Une députée britannique proposait d'enseigner l'abstinence sexuelle aux jeunes anglaises. La proposition de loi, trop controversée, ne sera finalement pas examinée au Parlement. Elle relance néanmoins le débat de l'éducation sexuelle, pour des adolescents britanniques pas très au fait...
Les jeunes filles n’apprendront finalement pas l’abstinence sexuelle à l’école. Cette proposition de loi devait être débattue au Parlement britannique vendredi, mais a été retirée in extremis de l’ordre du jour.
A l’origine de ce projet? La députée conservatrice du Mid Bedfordshire, Nadine Dorries, partie en guerre contre le sexe chez les jeunes. Dans une société "saturée de sexe", la zélée députée militait en effet pour l’introduction de leçons sur l’abstinence dans les cours donnés aux jeunes filles de 13 à 16 ans.
Apprendre l’option de l’abstinence à nos filles et à nos garçons, la possibilité de simplement dire 'non', et ceci dans le cadre des cours d’éducation sexuelle obligatoires,"
défend celle qui veut convaincre ces ados que l’abstinence peut-être "cool".
"Lobby de la droite religieuse"
Cible de son combat: "le taux incroyablement élevé d’activité sexuelle et de natalité chez les adolescents", confie-t-elle au Guardian. Si l’angle d’attaque de l’hyperactivité sexuelle des bambins britanniques souffre quelque limite, le second, qui touche à l’épineux problème des grossesses adolescentes est un véritable enjeu de société au Royaume-Uni.
Une stratégie décriée. Notamment par l’Association humaniste britannique qui n’y voit qu’une "autre tentative du lobby de la droite religieuse de promouvoir et imposer aux autres une vision étroite, non partagée et potentiellement dangereuse du sexe, de la santé et du droit à l’avortement". Quant à l’idée de dispenser des cours qu’aux filles, les féministes britanniques sont contre, a fortiori sur des sujets comme la sexualité.
La croisade de Nadine Dorries en faveur des "avantages de l’abstinence" a donc fait long feu, mais relance le débat de l’éducation sexuelle au Royaume-Uni. Le pays n'est pas en pointe sur le sujet…
L'éducation sexuelle, taboue avant 16 ans
Au Royaume-Uni, les professeurs sont tenus d’enseigner les aspects biologiques de la reproduction aux élèves qui ont 16 ans au moins, mais pas question de le faire avant cet âge, les conservateurs s’y étant opposé en 2010. Les parents ont, par ailleurs, tout à fait le droit de retirer leurs enfants de ces cours. Cerise sur le gâteau, aucun intervenant extérieur n'est présent pour aborder ces questions plutôt délicates, ce que regrettent les enseignants et les associations spécialisées.
Résultat, de la capote aux arts du sexe, les jeunes britanniques sont un peu perdus… Seul un peu plus de la moitié d'entre eux (55% pour les filles et 62% pour les garçons) estime qu’elle a été bien informée sur les méthodes de contraception disponibles, et 16% pensent que la méthode du retrait constitue une forme efficace de contraception.
Interrogés par le quotidien The Guardian, des adolescents britanniques témoignent, en outre, d'un environnement peu propice à l'usage du préservatif. La pression pour avoir des relations sexuelles, et pour les avoir sans préservatif, est intense, confie la jeune Odia:
Si vous faites l'erreur de dire 'oui, je t'aime', alors les garçons l'utilisent contre vous. Ils répondent 'si tu m'aimes, alors nous n'avons pas besoin d'utiliser une capote' ".
Grossesses adolescentes: le Royaume-Uni seul en tête en Europe
Une pression d'autant plus aigue lorsqu'elle transite par Internet, qui déforme et livre une vision crue de la sexualité.
On y apprend rien du tout sur les relations. C'est toujours purement anatomique"
explique Shenee, 17 ans.
19% des jeunes femmes et 16% des jeunes hommes déclarent ne pas avoir reçu d’éducation sexuelle à l’école et 16% des deux sexes ne font pas confiance à leurs professeurs pour leur fournir des informations exactes et non biaisées sur les choix contraceptifs.
Une étude récemment publiée en Angleterre rapporte que la proportion des jeunes ayant eu un rapport sexuel non protégé avec un nouveau partenaire a augmenté dans les deux dernières années. Sur les 61% des Britanniques entre 16 et 19 ans ayant eu un rapport sexuel avec un nouveau partenaire, 43% admettent ne pas avoir utilisé de contraception, contre 36% en 2009.
Le Royaume-Uni demeure largement en tête en termes de grossesses adolescentes en Europe de l'Ouest, avec un taux de fécondité des adolescentes de 29,6 (contre 5 aux Pays-Bas, un peu plus de 7 en France et en Allemagne, et moins de 13 en Espagne). Et la proportion des jeunes femmes déclarant connaître une personne (amie proche ou membre de leur famille) ayant subi une IVG a pour sa part augmenté de 36% à 55%.
Shocking !
Je pense que les parents ont le droit absolu de protéger leurs enfants de cette sorte d’éducation sexuelle qui s’obstine inutilement à détruire l’innocence des enfants, d’une façon qui fait penser à de la pédophilie. A mes yeux, toute personne qui veut parler de manière grossière à de jeunes enfants est un danger pour eux".
a affirmé en octobre dernier lors de l’émission Sunday Morning Live diffusée sur la BBC, la militante des valeurs familiales Lynette Burrows, dans un débat sur l’éducation sexuelle à l’école. De manière peu impartiale, les journalistes de l’émission avaient invité essentiellement des militants anti-éducation sexuelle à l’école, rendant la position de la seule intervenante pro-, la professeure d’éducation sexuelle Alice Hoyle, difficile à défendre.
Avec Nadine Dorries, le frileux pays de la capote vient, une fois, de plus de laisser aux anti-sexe le luxe de relancer le débat de l'éducation sexuelle de ses jeunes.
Article actualisé le 20 janvier 2011, à la suite du retrait de la proposition de loi sur les leçons d'abstinence sexuelle en Grande-Bretagne.