L’Allemagne dégradée à AA- !
La petite agence de notation Egan-Jones a dégradé la note de l’Allemagne. Résultat: un piètre AA-, pour l’économie jugée la plus solide de l’UE. Un simple plan com’ de Egan-Jones pour sortir de l’anonymat ?
Qui connait donc Egan-Jones ? Pas grand monde. Et, pourtant, depuis mercredi, ce nom fait le tour de l’Allemagne. Car Egan-Jones est une agence de notation (américaine, il va de soi), et elle vient de dégrader la note du colosse de la zone euro: de AA à AA-.
La faute aux voisins
Une vilaine note qui intrigue. L’Allemagne fait en effet figure d’îlot de stabilité, au cœur de la tempête européenne. Son taux de chômage est relativement bas (7,1 en moyenne en 2011), son économie probablement la plus solide, et elle est aux manettes de la gestion politique de la crise. Las, l’agence de notation y voit des perspectives trop négatives et la sanctionne:
L’Allemagne a supporté le fardeau d’autres pays européens à travers son exposition au fonds de stabilité (FESF), et indirectement via la lourde exposition de la BCE aux banques et aux dettes souveraines les plus faibles".
Et de retenir "le taux d’endettement par rapport au PIB de 83% en 2010, avec près de 86% attendu pour 2011, et le déficit à 4,6% du PIB".
Dans une interview au magazine Forbes, Sean Egan, co-fondateur de l’agence, justifie donc le AA- infligé à l’Allemagne, par ce double obstacle:
- la baisse de la qualité du crédit,
- et l’augmentation du ratio dette/PIB.
La France en décembre
Reste que Egan-Jones, qui ose toucher à la note du leader de l’UE quand les trois mastodontes de la notation s’en gardent [Standard&Poor’s, Moody’s, et Fitch], voit aussi du positif. Elle juge ainsi la croissance allemande, de 4% au dernier trimestre, "éclatante comparé à l’Europe moribonde", et estime que "les rendements pour les titres de dette allemands vont probablement rester bas, vu que l’Allemagne est parmi les pays les plus solides de l’UE et en raison des efforts de liquidité de la BCE".
Le même jour, le responsable Europe chez Standard&Poor’s assurait que l’Allemagne conserverait son triple A, y compris en cas de récession en 2012. Alors, Egan-Jones joue-t-elle la provocation ? En décembre, elle avait déjà été la première à dégrader la note française, de deux crans, la faisant chuter à un seul et malheureux A.
Concurrence entre agences
Mais pas de panique sur les marchés. L’oligopole constitué par les trois grandes agences de notation a verrouillé son business. Les saillis du petit poucet Egan-Jones ressemblent donc davantage à des coups d’épée dans l’eau (trouble) de la zone euro.
"Pour gagner des parts de marchés, il faut se distinguer de ses concurrents et prendre éventuellement davantage de risques", expliquait à Ouest France le directeur adjoint du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), Gunther Capelle-Blancard.
Ou quand les agences de notation se tirent la bourre pour dégrader les premières.