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Bruxelles, dernier espoir pour la radio anti-Orban

jeudi, 19 janvier, 2012 - 11:27

Viktor Orban ne supporte pas les médias indépendants, notamment Klub Radio. Le premier ministre hongrois vient de lui supprimer sa licence de diffusion après l'avoir harcelée depuis des mois. Visite à Budapest dans les locaux de la radio où l'on veut croire encore à l'avenir après le soutien de Bruxelles. De notre envoyé spécial à Budapest.

La bonne nouvelle est plutôt tardive, mais elle pourrait sauver l’existence de Klub Radio. La dernière radio d'opposition en Hongrie a le couteau sous la gorge. Sa licence de diffusion à Budapest prend fin en mars prochain et ne sera pas renouvelée. Elle vient de lui être retiré au profit d’un opérateur totalement inconnu qui a été fondé par des ukrainiens grâce à un capital de départ de… 3000 euros.

Dans une lettre adressée mardi dernier au ministre hongrois de l'Administration publique et de la Justice, Tibor Navracsics, la commissaire européenne chargée des nouvelles technologies, Neelie Kroes, reconnaît que le nombre de licences attribuées par un Etat membre de l’UE est du ressort du gouvernement. Mais l’ancienne ministre néerlandaise des transports juge, aussi, que "plus la concurrence est forte, mieux cela vaut, et elle encourage le gouvernement hongrois à attribuer des licences supplémentaires". Cette petite phrase a été accueillie avec soulagement par les salariés de Klub Radio.

Le cœur n’y est plus 

Dans un joli petit bâtiment bleu situé tout près du Danube à Budapest, les présentateurs tentent de garder le sourire, mais le cœur n’y est plus. Les 40 pigistes de la radio attendent d’être payés depuis plusieurs mois et les 50 salariés commencent à faire crédit à leur employeur. Avec près de 500.000 auditeurs, Klub Radio est pourtant la sixième plus importante radio du pays pour l'audience et la deuxième radio généraliste. Mais le gouvernement dirigé par Viktor Orban a fini par avoir sa peau

Le Premier ministre hongrois et chef du Fidesz a commencé par lui couper les vivres.

Deux jours après son élection en 2010, l’Etat et les sociétés publiques ont cessé de diffuser leurs publicités sur notre antenne"

se rappelle Vicsek Ferenc, son rédacteur en chef.

De nombreuses entreprises privées ont aussi arrêté de passer leurs spots chez nous par peur de perdre des contrats gouvernementaux. Notre chiffre d’affaires annuel a ainsi été réduit de moitié pour atteindre moins de 300 millions de forints (970.000 euros). Des auditeurs nous permis de récupérer 500.000 euros, mais nous sommes aujourd’hui exsangues."

Les autres médias d’opposition ont subi la même pression financière. "Il est très facile pour le gouvernement d’étrangler la presse en leur coupant les vivres publicitaires", juge Mihály Rozsa, un journaliste local.

Ne parvenant pas à étouffer financièrement Klub Radio, le gouvernement a alors décidé de franchir une étape supplémentaire en manipulant l’appel d’offre concernant le renouvellement de sa licence de diffusion.

"Ce marché était biaisé dès le départ puisqu’il précisait que la part consacrée à la musique devait atteindre 60% du temps d’antenne", explique, sans cacher sa lassitude, Vicsek Ferenc.

Etant une radio "talk&news" avec 80% d’infos et de débats, nous étions clairement défavorisés. Les ukrainiens ont aussi mis 75 millions de forints (242.000 euros) sur la table pour obtenir la licence alors que tous les autres candidats ne proposaient pas plus de 55 millions. A titre de comparaison, la dernière licence nous avait été attribuée pour un montant de… 22 millions de forints. On ne pouvait pas suivre, faute de moyens suffisants".

Les médias opposés au gouvernement sont ainsi, les uns après les autres, tous mis au pas.

Le site d’information Index vient ainsi de perdre son accréditation au parlement magyar pour avoir attenté, dans un clip potache de fin d’année, à la "dignité" du Parlement. Les radios, télévisions, agences et sites d'information publics sont, eux aussi, supposés marcher aux ordres.

Des centaines de personnes jugées "non-coopératives" ont été encouragées à prendre leur retraite anticipée. Par ailleurs, les rédactions des quatre chaînes télévisées d'Etat ainsi que celle de l’agence de presse nationale ont été fusionnées.

"Viktor Orban a bien entendu placé aux commandes de cette entité un homme à lui", regrette Janos Tardos, un journaliste qui a, notamment, travaillé pour des journaux d'opposition.

La rébellion commence toutefois à s’organiser en Hongrie. Les manifestations attirent de plus en plus d’opposants. Klub Radio pourrait également continuer à émettre sans licence de diffusion radio.

"Plusieurs câblo-opérateurs nous ont proposé de nous diffuser sur leur réseau, révèle Vicsek Ferenc. Les téléspectateurs pourraient ainsi nous écouter sur leur téléviseur. Cette option nous permettrait d’être présent sur la totalité du pays alors que nos licences actuelles, qui nous sont retirées les unes après les autres, ne nous permettent pas de couvrir la moitié du territoire".

Son rédacteur en chef se garde toutefois de crier victoire.

Un jour, je suis résolument optimiste et le lendemain je n’y crois plus"

avoue t-il. Le tout récent soutien de Neelie Kroes devrait lui redonner un peu d’entrain… 




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