Bruxelles lance un ultimatum d’un mois à Orban
Par La Rédaction
Recadrage à trois voix pour la Hongrie: le président de la Commission européenne et deux Commissaires ont engagé des procédures d'infraction contre des lois récentes du gouvernement de Viktor Orban.
La Commission européenne l'avait annoncé, elle l'a fait. Le président de la Commission M. Barroso, la Commissaire à la Justice, aux Droits Fondamentaux et à la Citoyenneté Mme Reding et le Commissaire aux Affaires économiques et monétaires M. Rehn, ont engagé une procédure légale accélérée d'infraction à l'encontre de plusieurs mesures de la nouvelle Constitution hongroise, entrée en vigeur le 1er janvier 2012.
Pour la Commission, la législation hongroise entre en contradiction avec le droit européen en remettant en question l'indépendance de la banque centrale du pays et de l'autorité de protection des données ainsi que par des mesures affectant son système judiciaire",
peut-on lire dans un communiqué publié en début d'après-midi.
Perte d'indépendance chronique
Rappelant que Bruxelles était "déterminée à prendre toute les mesures légales nécessaires pour assurer que la compatibilité avec le droit européen soit garantie", les Commissaires ont détaillé les points posant problème.
- Banque centrale :
D'après les nouvelles règles de la banque centrale (Magyar Nemzeti Bank, MNB), le Ministre de l'Economie peut participer aux réunions de direction du Conseil monétaire, permettant au gouvernement d'avoir une influence directe de l'intérieur. De la même manière, l'agenda des réunions doit être communiqué au gouvernement à l'avance, empêchant par là toute réunion confidentielle.
L'indépendance des banques centrales est l'une des pierres angulaires du Traité [de Lisbonne]. Les gouvernements doivent s'abstenir d'essayer d'avoir de l'influence sur elles",
a déclaré Olli Rehn.
- Justice :
La décision du gouvernement d'abaisser l'âge de départ à la retraite des juges de 70 ans à 62 ans pose particulièrement problème à la Commission, dans la mesure où les règles européennes interdissent explicitement toute forme de discrimination basée sur l'âge. La fin de la prise de décision collégiale pour la nomination des juges et des membres des Cours de Justice pose également sérieusement question quant à l'indépendance du système judiciaire.
- Protection des données personnelles :
Le gouvernement hongrois a décidé de la création d'une nouvelle autorité de supervision du contrôle des données personnelles, en remplacement de l'actuel Commissaire chargé de ces questions, qui se retrouve au chômage technique, sans remplaçant. Les nouvelles règles de l'autorité permettent en outre que le Président et le Premier ministre aient la possibilité de dissoudre l'autorité sans avis motivé.
L'argent contre les valeurs
Pour l'instant, ce sont donc trois lettres de mise en demeure qui ont été envoyées, comme le demande la procédure, à la Hongrie, qui dispose d'un délai exceptionnellement raccourci à un mois* (contre deux normalement) pour apporter des réponses satisfaisantes aux inquiétudes formulées.
La disposition qui prévoit de priver de son droit de vote un Etat-membre qui ne respecte pas les Traités européens (article 7 de la Constution) ne pourra en revanche pas être activée tout de suite.
[L'article 7] ne peut être utilisé qu'en dernier ressort, une fois que les institutions ont épuisé tous les outils légaux, lorsqu'un pays ne se conforme pas aux arrêts de la Cour de justice",
précise la Commissaire Viviane Reding.
Les institutions, embarassées par les écarts répétés au droit européen de M. Orban, espèrent que l'argument financier aura plus de poids pour le Premier ministre hongrois. Celui-ci pourrait en effet se voir refuser un prêt de 10 à 20 milliards d'euros que devaient lui accorder l'UE et le FMI pour lui permettre de remettre à flots son pays très endetté. Pas un mot n'a été écrit, en revanche, sur la très contestée loi sur les médias qui continue pourtant de poser de sérieux problèmes en Hongrie.
Avec une réactivité qui peut surprendre les observateurs, Viktor Orban a annoncé qu'il se rendrait mercredi au Parlement européen de Strasbourg pour défendre la position de son gouvernement. Où Daniel Cohn-Bendit l'attend certainement de pied ferme.
*contrairement aux informations dont nous disposions hier après-midi, le délai est bien d'un mois et non de deux semaines.