"L'Europe n'est plus au bord du gouffre", a assuré Nicolas Sarkozy avant de rejoindre les dirigeants européens réunis à Bruxelles pour un sommet consacré à la discipline budgétaire et à la relance de la croissance. La zone euro va tellement bien que l'Allemagne a proposé la mise sous tutelle de la Grèce menacée de faillite fin mars si aucun accord n'est trouvé.
La crise de la zone euro, quelle crise?
Aujourd'hui, avec prudence, je crois que l'on peut dire que les éléments d'une stabilité financière du monde et de l'Europe sont posés (…) La crise financière s'apaise. L'Europe n'est plus, de ce point de vue, au bord du gouffre,
a tenté de rassurer Nicolas Sarkozy lors de son intervention multi-télévisée, dimanche soir.
Réunis ce lundi à Bruxelles, les dirigeants européens espéraient commencer tourner la page de la crise de la dette et concentrer leurs efforts sur la relance de l'activité et la lutte contre le chômage – qui atteint dans l'UE le taux historiquement haut de 9,8%. Dans huit pays, le chômage des jeunes est supérieur à 30% (Italie, Lettonie, Portugal, Grèce, Irlande, Lettonie, Slovaquie et Lituanie).
La Grèce refuse la mise sous tutelle
Officiellement, les 27 discuteront donc de la réforme du marché de l'emploi et de l'avenir professionnel des jeunes européens. Dans sa lettre d'invitation, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, a fait savoir qu'il souhaiterait aborder la question de l'emploi des jeunes. Vendredi dernier, la Commission européenne a également annoncé qu'elle disposait encore d'ici à fin 2013 de 82 milliards d'euros d'aides régionales et sociales qui n'étaient pas engagées et qui pouvaient être redéployées pour l'emploi et les PME.
L'intention est louable, mais à regarder la longue liste de points à régler, il est peu probable que le lundi 30 janvier reste dans l'histoire comme le jour où les 27 se seront penchés sur les difficultés de la jeunesse européenne. L'actualité risque, en effet, d'imposer sa dure loi: sur fond de grève générale en Belgique, certains se rappellent qu'en Grèce, ça ne va pas très bien. A tel point que l'Allemagne a proposé, ni plus ni moins, que la mise sous tutelle du pays.
Un "commissaire au budget" serait nommé par les ministres des finances de la zone euro "avec pour tâche d'assurer un contrôle budgétaire" du gouvernement grec, avec droit de veto sur les décisions qui ne respecteraient pas les engagements pris à l'égard des créanciers. Une proposition sèchement retoquée par les autoritées grecques. De quoi parasiter l'ordre du jour. Car, contrairement au voeu pieux du président français, rien n'est réglé pour les pays les plus endettés comme le Portugal ou l'Italie, et sûrement pas pour Athènes.
Un dernier sommet avant la faillite d'Athènes ?
La Grèce n'est plus de l'histoire ancienne. Sous les menaces de dégradation des notes souveraines par les agences de notation, on a eu tendance à l'oublier. Mais maintenant que tout va bien pour les AAA (ou les AA+), il semblerait bien que rien n'aille plus pour Athènes. C'est que les ministres des Finances de la zone euro ont rejeté en début de semaine la dernière offre de participation des créanciers privés de la Grèce et ils ont appelé à un accord rapide. Qui n'a toujours pas été trouvé.
Le Conseil européen devrait donc se saisir du sujet. Cet accord, destiné à effacer quelques 100 milliards d'euros de dette, est, en effet, indispensable à la mise en oeuvre du 2ème plan d'aide à la Grèce, d'un montant de 130 milliards d'euros. Une aide vitale sans laquelle Athènes ne poura pas rembourser les 14,5 milliards d'euros de dette publique qui arrivent à échéance le 20 mars – ce serait alors la faillite.
Pour ne rien arranger, les experts de la Troika des bailleurs de fonds, cités par Der Spiegel, estiment que cette aide devrait s'élever désormais à 145 milliards d'euros pour donner une chance à la Grèce de s'en sortir. Ni la France ni l'Allemagne ne sont prêts, pour l'heure, à remettre au pot. La priorité est toujours donnée aux mesures de rigueur et aux sacrifices demandés à la population.
Règle d'or budgétaire
Plus que de croissance et d'emploi, c'est bien d'austérité, encore et toujours, dont il sera question cet après-midi à Bruxelles. Le gros des négociations portera sur le nouveau traité de stabilité. Le 9 décembre dernier, le Conseil européen – c'est-à-dire les 27 chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne – s'est mis d'accord, à l'exception de David Cameron, premier ministre du Royaume-Uni, sur un renforcement de la discipline budgétaire des budgets nationaux. Autrement-dit, la mise en place de "règles d'or" imposant le retour à l'équilibre sous peine de sanctions quasi-automatiques.
Cet accord, devenu entre-temps le traité "sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’union économique et monétaire", prévoit notamment de limiter à 0,5 % du PIB le déficit structurel (en opposition aux 3 % de déficit conjoncturel du Traité de Maastricht) du budget annuel de chaque État membre. Et attention, car en cas de non-respect, la Cour européenne de justice pourrait bien être capable de mettre à l'amende – on parle de 0,1 % du PIB… – les contrevenants.
L'adoption de la version finale du traité, négociée à 26, ne devrait pas poser de problème. Le texte entrera en vigueur dès que 12 des 17 pays de la zone euro l'auront ratifié.
Au moins un point crucial reste cependant à négocier: le texte prévoit que les deux réunions annuelles ne soient ouvertes qu'aux membres de la zone euro. Le premier ministre polonais, Donald Tusk, a fait savoir que s'il ne pouvait participer aux discussions, il pourrait ne pas donner son accord.
Des négociations sportives en vue
Les 27 devraient aussi discuter de la mise en place d'outils et solutions pour une UE plus efficace économiquement. Et cela s'annonce sportif:
- Nicolas Sarkozy et Angela Merkel – alias "Merkozy" – vont probablement demander la mise en place de la Taxe Tobin, c'est-à-dire la taxe sur les transactions financières. David Cameron, qui protège la City à Londres, s'est déjà exprimé contre.
- Christine Lagarde, directrice générale du Fonds monétaire international, souhaiterait voir les fonds de secours européens renforcés. Le Mécanisme européen de stabilité (MES, doté d'une capacité de 500 milliards d'euros), qui viendra remplacer le Fonds européen de stabilité financière en juillet, ne devrait pourtant pas être réapprovisionné. Angela Merkel s'y oppose fermement.
- Le sommet sera aussi l'occasion pour Martin Schulz, tout nouveau président du Parlement européen, de s'opposer au traité de stabilité: la semaine dernière, le PE a en effet jugé le texte comme étant inutile.