés en interne par les cadres du parti (des courriels hackés début 2011, et dont la presse allemande s’était déjà fait l’écho en février),
- Une liste de contacts de l’hebdomadaire nationaliste Junge Freiheit,
- Les données personnelles de clients de sites commerciaux néonazis (de vêtements notamment).
Pour l’extrême droite allemande, ce WikiLeaks version nazie est intolérable. Le NPD étudierait la possibilité d’une action en justice contre les Anonymous.
Même fureur du côté du Junge Freiheit, l’hebdomadaire piraté. "C’est un acte clairement criminel", a protesté Felix Krautkrämer, l’un de ses éditeurs, cité par le Spiegel Online.
Le Junge Freiheit, dont les noms de ses contributeurs ont été révélés par Nazi-Leaks, entend lui aussi attaquer en justice l’opérateur du site pirate. "Les hackers d’extrême gauche ont publié la semaine dernière une liste qui contient les adresses de 380 auteurs (…), mais aussi de personnes qui ne sont en rien en lien avec le journal. La même liste était déjà disponible en juillet 2011 sur le site d’extrême gauche Indymedia. Déjà à l’époque Junge Freiheit a réagi avec une plainte contre X", a averti l’hebdomadaire.
Contre X, c’est bien la seule option judiciaire face à des anonymes.
La blogosphère, sonnée, veut elle aussi organiser la riposte. La Blitzkrieg des Anonymous pourrait donc tourner à la guerre de tranchée.
Sur la scène néonazie allemande, l’agitation règne. Sur les forums en ligne spécialisés, les utilisateurs se sont prévenus les uns les autres d’une opération Blitzkrieg (…). [Ils disent qu’]il faut organiser le combat ensemble contre les hackers",
note le Frankfurter Rundschau, qui rappelle que la véracité des informations avancées par le front des hackers reste à vérifier.
La fin justifie les moyens ?
Le dernier coup de poing des Anonymous s’inscrit dans une pratique courante en Allemagne, celui de l’"outing" des militants des extrêmes. "Distribuer des flyers devant les appartements, mettre les informations sur le net" concernant des "cadres et activistes du NPD ou de camaraderies (groupes d’extrême droite, ndlr)" est controversé mais monnaie courante en Allemagne, rappelle le Tagesszeitung, quotidien berlinois de gauche qui se réjouit, lui, de l’action des hackers.
Un enthousiasme contenu chez les autres. Beaucoup sont dubitatifs quant au procédé, et surtout vis à vis de la divulgation d’informations personnelles et individuelles.
Est-il raisonnable d'épingler un jeune qui a peut-être tout juste 17 ans et qui achète un tee-shirt avec le marteau du dieu Thor sans savoir qu'il s'agit d'une marque néonazie ?",
s’interroge ainsi le Frankurter Rundschau.
Ou le Sueddeutsche Zeitung, dont un rédacteur-blogueur questionne les "plus-values politiques" d’un tel déballage. "Les droits à la vie privée doivent aussi valoir pour les personnes dont nous ne partageons pas le point de vue", conclut-il.
Mais où est donc Nazi-Leaks ?
Reste un mystère que l’auteur de ce texte, peut-être web-mal dégourdi, n’a pas su démêler : où se trouve donc Nazi-Leaks ?
L’adresse originale (nazi-leaks.net) du site pirate ne fonctionne plus depuis lundi, lorsque la presse allemande s’en est saisie. Trop de visiteurs, et un site qui rame, selon le Spiegel Online. Ou Nazi-Leaks victime de son succès. Ce jeudi, le site demeure introuvable.
Contactés par Twitter, les Anonymous nous conseillent de passer par leurs sites miroirs (des copies du site hébergés sur des adresses différentes, pour fractionner le flux vers une même information).
Une myriade de liens, qui ne mènent nulle part… A peine lancé, et Nazi-Leaks déjà condamné à l’anonymat ?