Le Premier ministre hongrois Viktor Orban défendait mercredi la politique de son gouvernement devant le Parlement européen. Les trois procédures d'infraction lancées par la Commission européenne à l'encontre de Budapest ont déjà rendu le leader nationaliste plus conciliant. En jeu, l'aide économique de l'UE et du FMI dont la Hongrie a désespérément besoin. De notre envoyé spécial à Budapest.
La paix avant la "bombe nucléaire" ? Le bras de fer viril entre la Hongrie et la communauté internationale semble commencer à faire plier Viktor Orban. Dans un entretien au quotidien allemand Bild publié ce mercredi, le Premier ministre conservateur a expliqué être "ouvert et prêt à négocier sur tous les problèmes présentés par la Commission européenne sur la base d'arguments sérieux".
"Les problèmes pourraient facilement et rapidement être résolus", a-t-il assuré en personne, mercredi, devant le Parlement européen. Manière de minimiser les points de désaccords et de se défendre de toute dérive autoritaire.
Ce ton pour le moins conciliant du chef du Fidesz fait suite au lancement, hier soir, de trois procédures d'infraction au droit communautaire à l'encontre de Budapest à propos de réformes concernant la banque centrale, les juges, et l'autorité hongroise de protection des données. "Nous espérions que les autorités hongroises feraient les changements nécessaires pour se conformer au droit européen, a expliqué le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Cela n'ayant pour l'instant pas été le cas, nous avons lancé une procédure contre ces violations."
Le nerf de la guerre
Pour montrer leur énervement et leur impatience, le collège des commissaires européens, qui s’est réuni hier à Strasbourg, a décidé de ramener à un mois – contre deux habituellement – le temps octroyé à Budapest pour modifier ces lois.
Bruxelles n’est pas le seul à faire pression sur la bête noire de l’Union. La directrice générale du Fonds monétaire international, Christine Lagarde, a ainsi exigé, jeudi dernier après une brève rencontre avec le ministre magyar chargé des négociations avec le FMI et l’UE, Tamas Fellegi, vouloir voir des "preuves tangibles" de la bonne volonté des autorités de Budapest avant d’accorder une nouvelle ligne de crédit. Car l’argent est bien le nerf de la guerre qui pourrait faire courber l’échine de Viktor Orban.
La position actuelle de la Hongrie n’est pas tenable. La moitié de sa dette publique est libellée en devises et plus de 30% de ses créances en forints sont détenues par des investisseurs étrangers. Le pays est donc totalement dépendant des marchés financiers pour boucler ses fins de mois,
explique un diplomate français.
L’Etat doit ainsi absolument obtenir un nouveau prêt de 15 à 20 milliards d’euros avant la fin du premier semestre pour être capable de rembourser ses échéances.
Le gouvernement commence à comprendre graduellement qu’il doit s’entendre avec Bruxelles et le FMI. Mais Viktor Orban va chercher à faire des concessions progressivement. Il ne fera pas un virage à 180 degrés,
juge Zoltán Török, un expert de Raiffeisen Bank.
"Il restera dans les clous, mais tout juste…"
Ne pas perdre la face… voilà la volonté principale du chef du Fidesz.
Orban cherche toujours à pousser le bouchon un peu plus loin jusqu’à ce que quelqu’un lui dise d’arrêter (…) il est très cynique,
remarque Gábor Vágo, un député du parti d’opposition LMP (en hongrois "une autre politique est possible").
Le dos au mur, il sait toutefois lâcher du lest. "Face au tollé soulevé par sa loi sur les médias, il a modifié son texte afin de le rendre tout juste acceptable par la Commission, résume un expert. Il fera de même avec sa nouvelle Constitution. Il restera dans les clous mais tout juste…"
Si le chef du Fidesz venait à nouveau à s’écarter du "droit chemin", Bruxelles menace déjà d’employer "l’arme ultime": l'article 7 du traité de l'UE.
Le précédent de l'Autriche
Ce texte, souvent qualifié de "bombe nucléaire", permet de suspendre un État de ses droits de vote en cas de "violation grave" des valeurs européennes. Son application n’est toutefois pas aisée. Un tiers des Etats présents au Parlement européen ou à la Commission européenne doivent dans un premier temps constater "qu'il existe un risque clair de violation grave" par un de ses membres des valeurs européennes.
Le "contrevenant" est ensuite questionné au Conseil européen. Les gouvernements doivent alors constater à l’unanimité (moins la voix du pays concerné) "l'existence d'une violation grave et persistante" de leurs valeurs. Et c’est seulement après ce stade que des sanctions peuvent être prises.
Bruxelles n’a tenté qu’à une seule reprise d’utiliser cet article après l’arrivée au pouvoir en 2000 du parti d'extrême droite FPÖ en Autriche. Mais la Commission avait jugé que l’arrivée d’un tel mouvement aux commandes d’un Etat ne représentait pas en soi une violation des valeurs de l'UE.
Eviter l'affrontement
Les mesures prises par le gouvernement hongrois sont, elles aussi, sujettes à débat. Soutenue par les Verts, la menace du recours à l'article 7 à l’encontre de la Hongrie est également "envisagée" par le groupe socialiste et démocrate. Le Parti Populaire européen (PPE), majoritaire à Bruxelles, préférerait, lui, éviter de condamner trop sévèrement un de ses membres.
Au Parlement de Strasbourg comme à Budapest, tout le monde a donc intérêt de trouver un accord avant le lancement de la bombe nucléaire. La logique de la Guerre froide est toujours d’actualité…