Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy avait promis de modifier la loi sur l’IVG en Espagne. Il a d’ores et déjà annoncé la couleur: l’interruption de grossesse sera désormais sujette à conditions. Les associations féministes craignent une augmentation du tourisme abortif et le retour des avortements clandestins.
En juillet 2010, l’entrée en vigueur de la loi sur l’avortement en Espagne mettait fin à vingt-cinq ans de pénalisation de l’IVG. Deux ans plus tard, l'année 2012 pourrait bien être celle de la contre-réforme du droit à l’avortement. Le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a, en effet, annoncé un durcissement de la législation qui n’autorisera l’interruption de la grossesse que sous conditions.
Proche du "modèle" français
Le ministre de la Justice, Alberto Ruiz Gallardón, n’a pas précisé dans quelles circonstances une femme pourra mettre fin à sa grossesse. Toutefois, dans une interview accordée à la chaîne de télévision publique TVE 1, Gallardón a laissé entendre qu’elles pourraient être proches de celles que la loi de 1985 avait établies. Ce texte, réformé en 2010, autorisait l’avortement en cas de viol (jusqu’à douze semaines), malformation fœtale (jusqu’à 22 semaines), et danger pour la santé mentale ou physique de la mère (jusqu’à la fin de la grossesse).
La loi promulguée dans un climat de forte contestation sociale par le Gouvernement socialiste de José Luis Rodríguez Zapatero avait, en 2010, donné liberté aux femmes d’avorter jusqu’à 14 semaines de grossesse, délai étendu à 22 semaines en cas de malformations du fœtus ou de danger pour la mère.
Une politique similaire à celle de la France où, toutefois, l’avortement thérapeutique est permis jusqu’à la fin de la grossesse. Selon le texte encore en vigueur en Espagne, les mineures peuvent avorter sans autorisation parentale si elles allèguent de potentiels conflits violents avec leurs géniteurs.
Au nom du "droit à la vie"
Le Parti Populaire (PP) aujourd'hui au pouvoir, a toujours rejeté ce texte, considérant qu’il ne prenait pas en compte la protection de l’enfant à naître. La nouvelle loi prendra en compte le "droit à la vie" cher au parti conservateur.
Revenir à la loi de 1985 ou à une loi encore plus restrictive, revient à remettre sous tutelle le droit des femmes à décider de sa gestation, ce qui suppose un clair recul en termes de droits basiques des femmes"
a estimé la semaine dernière l’Association des Cliniques accréditées pour l’Interruption de la Grossesse (ACAI).
Mais face aux accusations de régression, le ministre rétorque que la réforme qu’il s’apprête à mettre en place constitue ce qu’il a fait de plus "progressiste dans [sa] vie politique". Étonnant, de la part de l’un des promoteurs – fort critiqués par les milieux conservateurs – de l’usage gratuit de la pilule du lendemain à Madrid en 2004.
Le bal des hypocrites
Il n’est toutefois pas certain que le durcissement de la législation freine le nombre d’avortements. Avant la réforme de 2010, environ 90% des femmes qui désiraient avorter éludaient les restrictions légales en invoquant le risque pour leur santé mentale qu’aurait supposé mener la grossesse à terme. C’est aussi le cas en Grande-Bretagne, où la santé mentale justifie régulièrement l’interruption de grossesse.
La volonté de revenir à ce modèle donne à l’Espagne des airs de bal des hypocrites. D’autant plus que les conditions d’avortement s’en trouveront dégradées, d’après plusieurs associations féministes, qui craignent que la réforme ne se traduise par l’augmentation du "tourisme abortif et de la clandestinité".
Le président de l’ACAI résume en quelques mots ce qui attend des Espagnoles avec cette contre-réforme:
Quand on veut interdire l’avortement, la seule chose qu’on obtient c’est son occultation. Or cela s’occulte en voyageant – dans le cas des plus riches -, ou en passant à la clandestinité, ce qui augmente la mortalité parmi les femmes".