Des experts indépendants encouragent les autorités britanniques à légaliser, sous certaines conditions, le suicide assisté pour les patients en phase terminale. Des groupes anti-euthanasie et des médecins remettent pourtant en cause l'objectivité de leur rapport.
Le débat sur le suicide assisté est relancé au Royaume-Uni. La Commission on Assisted Dying (Commission sur la mort assistée) a publié un rapport de 415 pages sur la question, après avoir interrogé un pannel de 1.300 personnes. Elle appelle dans ses conclusions à modifier la loi de 1961 interdisant le suicide assisté, une loi jugée "inadéquate et incohérente", et qui punit actuellement de quatorze ans de prison toute personne qui en aide une autre à mourir.
Loi obsolète
Le 23 septembre 2011, le Director of Public Prosecution [le responsable des poursuites du ministère public] avait pourtant conclu qu’il n’était pas dans l’intérêt public d’inculper quelqu’un dans le cas où le défunt aurait émis un "souhait clair, définitif et informé de commettre un suicide", souffrirait d’une maladie incurable ou en phase terminale, et aurait demandé de l'aide de sa propre initiative.
Il n’avait cependant pu apporter aucune "garantie de ne pas être poursuivi". La commission indépendante estime d’ailleurs que la situation actuelle est "un lourd poids" pour la police et les procureurs, "très stressante" pour les familles et "incertaine" pour les travailleurs du système de santé.
A la place, elle conseille que soient autorisés à être euthanasiés les malades de plus de 18 ans en phase terminale ayant moins d’une année à vivre, en bonne santé mentale et ayant exprimé un clair désir de mourir.
Pression sociale
Le malade devra être informé des aides sociales et médicales à sa disposition et deux médecins indépendants devront donner leur opinion. Une période de réflexion de deux semaines sera imposée au malade avant de lui fournir les médicaments lui permettant de mettre fin à ses jours.
Le rapport admet néanmoins que cette légalisation pourrait accroître la pression sur les malades en phase terminale, et insiste sur le fait qu'il faudra s'assurer que la décision est prise par le malade en toute indépendance, sans qu'il ne sente devenu un poids pour sa famille ou pour la société.
Un rapport partisan ?
Ces conclusions font pourtant polémique. Le rapport a en effet été financé par l’écrivain Terry Pratchett – qui avait demandé en 2010 la mise en place de "tribunaux" chargés d’autoriser ou non l’euthanasie d’une personne atteinte d’un mal incurable – et a été rédigé par l’association Dignity in Dying (Mourir dans la dignité), deux ardents défenseurs de l’euthanasie. Leur participation a poussé de nombreuses institutions à refuser de contribuer au rapport afin de n’être pas liées à ses conclusions.
Cette enquête n’était pas nécessaire, elle est faussée, manque de transparence et le rapport est sérieusement erroné […]. L'enquête est montrée comme complète, objective et indépendante mais elle est tout sauf cela",
assène le Dr Peter Saunders, directeur de campagne de l’association Care not Killing.
Même son de cloche du côté de l’association médicale britannique, qui considère que "si le rapport contient une importante gamme de vues de la profession médicale, la majorité des médecins ne veut pas légaliser la mort assistée".
Aux députés de trancher
Le ministère de la justice n’a pas voulu se prononcer sur cette affaire "émotive et contentieuse […] qui doit être tranchée par le Parlement plutôt que le gouvernement". Un débat pourrait d’autant plus avoir lieu dans les prochains mois au Parlement que l’une des commissaires chargée de la rédaction du rapport est également parlementaire du parti conservateur.
Ce que la Commission propose est une version avec encore moins de protection que la très controversée loi Oregon, qui propose de donner aux malades en phase terminale des médicaments pour mettre fin à leurs jours, et non de leur proposer des traitements palliatifs et d'extension de la durée de vie très couteux",
juge encore Peter Saunders.
En ces temps de coupes budgétaires, il n'est pas exclu qu'un changement de la loi puisse être interprété comme la volonté de certains députés de réduire le temps d’attente pour l’accès aux hôpitaux.