Désespérés par un marché de l’emploi plombé par 23,5% de chômeurs, de plus en plus d’Espagnols falsifient à la baisse leur CV dans l’espoir de décrocher un job, même s’il est moins qualifié.
Le gouvernement espagnol avait pronostiqué une baisse du chômage en 2011. Raté: il a atteint des records, avec un taux de 23,5%. Pire, 48,6% des jeunes de moins de 25 ans pointent au Pôle Emploi local. Et pourtant, les jeunes Espagnols n’ont jamais été aussi diplômés. La "génération la plus préparée" de l’histoire du pays est ainsi aussi surnommée "génération perdue". C’est dire si les diplômes et les formations de haut vol ne sont plus nécessairement la clé du succès professionnel en temps de crise.
Il ne s’agit pas tant d’un décalage entre le profil des demandeurs d’emploi et celui que recherchent les employeurs, que d’un problème de pénurie d’offres tout court. Tous les secteurs de l’économie sont concernés, qu’il s’agisse de l’industrie, de l’agriculture ou des services.
CV à la carte
Alors que faire ? Certains ont choisi de passer leur CV à la tronçonneuse: en ôtant une formation ici, en gommant une expérience professionnelle là, ils espèrent augmenter leurs chances de décrocher un emploi quitte à ce qu’il exige de moindres compétences que les leurs. 44% des jeunes Catalans ont d’ailleurs un emploi en deça de leurs compétences réelles, d’après le syndicat Unión General de Trabajadores (UGT). Les Espagnols bardés de diplômes adaptent ainsi leur CV en fonction des demandes des employeurs pour pouvoir jouer sur plusieurs tableaux, du plus exigeant au moins qualifié.
Nous avons détecté cette tendance récemment. C’est encore ponctuel, mais c’est frappant parce que c’est du jamais vu",
explique Marina Vilageliú, directrice régionale (Catalogne) de recrutement de l’agence d’intérim Adecco.
La méthode ne serait toutefois pas efficace d’après la spécialiste :
On les repère lors de l’entretien. Il leur est difficile de justifier plusieurs années de ‘trou’ dans un CV. Ils finissent pour la plupart par reconnaitre la falsification. C’est un mauvais départ pour une relation professionnelle".
Tout sauf le chômage
Mais pour beaucoup, tout est préférable à rester de longs mois sans activité. Quand ils ne trouvent pas d’emploi, les jeunes optent souvent pour prolonger leurs études ou s'engager dans une nouvelle formation. Le but est de "faire quelque chose", d’après Marina Vilageliú. Mais c’est le serpent qui se mord la queue : ils reviennent sur le marché du travail plus diplômés que jamais, alors que l’offre d’emploi n’a pas augmenté.
Il arrive, de plus, qu’ils choisissent des formations pas ou peu adaptées aux besoins du marché, par exemple dans la finance, alors que le secteur bancaire est en crise et que les banques ne veulent surtout pas embaucher des jeunes inexpérimentés",
explique la responsable d’Adecco.
D’autres solutions sont possibles: l’exil, par exemple. D’après l’organisation patronale CEOE, c’est le choix qu’ont fait 300.000 jeunes depuis le début de la crise, cherchant ailleurs l’opportunité que l’Espagne ne leur offre pas. Les jeunes architectes sont particulièrement concernés : d’après le syndicat de la profession, 18% d’entre eux seraient déjà partis tenter leur chance dans d’autres pays.