Le gouvernement espagnol a exprimé son "inquiétude" après la diffusion des sketchs des Guignols de l'info parodiant l'ex-maillot jaune déchu, convaincu de dopage, mais aussi Rafael Nadal. L’ambassade d’Espagne à Paris devrait même envoyer une lettre de plainte à Canal + dans les heures à venir. Pour nombre d’Espagnols, la jalousie des Français expliquerait la condamnation pour dopage d'Alberto Contador.
Jeter de l’huile sur le feu. C’est un peu ce qu’ont fait les Guignols de l’Info en diffusant des sketches parodiant plusieurs sportifs espagnols, prétendument dopés. Concrètement, le joueur de tennis Rafael Nadal, numéro deux à l’ATP et le cycliste Alberto Contador. Autant dire que la blague n’a pas fait rire de l’autre côté des Pyrénées.
Les limites du tolérable ont été franchies. […] Nous ne pouvons tolérer le discrédit et les injures à l’égard de nos sportifs,
a clamé dans un communiqué la fédération espagnole de tennis, qui compte déposer une plainte.
Le Gouvernement de Mariano Rajoy, qui n’a guère goûté l’humour de Canal +, a pris les choses en main. Le ministre des Affaires Etrangères s’est dit jeudi "extraordinairement inquiet" par les images diffusées sur la chaîne télévisée française dont il a jugé qu’elles sont d’un "extraordinaire mauvais goût". L’ambassade d’Espagne à Paris devrait même envoyer une lettre de plainte à Canal + dans les heures à venir.
J'ai parlé avec notre ambassadeur à Paris hier (mercredi) soir et encore ce matin (jeudi). Il a instruction d'envoyer un communiqué à tous les médias français et une lettre spécialement au directeur de Canal+ France pour lui signifier notre mécontentement dans cette affaire,
a déclaré le ministre espagnol des Affaires étrangères Jose Manuel Garcia-Margallo.
C'est qu'on ne plaisante pas avec le sport espagnol. Et, surtout, on ne met pas en doute les performances des champions ibères. L’humour guignolesque, certes pas toujours très fin, a touché un point sensible d’une société espagnole, dont les exploits sportifs restent l’un des derniers motifs de réjouissance en ces temps de crise.
Un complot ourdi par les Français: la (grande) boucle est bouclée
Les sketches diffusés sur Canal + ont ravivé la polémique sur la responsabilité, ou pas, des Français dans la suspension pour deux ans pour dopage d’Alberto Contador, par le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne, en Suisse. A mille lieux de faire son autocritique, de la "tristesse" du socialiste Alfredo Pérez Rubalcaba, à la "commotion" de María Dolores de Cospedal (PP), l’Espagne du sport et des politiques s'est placée en rangs serrés derrière son champion.
Sur Facebook et Twitter aussi, les réactions ont été immédiates. Avec un bouc émissaire: les Français. Du plus correct ("C’est honteux. En France ils oublient le dopage de leurs propres cyclistes. Mais bon, il faut bien qu’ils fassent quelque chose pour gagner contre un Espagnol") au moins châtié ("Français de m*****"), nombre d’internautes ont vu derrière la condamnation de Contador un véritable complot ourdi par les Français dans l'espoir de remporter enfin le Tour de France.
Dans ce contexte de suspicion généralisée, les vidéos lourdingues des Guignols ont eu du mal à passer, d’autant que Rafael Nadal n’a jamais été mis en cause dans des affaires de dopage.
Ces blagues de mauvais goût ont rappelé également les récentes accusations lancées à l’emporte-pièce par Yannick Noah qui sous-entendait dans un article publié dans Le Monde que le sport espagnol est gangrené par le dopage.
"Les vidéos des Guignols ont beaucoup dérangé, c’est vrai. Pour le reste, il s’agit de disputes ataviques", minimise dans une conversation avec MyEurop Santiago Segurola, journaliste au quotidien sportif Marca.
Il n’y a aucune raison de critiquer les Français pour la sentence. Il n’y avait aucun juge français au sein du TAS. Le laboratoire qui a fait les tests à Contador est allemand. Le président de l’UCI n’est pas français. Rien de ce qui s’est passé dans cette affaire n’a quoi que ce soit à voir avec les Français,
résume-t-il.
Alors que l’époux et entraîneur de Jeannie Longo fait l’objet d’une enquête dans une affaire de dopage (il a reconnu jeudi, lors de sa garde à vue, avoir acheté de l'EPO "pour son usage personnel"), l’un des sketches de l’émission de Canal+ terminait sur une phrase: "Les sportifs espagnols, ils ne gagnent pas par hasard". Ce à quoi le président de la Fédération espagnole de Tennis a répondu que
d’autres ne gagnent pas, même pas par hasard.
A méditer.
Article actualisé le 10 février à 12h30.